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26/01/2006 | FRANCE | N°05NC01177

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, President, 26 janvier 2006, 05NC01177


Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2005, présentée pour Mme Eloam Afi Mansa X, élisant domicile chez M. Yaw Y ..., par Me Jung, avocat au barreau de Strasbourg ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503397 du 8 août 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 juillet 2005 du préfet du Bas-Rhin ordonnant sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre au

préfet du Bas-Rhin de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour ;
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Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2005, présentée pour Mme Eloam Afi Mansa X, élisant domicile chez M. Yaw Y ..., par Me Jung, avocat au barreau de Strasbourg ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503397 du 8 août 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 juillet 2005 du préfet du Bas-Rhin ordonnant sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme X soutient que :

- le préfet a, à tort, considéré que sa demande d'asile revêtait un caractère dilatoire ;

- l'arrêté de reconduite à la frontière est signé par une autorité incompétente ;

- le préfet ne pouvait ordonner sa reconduite à la frontière avant que la commission de recours des réfugiés ait définitivement statué sur sa demande d'asile politique ;

- la décision du 28 avril 2005 refusant son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile est illégale ;

- elle ne possède aucune attache dans son pays d'origine et elle encourt de graves risques en cas de retour au Togo ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 janvier 2006 :

- le rapport de Mme Stahlberger, présidente déléguée,

- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 741 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : «Tout étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France sous couvert d'un des titres de séjour par le présent code ou les conventions internationales, demande à séjourner en France au titre de l'asile, présente cette demande dans les conditions fixées au présent chapitre» ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : «Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande ; 3° La présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ; 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (…)» ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 dudit code : «L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. En cas de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d'octroi de la protection subsidiaire, l'autorité administrative abroge l'arrêté de reconduite à la frontière qui a, le cas échéant, été pris. Il délivre sans délai au réfugié la carte de résident prévue au 8° de l'article L. 314-11 et au bénéficiaire de la protection subsidiaire la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-3» ;

Considérant que Mme X, de nationalité togolaise, est entrée en France le 8 octobre 2004 ; qu'elle s'est, spontanément, présentée devant les services de la préfecture du Bas-Rhin le 12 avril 2005 pour entreprendre les démarches lui permettant de bénéficier de l'asile en raison des persécutions dont elle avait été victime dans son pays ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, saisi en procédure prioritaire par le préfet, a rejeté cette demande le 16 mai 2005 ; que le préfet du Bas-Rhin a pris, en date du 28 juillet 2005, un arrêté de reconduite à la frontière, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 sus rappelé ;

Considérant que, d'une part, la seule circonstance, invoquée par le préfet, que la requérante n'avait pas demandé la reconnaissance de la qualité de réfugié dès son entrée sur le territoire français, mais avait attendu six mois pour formuler cette demande, ne saurait permettre de regarder celle-ci comme présentant un caractère dilatoire ; que l'intéressée, qui l'a formée spontanément, n'était l'objet d'aucune mesure d'éloignement à laquelle sa demande aurait eu pour objet de faire échec ; que, d'autre part, cette même circonstance ne suffit pas, à elle seule, alors que l'intéressée fait état de persécutions dont elle a été l'objet, à faire regarder sa demande comme présentant le caractère d'un recours abusif aux procédures d'asile ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 741-4 et L. 741-6 précités que, dès lors que la demande d'asile déposée par Mme X ne pouvait, en tout état de cause, être regardée comme présentant un caractère dilatoire, et qu'il n'est pas établit qu'elle ait, en l'espèce, revêtu un caractère abusif, le préfet du Bas-Rhin ne pouvait prendre à l'encontre de l'intéressé une mesure ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 8 août 2005, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 28 juillet 2005 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt implique qu'en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Bas-Rhin délivre à Mme X une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur la demande de l'intéressée ;

Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme X de la somme de 1 000 euros au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 8 août 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 28 juillet 2005 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Mme X la somme de mille euros (1 000 euros) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Eloam Afi Mansa X, au préfet du Bas-Rhin et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

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N° 05NC01177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : President
Numéro d'arrêt : 05NC01177
Date de la décision : 26/01/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Evelyne STAHLBERGER
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : JUNG-JUNG-HARTER-PALLUCCI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-01-26;05nc01177 ?
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