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13/10/2005 | FRANCE | N°01NC00413

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 13 octobre 2005, 01NC00413


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 avril 2001, complétée par mémoire enregistré le 1er août 2005, présentée pour M. Muammer X, élisant domicile ..., par Me Jemoli, avocat ;

M. X... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 16 février 2001 en tant qu'il a, d'une part, rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 27 octobre 1999 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a prononcé la suspension de ses fonctions d'adjoint de sécurité et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à la co

ndamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'il a subi du fait de l'illégalité ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 avril 2001, complétée par mémoire enregistré le 1er août 2005, présentée pour M. Muammer X, élisant domicile ..., par Me Jemoli, avocat ;

M. X... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 16 février 2001 en tant qu'il a, d'une part, rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 27 octobre 1999 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a prononcé la suspension de ses fonctions d'adjoint de sécurité et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'il a subi du fait de l'illégalité de la décision du préfet du Bas-Rhin en date du 1er décembre 1999 prononçant son licenciement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la mesure de suspension susvisée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi et d'ordonner sa réintégration ;

Il soutient que :

- le requérant est recevable à critiquer les motifs du jugement du tribunal qui ne lui a donné que partiellement satisfaction ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les faits reprochés au requérant étaient matériellement établis et de nature à justifier les mesures de suspension et de licenciement contestées ; en effet, il n'est établi ni qu'il aurait recherché les auteurs du vol du véhicule de M. Y ni qu'il aurait essayé d'intervenir dans les relations tendues entre bandes rivales en usant de son statut d'adjoint de sécurité ni enfin qu'il aurait été un ami de M. Y ;

- les faits constatés objectivement tels que celui d'avoir laissé par erreur son bâton de dotation dans son véhicule privé ne peuvent être considérés comme des manquements à ses devoirs professionnels ; en outre, l'initiative prise par le requérant en vue de retrouver le véhicule volé n'est pas contraire à l'article 8 du au code de déontologie qui permet à un agent d'intervenir pour prévenir ou réprimer tout acte de nature à troubler l'ordre public ;

- c'est à juste titre que le tribunal a annulé la décision portant licenciement pour

défaut de motivation ;

- en revanche, c'est à tort que le tribunal a débouté le requérant de sa demande indemnitaire relative au préjudice qu'il a subi du fait de ce licenciement, au motif que la sanction était justifiée par les fautes commises par l'agent ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 février 2003, présenté par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

Le ministre conclut, d'une part, au rejet de la requête de M. X... ;

A cet effet, il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- les faits sont matériellement établis et sont de nature à justifier la mesure de suspension puis la décision de licenciement ;

- même si l'on ne retient que les faits reconnus par l'intéressé, ceux-ci sont suffisamment graves pour caractériser un manquement à des obligations professionnelles et justifier sa suspension puis son licenciement ;

Par un recours incident, le ministre conclut, d'autre part, à l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé la décision du préfet du Bas-Rhin en date du 1er décembre 1999 portant licenciement de l'intéressé ;

A cet effet, il soutient que :

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables, faute d'avoir été précédées d'une demande auprès de l'administration ; c'est à tort que le tribunal n'a pas accueilli la fin de non-recevoir qui avait été soulevée à titre principal en première instance ;

- s'agissant des conclusions dirigées contre la mesure de licenciement, le tribunal a fait une inexacte application des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; l'agent a pu en effet prendre connaissance des motifs de la mesure de licenciement au moyen du rapport établi le 14 octobre 1999 par le directeur départemental de la sécurité publique du Bas-Rhin qui était joint à la décision du 27 octobre 1999 prononçant la suspension de l'intéressé de ses fonctions, laquelle comportait en outre des motifs identiques à ceux de l'arrêté de licenciement ; en outre, l'agent a pu, dans le cadre de la procédure disciplinaire contradictoire, avoir accès audit rapport et à son dossier personnel et connaître ainsi les fautes qui lui étaient reprochées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes ;

Vu le décret n° 86-683 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agent non titulaire de l'État, et notamment son article 47 ;

