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15/12/2005 | FRANCE | N°05NC00917

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ere chambre, 15 décembre 2005, 05NC00917


Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2005, complétée par mémoire enregistré le 7 septembre 2005, présentés pour M. Maurice X, élisant domicile chez son avocat Me Christine Y, ... ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500139 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 novembre 2004 du préfet du Doubs ordonnant sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;

3°) d'enjoindre au p

réfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la ...

Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2005, complétée par mémoire enregistré le 7 septembre 2005, présentés pour M. Maurice X, élisant domicile chez son avocat Me Christine Y, ... ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500139 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 novembre 2004 du préfet du Doubs ordonnant sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que la décision de reconduite à la frontière est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où il justifie de quinze ans de séjour en France ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 17 août 2005 présenté par le préfet du Doubs qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet fait valoir que :

- l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle doit apporter la preuve de la date de la notification de la décision d'aide juridictionnelle pour vérifier la recevabilité de la requête ;

- l'intéressé n'a pas produit de preuves suffisantes établissant sa présence ininterrompue en France depuis plus de dix ans ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 15 avril 2005 du bureau d'aide juridictionnelle accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifiée, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2005 :

- le rapport de Mme Stahlberger, présidente déléguée ;

- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour demander l'annulation du jugement en date du 1er février 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs en date du 12 novembre 2004 ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X a présenté le 23 février 2005 une demande d'aide juridictionnelle ; qu'à la suite de la décision accordant à l'intéressé le bénéfice de cette aide, notifiée à son conseil le 19 mai 2005, la requête devant la Cour de céans a été enregistrée le 13 juillet 2005, soit dans le délai de recours contentieux qui avait été prorogé à son profit du fait de ladite demande ; que, dès lors, la requête susvisée est recevable ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : «Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de la notification du refus ou du retrait (…)» ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 28 juillet 2004, de la décision du préfet du Doubs du 22 juillet 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, il se trouvait dans un des cas prévus par la disposition précitée où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant toutefois qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une meure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : «Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée et familiale» est délivrée de plein droit : (…) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus quinze ans, si au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant» ;

Considérant que le préfet du Doubs s'est fondé, pour rejeter la demande de M. X tendant à se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, sur le motif que l'intéressé n'était pas parvenu à réunir suffisamment de preuves pour permettre à l'administration d'apprécier le caractère habituel de son séjour en France depuis plus de quinze ans, notamment pour la période de 1993 à 1999 ; que, toutefois, il ressort des pièces produites pour la première fois en appel, que l'intéressé établit soit par des documents officiels, soit au travers de témoignages concordants, sa présence pour chacune des années contestées ; que M. X qui vit habituellement en France depuis novembre 1988, soit depuis plus de quinze ans à la date de l'arrêté attaqué, pouvait prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de séjour en application des dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par suite, le préfet du Doubs ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté de reconduite à la frontière contesté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. » ; que le III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que : « si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas. » ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen et au regard des motifs de la présente décision ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il ne peut être fait droit à la demande d'injonction de délivrer à M. X un titre de séjour ; qu'il y a lieu, en revanche, de prescrire au préfet du Doubs de se prononcer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer l'astreinte demandée ;

Sur les conclusions de Me Y tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à payer à Me Y, avocat de M. X et qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que cet avocat renonce à la perception de l'indemnité prévue par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Besançon en date du 1er février 2005 et l'arrêté du préfet du Doubs en date du 12 novembre 2004 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la situation de M. X dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Me Y, avocat de M. X la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat pour l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Maurice X, au préfet du Doubs et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

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N° 05NC00917


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 05NC00917
Date de la décision : 15/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Evelyne STAHLBERGER
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-12-15;05nc00917 ?
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