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12/01/2006 | FRANCE | N°01NC00681

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ere chambre - formation a 3, 12 janvier 2006, 01NC00681


Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2001, présentée pour M. Jean-Marie Simon X, élisant domicile ... par Me Bourgaux, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 99-817 du 27 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a statué sur sa requête tendant à déclarer le centre hospitalier universitaire de Nancy, auquel s'est substitué l'Etablissement français du sang, responsable de la contamination par le virus de l'hépatite C dont il a été victime à l'occasion des transfusions effectuées en mai 1984, en tant qu'il a limité le pr

éjudice indemnisable à la somme de 100 000 francs (15 244,97 €) ;

2°) de condam...

Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2001, présentée pour M. Jean-Marie Simon X, élisant domicile ... par Me Bourgaux, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 99-817 du 27 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a statué sur sa requête tendant à déclarer le centre hospitalier universitaire de Nancy, auquel s'est substitué l'Etablissement français du sang, responsable de la contamination par le virus de l'hépatite C dont il a été victime à l'occasion des transfusions effectuées en mai 1984, en tant qu'il a limité le préjudice indemnisable à la somme de 100 000 francs (15 244,97 €) ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui payer une somme de 3 545 069 francs à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande d'indemnisation, dont 2 000 000 francs au titre des troubles dans les conditions d'existence, 30 000 francs au titre des souffrances éprouvées, 30 000 francs au titre du préjudice esthétique et 1 485 069 francs au titre du préjudice professionnel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 8 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que c'est à bon droit que le tribunal a consacré la responsabilité de l'Etablissement français du sang, subrogé dans les droits et obligations du centre hospitalier universitaire de Nancy ;

- qu'en revanche, le tribunal a fait une évaluation insuffisante de son préjudice en la limitant à une somme de 100 000 francs au titre des troubles dans les conditions d'existence, des souffrances physiques et du préjudice esthétique ;

- qu'il est fondé à évaluer son préjudice aux sommes respectives de 2 000 000 francs pour ce qui concerne les troubles dans les conditions d'existence, de 30 000 francs au titre du pretium doloris et de 30 000 francs au titre du préjudice esthétique ;

- que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, son licenciement est la conséquence de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; qu'il est ainsi fondé à solliciter une indemnité de 1 485 069 francs pour perte de revenus ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 août 2001, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne .

Vu le mémoire, enregistré le 15 octobre 2001, présenté pour l'Etablissement français du sang, venant aux droits et obligations du CHU de Nancy, par Me Bendjenna-Mawad, avocat ;

L'Etablissement français du sang conclut :

- en premier lieu, au rejet de la requête de M. X ;

A cette fin, il soutient que le tribunal n'a pas fait une évaluation insuffisante du préjudice subi par l'intéressé ;

- en second lieu, par voie d'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a fait droit, d'une part, à la demande de M. X au titre du préjudice esthétique, d'autre part, aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne ;

A cette fin, il soutient :

- qu'il ne peut être tenu qu'au remboursement des frais ayant un lien direct avec la contamination de l'intéressé par le virus de l'hépatite C ;

- qu'ainsi, toute indemnisation doit être exclue du chef du lichen plan, étranger à la contamination, et l'indemnisation accordée à la caisse d'assurance maladie doit être écartée en l'absence de précisions permettant d'identifier les seules prestations en rapport direct avec la contamination ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 11 janvier 2002, complété par mémoires enregistrés les 14 mars, 12 et 25 mai 2005, présentés pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et au rejet de l'appel incident de l'Etablissement français du sang ;

Il soutient en outre :

- que son état de santé s'est aggravé depuis celui décrit par l'expert ;

- que c'est à tort que l'Etablissement français du sang nie l'existence d'un lien de causalité entre la contamination par le virus de l'hépatite C et la maladie du lichen plan ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 24 août 2004 et complété par mémoire enregistré le 10 mai 2005, présentés pour l'Etablissement français du sang par Me Champetier de Ribes ; l'Etablissement français du sang conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, à ce que M. X soit condamné à lui rembourser les fonds versés en sus en exécution du jugement, compte tenu de la réformation dudit jugement, outre intérêts légaux à compter du 30 octobre 2001, à ce que soit mise à la charge de M. X et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne une somme de 3 050 euros hors taxe en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, subsidiairement, à supposer que le tribunal retienne une incapacité permanente partielle, à ce que la Cour réduise les prétentions du requérant à de plus justes proportions ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 11 juillet 2005, présenté pour l'Etablissement français du sang, qui conclut, à titre principal, à ce que la Cour sursoie à statuer sur l'indemnisation des préjudices de M. X dans l'attente de l'issue de son traitement et, subsidiairement, fasse droit à ses précédentes conclusions ;

Vu l'ordonnance du président de la 1ère chambre de la cour, fixant la clôture de l'instruction au 5 septembre 2005 à 16 heures ;