Vu le décret n° 97-1007 du 30 octobre 1997 relatif aux adjoints de sécurité ;

Vu l'arrêté du 30 octobre 1997 fixant les droits et obligations des adjoints de sécurité recrutés au titre développement d'activités pour l'emploi des jeunes ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2005 :

- le rapport de Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Bertani, substituant Me Jemoli, avocat de M. X...,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X... demande l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 16 février 2001 en tant qu'il a, d'une part, rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 27 octobre 1999 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a prononcé la suspension de ses fonctions d'adjoint de sécurité et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'il a subi du fait de l'illégalité de la décision du préfet du Bas-Rhin en date du 1er décembre 1999 prononçant son licenciement ; que le ministre de l'intérieur forme un appel incident ;

Sur la décision du préfet du Bas-Rhin en date du 27 octobre 1999 prononçant la suspension des fonctions de M. X... :

Considérant que pour prononcer la suspension des fonctions de M. X..., adjoint de sécurité affecté à la direction départementale de la sécurité publique du Bas-Rhin, dans l'attente d'une sanction disciplinaire, le préfet s'est fondé sur ce que l'intéressé avait commis des actes de nature à troubler l'ordre public lors des incidents survenus dans le quartier de la Meinau à Strasbourg entre les 6 et 10 septembre 1999 au cours desquels il a utilisé et communiqué des renseignements qu'il détenait de par ses fonctions en usant de son statut d'adjoint de sécurité à des fins personnelles et qu'il avait ainsi manqué aux droits et obligations incombant aux adjoints de sécurité, à savoir l'exécution des missions et des ordres avec droiture et dignité dans le respect des institutions républicaines et des prescriptions du code de déontologie de la police nationale ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a été interpellé le 6 septembre 1999 vers 0H30 par la brigade anti-criminalité sur le parc de stationnement d'un supermarché dans le quartier de la Meinau, où il n'était pas affecté, alors qu'il était dans sa voiture personnelle en compagnie d'un ami et était muni de son bâton de dotation, arme de 6ème catégorie, dont le port en dehors du service est prohibé et sanctionné pénalement ; qu'il ressort des déclarations mêmes de M. X... que celui-ci, de sa propre initiative et en dehors du service, a entrepris de rechercher une voiture volée, appartenant à une de ses connaissances défavorablement connue des services de police, sans en informer sa hiérarchie ; que l'intéressé a également omis de fournir immédiatement et spontanément aux services de police les renseignements qu'il détenait sur des opérations de représailles liées au vol du véhicule, lesquelles allaient donner lieu les jours suivants à de graves troubles à l'ordre public ; qu'au surplus, au cours de l'après-midi précédant son interpellation, le requérant, originaire du quartier concerné et membre de l'unité d'îlotage de la commune voisine d'Ilkirch, était intervenu dans un conflit opposant des jeunes issus des quartiers considérés en prévenant une bande de jeunes accompagnée d'un chien pitt-bull de l'arrivée de la bande rivale ; que, dès lors , si le requérant soutient que certains faits seraient erronés ou d'une gravité minime, les griefs articulés à son encontre, constitutifs de graves manquements aux obligations professionnelles et déontologiques auxquelles il était tenu, présentaient, à l'époque à laquelle a été prononcée la suspension de l'intéressé, un caractère de vraisemblance et de gravité suffisant pour justifier légalement une mesure de suspension dans l'intérêt du service ; que pour atténuer la gravité de ces faits, le requérant ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 8 du code de déontologie de la police nationale, permettant notamment à un agent même en dehors du service d'intervenir de sa propre initiative pour porter assistance à personne en danger ou mettre fin à des actes contraires à l'ordre public dont il aurait été le témoin, dès lors que l'intéressé ne se trouvait pas dans l'une ou l'autre des situations visées par ledit article ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Bas-Rhin en date du 27 octobre 1999 prononçant la suspension de ses fonctions dans l'intérêt du service ;

Sur la décision du préfet du Bas-Rhin en date du 1er décembre 1999 prononçant le licenciement de M. X... :

