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13/10/2005 | FRANCE | N°02NC00112

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 13 octobre 2005, 02NC00112


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 janvier 2002, présentée pour Mme Monique X, élisant domicile ..., par Me Weber, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0002253 en date du 29 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision la mettant à la retraite, confirmée par la décision du 12 avril 2000, à sa réintégration dans ses fonctions à compter du 1er janvier 1999 et, subsidiairement, à la condamnation pour faute de la mense épiscopale à lui verse

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 janvier 2002, présentée pour Mme Monique X, élisant domicile ..., par Me Weber, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0002253 en date du 29 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision la mettant à la retraite, confirmée par la décision du 12 avril 2000, à sa réintégration dans ses fonctions à compter du 1er janvier 1999 et, subsidiairement, à la condamnation pour faute de la mense épiscopale à lui verser une somme de 201 312 francs en réparation des préjudices moral et financier subis, ladite somme étant assortie des intérêts de droit à compter de la demande et tendant à ce que le tribunal déclare le jugement à intervenir commun et opposable à l'Etat ;

2°) d'annuler la décision la mettant à la retraite, confirmée par la décision du 12 avril 2000 ;

3°) d'ordonner sa réintégration dans ses fonctions à compter du 1er janvier 1999 ;

4°) subsidiairement, de dire et juger que la mense épiscopale a engagé sa responsabilité pour faute et la condamner à lui verser une somme de 30 689,82 € (201 312 francs) en réparation des préjudices moral et financier subis, ladite somme étant assortie des intérêts de droit à compter du 7 juin 2000, date de sa demande, de dire et juger qu'en cas de besoin, l'Etat pourvoira au règlement desdits dommages et intérêts ;

5°) de condamner la mense épiscopale et l'Etat à lui verser une somme de 3 048,98 euros (10 000 francs) au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Mme X soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la demande en déclaration de jugement commun ne saurait être accueillie dès lors que l'Etat sera intéressé au premier chef puisqu'il devra procéder à la réintégration et en assumer les conséquences financières ;

- c'est en abusant de son extrême faiblesse et de son impossibilité d'avoir un discernement que l'archevêché lui a imposé la signature de sa demande de mise à la retraite ;

- l'intérêt de l'archevêché était manifeste dès lors que le consentement de la requérante l'exonérait des obligations définies à l'article 8 du règlement du 19 mars 1910 ;

- la demande d'agrément a été adressée au bureau des cultes, autorité incompétente pour en connaître ;

- les avis médicaux joints à la demande n'émanaient pas d'un médecin assermenté ;

- les conclusions indemnitaires devaient être prises contre la mense, seule génératrice du fait préjudiciable ;

- par voie de ricochet, l'Etat devra endosser les conséquences des décisions de l'organisme ecclésial ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 5 mars et 22 mai 2002, présentés par le ministre de l'intérieur ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la demande de déclaration de jugement commun est manifestement irrecevable dès lors que le contentieux est d'excès de pouvoir et dans la mesure où les conclusions dirigées contre la mense épiscopale ne sont pas de nature à préjudicier aux droits ou obligations de l'Etat vis-à-vis de cet établissement ;

- aucune pièce du dossier ne permet de corroborer les dires de Mme X quant à l'abus qui aurait été fait de son état de faiblesse ;

- elle n'établit pas que la procédure aurait été irrégulière ;

- le bureau des cultes est un service relevant de la direction générale de l'administration du ministère de l'intérieur ;

- la demande présentée par l'archevêque de Strasbourg comportait un certificat médical établi par un professeur de médecine, expert auprès de la cour d'appel de Colmar ;

- les conclusions indemnitaires dirigées contre la mense épiscopale sont irrecevables, la décision ayant été prise par l'archevêque en sa qualité d'agent de l'Etat et faute de liaison du contentieux à son égard ;

- les conclusions indemnitaires dirigées contre l'Etat sont également irrecevables, faute de liaison du contentieux, et n'ont pas été présentées dans sa requête devant le tribunal ;