Vu le mémoire enregistré le 6 octobre 2005, présenté pour M. X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2005 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- les observations de Me Bourgaux, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, victime en 1984 d'un accident de circulation à l'âge de vingt-trois ans ayant provoqué l'amputation de la jambe gauche, a fait l'objet de transfusions de produits sanguins lors de son séjour au centre hospitalier universitaire de Nancy ; que l'intéressé a manifesté dès 1992 des troubles liés à la contamination par le virus de l'hépatite C, diagnostiqué en 1996 ; que, par jugement du 27 mars 2001, le Tribunal administratif de Nancy a estimé que la contamination de M. X était imputable aux transfusions et, par voie de conséquence, condamné l'Etablissement français du sang, venant aux droits et obligations du centre hospitalier universitaire de Nancy, à verser une somme de 100 000 francs à l'intéressé ainsi qu'une somme de 90 125,37 francs à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne ; que M. X conclut à la réformation dudit jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires, cependant que l'Etablissement français du sang conclut à la réformation du même jugement, d'une part, par voie d'appel incident, en tant qu'il a admis l'indemnisation du préjudice esthétique subi par M. X et, d'autre part, en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne ;

Sur les conclusions principales et incidentes relatives à l'évaluation du préjudice :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise établi en 1997 ainsi que des pièces produites par l'intéressé illustrant l'évolution ultérieure de son état de santé, que M. X est atteint d'une hépatite chronique faiblement active à l'origine d'un état d'asthénie physique, intellectuelle et sexuelle décrit comme permanent par l'expert et comme fréquent par le médecin traitant en 2003 ; qu'un début de fibrose a été noté en 2001, ce qui a conduit à poser l'indication d'un traitement à l'Interféron, que l'intéressé a initié en avril 2005 ; que ce dernier a cessé toute activité professionnelle et s'est vu reconnaître en 2003 l'aggravation de son état par la COTOREP, qui l'a classé travailleur handicapé en catégorie C correspondant à un handicap grave, mais demeurant compatible avec l'exercice d'une activité professionnelle ; que si l'Etablissement français du sang est fondé à faire valoir qu'il n'est pas établi, d'une part, que le lichen plan présenté par le requérant et générateur d'un préjudice esthétique soit directement lié à la contamination par le virus de l'hépatite C et, d'autre part, que l'intéressé aurait supporté des souffrances physiques autres que celles résultant des biopsies pratiquées, M. X doit être regardé en l'état de ce qui précède comme fondé à soutenir que les premiers juges, alors même qu'ils ont estimé à tort que le lichen plan était imputable à la contamination par le virus de l'hépatite C, ont effectué une appréciation insuffisante des troubles de toute nature qu'il a subis dans ses conditions d'existence du fait de sa contamination ainsi que du pretium doloris ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudice, englobant la légitime anxiété éprouvée par le requérant quant à l'éventualité d'une nouvelle aggravation de son état, en fixant à 40 000 euros le montant de la réparation qui lui est due ;

Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des termes de la lettre notifiant son licenciement en mai 1994, de la transaction conclue avec son ancien employeur et de la fiche d'appréciation de son supérieur, que les premiers juges auraient fait une appréciation erronée des circonstances de l'espèce en estimant que le licenciement de M. X n'était pas la conséquence directe de sa contamination ; que si le requérant fait observer que la perte de revenus qu'il subit est liée non seulement à son licenciement, mais à son arrêt de maladie à compter de janvier 1997 dont il n'est d'ailleurs pas établi qu'il se serait poursuivi sans interruption ultérieurement, puis à son inaptitude à l'exercice de toute activité professionnelle, celle-ci ne peut être regardée, à la supposer avérée, ce qu'aucune pièce du dossier ne fait apparaître, ni comme procédant exclusivement de sa contamination par le virus de l'hépatite C, eu égard aux pièces les plus récentes concernant son état de santé ni, en tout état de cause, comme définitivement établie eu égard à l'âge de l'intéressé, à la faible activité persistante de son hépatite et aux possibilités de succès du traitement antiviral qu'il vient d'entreprendre ; qu'il s'ensuit que M. X n'est pas fondé à solliciter la condamnation de l'Etablissement français du sang au titre de chefs de préjudice autres que ceux indemnisés ci-dessus ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit à l'appel de M. X à concurrence de la somme de 40 000 euros et de rejeter le surplus de ses conclusions ainsi que l'appel incident de l'Etablissement français du sang ;

Sur les conclusions de l'Etablissement français du sang tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement :

Considérant que l'Etablissement français du sang conclut à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à verser une somme de 90 125,37 francs (13 739,52 €) à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne ; que de telles conclusions, déposées après expiration du délai d'appel dirigé contre ledit jugement, dont l'Etablissement français du sang a reçu notification le 5 mai 2001, ont la nature d'un appel principal et ne sont, par suite, pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge M. X et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande l'Etablissement français du sang au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 100 000 francs (15 244,90 €) que l'Etablissement français du sang a été condamné à verser à M. X par le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 27 mars 2001 est portée à 40 000 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 27 mars 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etablissement français du sang versera à M. X la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté ainsi que les conclusions de l'Etablissement français du sang.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à l'Etablissement français du sang et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne.

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N° 01NC00681


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01NC00681
Date de la décision : 12/01/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : BOURGAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-01-12;01nc00681 ?
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