Sur la régularité du jugement :

Considérant, d'une part, que dès lors que le jugement attaqué a annulé, pour un motif de légalité externe, la décision du 1er décembre 1999 prononçant le licenciement de M. X..., faisant ainsi entièrement droit sur ce point à la demande présentée par celui-ci, les premiers juges n'étaient pas tenus de se prononcer sur le moyen de M. X... relatif à la légalité interne et tiré de ce que les faits reprochés au requérant étaient matériellement inexacts ou insusceptibles de justifier la mesure de licenciement contestée ; que, par suite, et en tout état de cause, M. X... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait sur ce point entaché d'une irrégularité ;

Considérant, d'autre part, que dès lors que par le jugement susvisé, il rejetait au fond les conclusions indemnitaires présentées par M. X..., le tribunal n'était pas tenu de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur à la demande de première instance ; qu'il suit de là, et en tout état de cause, que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir par la voie d'un recours incident que le jugement est entaché d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, en premier lieu, que selon les dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, les décisions administratives individuelles qui infligent une sanction doivent être motivées ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité qui prononce une sanction disciplinaire doit préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre du fonctionnaire intéressé, de sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la décision qui le frappe ;

Considérant que pour prononcer à l'encontre de M. X... la sanction disciplinaire du licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement prévue à l'article 17 de l'arrêté du 30 octobre 1997 susvisé, le préfet du Bas-Rhin s'est borné à indiquer que M. X... a commis des actes de nature à troubler l'ordre public , qu'il a manqué aux droits et obligations incombant aux adjoints de sécurité, à savoir l'exécution des missions et des ordres avec droiture et dignité dans le respect des institutions républicaines et des prescriptions du code de déontologie de la police nationale et que ces faits constituent un acte de nature à porter la déconsidération sur la police nationale et à jeter le discrédit sur cette dernière ; que cette motivation générale ne précisait pas les éléments de fait précis imputables à l'agent, lequel n'était ainsi pas en mesure de connaître, à la lecture de cette décision, les griefs articulés à son encontre et, par suite, les motifs exacts de son licenciement ; que la circonstance que l'agent a pu, antérieurement à son licenciement, prendre connaissance des motifs ayant justifié sa suspension de fonctions et du rapport du directeur départemental de la sécurité publique du Bas-Rhin en date du 14 octobre 1999 qui était joint à la décision du 27 octobre 1999 prononçant la suspension de l'intéressé de ses fonctions mais qui n'était pas annexé à la décision de licenciement, et le fait que l'agent a pu, dans le cadre de la procédure disciplinaire contradictoire, consulter son dossier personnel, ne sont pas de nature à faire regarder la décision de licenciement attaquée comme suffisamment motivée ; que, par suite, et en tout état de cause, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision du préfet du Bas-Rhin en date du 1er décembre 1999 prononçant le licenciement de M. X... ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnité :

Considérant, en premier lieu, que si la décision en date du 1er décembre 1999 prononçant le licenciement de M. X... est entachée d'un vice de forme, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit plus haut, que les faits reprochés à l'intéressé, matériellement établis, relatifs notamment à la recherche d'une voiture volée sans en informer sa hiérarchie, à l'absence de transmission à ses supérieurs d'informations relatives à un délit ainsi qu'au port d'une arme de 6ème catégorie en dehors du service, étaient de nature à justifier une mesure de licenciement ; que, dès lors, la sanction prononcée à l'encontre de M. X... étant justifiée par son comportement, l'illégalité de la décision du 1er décembre 1999 n'est pas de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en indemnité ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X... :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune des mesures d'exécution prévues à l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; que, par suite, les conclusions de M. X... tendant à sa réintégration dans ses fonctions d'adjoint de sécurité ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X... doivent dès lors être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête susvisée de M. X... et les conclusions du recours incident du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... KEMAL et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

7

N° 01NC00413


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01NC00413
Date de la décision : 13/10/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : JEMOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-10-13;01nc00413 ?
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