Vu les mémoires, enregistrés les 23 avril 2002 et 14 septembre 2005, présentés pour la mense épiscopale de l'archevêché de Strasbourg ; la mense épiscopale de l'archevêché de Strasbourg conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme X à lui verser une somme de 1 500 € au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient que :

- il est constant que la requérante a elle même fait parvenir sa demande de mise à la retraite à l'autorité compétente ;

- la procédure a été respectée et les certificats médicaux émanent de médecins assermentés ;

- la demande a été adressée au bureau des cultes qui est un service relevant de la direction générale de l'administration du ministère de l'intérieur et comportait un certificat médical établi par un médecin, expert auprès de la cour d'appel de Colmar ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables pour les motifs exposés par le ministre de l'intérieur ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi du 18 Germinal an X ;

Vu la loi locale du 15 novembre 1909 :

Vu le règlement ministériel du 19 mars 1910 ;

Vu l'ordonnance du 15 septembre 1944 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2005 :

- le rapport de Mme Monchambert, président,

-

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X, qui a été nommée le 1er octobre 1988 sur un poste budgétaire de vicaire afin d'exercer un service pastoral auprès des enfants handicapés et de leurs familles dans l'arrondissement de Saverne, a été admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 1999 par une décision de l'archevêque de Strasbourg en date du 16 octobre 1998 ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision la mettant à la retraite, ainsi que de la décision du 12 avril 2000 par laquelle l'archevêque de Strasbourg a rejeté son recours gracieux, et confirmé sa décision du 16 octobre 1998 ainsi que celle tendant à la condamnation de la mense épiscopale à lui verser une somme de 201 312 Frs en réparation des préjudices moral et financier subis à raison de ces décisions ; que le tribunal a, en outre, rejeté ses conclusions tendant à sa réintégration dans ses fonctions à compter du 1er janvier 1999 et tendant à déclarer le jugement commun à l'Etat (ministre de l'intérieur) ;

Sur la déclaration de jugement commun :

Considérant que seuls peuvent faire l'objet d'une déclaration de jugement commun devant une juridiction administrative les tiers dont les droits et obligations à l'égard des parties en cause pourraient donner lieu à un litige dont la juridiction eût été compétente pour en connaître et auxquels pourrait préjudicier le jugement dans des conditions leur ouvrant droit à former tierce opposition ; que si le tribunal pouvait connaître de conclusions éventuellement présentées par la mense épiscopale tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui rembourser tout ou partie des sommes qu'elle aurait été, le cas échéant, condamnée à payer à Mme X, le jugement ne pouvait en tout état de cause, être regardé par lui-même comme préjudiciant à l'Etat dans des conditions ouvrant à celui-ci le droit de former tierce opposition à son encontre ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les conclusions de Mme X tendant à déclarer le jugement commun à l'Etat ;

Sur les conclusions d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 15 novembre 1909 relative aux traitements et pensions des ministres des cultes rétribués par l'Etat et leurs veuves et orphelins, applicables en Alsace-Lorraine : les ministres des cultes désignés aux articles 1er à 6 reçoivent une pension sur la Caisse Alsace-Lorraine, lorsque après au moins dix ans de service, ils deviennent d'une façon durable par suite d'une infirmité corporelle ou de l'affaiblissement de leurs facultés physiques ou intellectuelles incapables d'exercer leur ministère et sont pour cette raison mis à la retraite. (...) La mise à la retraite est prononcée par l'autorité qui est compétente pour prononcer la destitution du ministre du culte. ; qu'aux termes de l'article 7 du règlement ministériel du 19 mars 1910 portant règlement d'administration publique pour l'exécution de la loi du 15 novembre 1909 dans sa rédaction complétée par l'arrêté du 6 mars 1978 : si un ministre du culte doit être mis à la retraite avec son consentement pour cause d'incapacité de service, il incombe à l'autorité compétente de demander l'agrément du ministère avant de décider l'admission à la retraite. Dans la demande d'agrément, l'autorité aura à déclarer qu'elle considère, en son âme et conscience, le ministre du culte en question comme incapable de continuer à remplir les devoirs de sa charge ; de plus il y a lieu d'indiquer le jour à partir duquel l'admission à la retraite aura à prendre effet. La demande d'agrément devra être appuyée du consentement du ministre du culte, et, s'il n'a pas encore accompli l'âge de 65 ans, d'une attestation d'un ministre assermenté. ; qu'aux termes de l'article 8 de ce même règlement ministériel : si un ministre du culte catholique (...) doit être mis à la retraite pour incapacité de service, sans qu'il y ait consentement de la part de l'intéressé, les prescriptions de l'article 7 sont applicables dans ce sens qu'il faut ajouter à la demande d'agrément, au lieu du consentement du ministre du culte, une communication de l'autorité compétente indiquant les motifs qui s'opposent à la production du consentement et notamment les objections éventuelles soulevées par le ministre du culte. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, qui, depuis plusieurs années, était placée sans discontinuité en congé de maladie à raison des affections dont elle souffrait, a, sur la suggestion du vicaire général de l'archevêché de Strasbourg et du chancelier de l'archevêché qui lui avait adressé un dossier à cette fin, demandé le 22 septembre 1998 à être admise à la retraite ; que Mme X qui, d'une part, ne conteste pas avoir été dans l'incapacité physique de remplir sa mission et reconnaît être dans une situation de longue maladie incurable en se bornant d'ailleurs, à faire valoir les répercussions financières de sa mise à la retraite et qui, d'autre part, ne justifie pas plus qu'en première instance, qu'elle aurait été placée, à la date où elle a fait sa demande, sous l'empire d'une contrainte telle qu'elle serait de nature à faire regarder sa demande comme entachée d'un vice de consentement, n'est pas fondée à soutenir qu'en usant de la procédure visée à l'article 7 précité du règlement ministériel du 19 mars 1910 et non pas de celle visée à l'article 8, l'archevêque de Strasbourg a entaché sa décision d'une irrégularité de procédure ;

Considérant que si Mme X soutient que l'archevêque de Strasbourg aurait adressé la demande d'agrément à l'admission à la retraite de Mme X à une autorité incompétente, il ressort des pièces du dossier que l'archevêque de Strasbourg a le 25 septembre 1998 transmis la demande au sous-préfet, chef du bureau des cultes des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ; que contrairement à ce que soutient Mme X, cette autorité, qui est placée sous l'autorité du directeur général de l'administration du ministère de l'intérieur, était compétente pour instruire la demande d'agrément présentée par l'archevêque de Strasbourg en application de l'article 7 précité du règlement ministériel du 19 mars 1910 ;

Considérant que Mme X SOUTIENT sans le moindre commencement de preuve que l'attestation médicale présentée au soutien de la demande d'agrément de mise à retraite n'émane pas d'un médecin assermenté ainsi que l'exige l'article 7 précité du règlement ministériel du 19 mars 1910 ; qu'il ressort au contraire des pièces du dossier que le chancelier de l'archevêché lui a, le 13 mai 1998, communiqué la liste des médecins assermentés pour délivrer des certificats médicaux en ce qui concerne les agents de la fonction publique ; qu'en outre, Mme X , qui était d'ailleurs responsable de son choix, n'allègue pas avoir choisi un médecin en dehors de ladite liste ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions susvisées ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de toute illégalité affectant la décision du 16 octobre 1998 ainsi que la décision du 12 avril 2000 rejetant son recours gracieux, Mme X n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a, par le jugement attaqué, rejeté ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices moral et financier subis ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'articles L. 911-1 du code de justice administrative :

Considérant que par le présent arrêt, la Cour a rejeté les conclusions d'annulation présentées par Mme X ; que cette décision n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions susvisées sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que Mme X, partie perdante, puisse se voir allouer les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner Mme X à payer à la mense épiscopale de l'archevêché de Strasbourg une somme de 1 000 € à ce titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la mense épiscopale de l'archevêché de Strasbourg tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Monique X, au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et à la mense épiscopale de l'archevêché de Strasbourg.

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N° 02NC00112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC00112
Date de la décision : 13/10/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: Mme Sabine MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : DEBRE ET WEBER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-10-13;02nc00112 ?
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