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30/05/2005 | FRANCE | N°02NC01286

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 30 mai 2005, 02NC01286


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 décembre 2002 sous le n° 02NC1286, présentée pour Mme Simone X, élisant domicile ..., représentée par la SCP d'avocats MICHEL - FREY-MICHEL - RIOU - BAUER ; Mme X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement en date du 8 octobre 2002 du Tribunal administratif de Nancy en tant qu'il n'a condamné l'Etablissement français du sang qu'à lui verser la somme de 7622,45 euros en réparation du préjudice qu'elle subit à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Etablissement fra

nçais du sang à lui verser une somme de 38 122,25 euros à titre de dommages-int...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 décembre 2002 sous le n° 02NC1286, présentée pour Mme Simone X, élisant domicile ..., représentée par la SCP d'avocats MICHEL - FREY-MICHEL - RIOU - BAUER ; Mme X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement en date du 8 octobre 2002 du Tribunal administratif de Nancy en tant qu'il n'a condamné l'Etablissement français du sang qu'à lui verser la somme de 7622,45 euros en réparation du préjudice qu'elle subit à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser une somme de 38 122,25 euros à titre de dommages-intérêts ;

3°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser une somme de 1524,49 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- son préjudice psychologique a été sous-évalué, dès lors qu'elle subit une dépression en vivant dans l'angoisse d'une mort provoquée par une maladie douloureuse, et qu'elle est obligée de suivre un traitement pénible ;

- le tribunal n'a pas indemnisé les souffrances physiques endurées en raison du traitement à l'interféron et de ses conséquences secondaires ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense enregistrés les 26 novembre 2004 et 26 avril 2005, présentés pour l'Etablissement français du sang ayant son siège 100 avenue de Suffren 75015 PARIS, représenté par son président, par Me Jones Day avocat, tendant au rejet de la requête de Mme X, à l'annulation du jugement, à la décharge des condamnations prononcées à son encontre, à titre subsidiaire à la confirmation du jugement, enfin à la condamnation de Mme X à lui verser une somme de 3049 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Il soutient que :

- le lien de causalité entre les transfusions sanguines en cause et la contamination de Mme X n'est pas établi ; que notamment, eu égard aux nombreuses interventions subies par l'intéressée depuis 1950, cette dernière ne démontre pas la vraisemblance du mode de contamination retenu alors qu'au moins 15% des contaminations sont d'origine nosocomiale et que l'expert n'a pas exclu ce mode de contamination ;

- le tribunal n'a pu sans erreur de droit considérer que du fait même de l'impossibilité pour l'Etablissement d'identifier certains donneurs résultait la preuve de l'imputabilité aux transfusions de la contamination, alors même que le risque de contamination des poches n'est que de 2% du nombre des transfusions ;

- le préjudice allégué n'est pas établi, l'expert n'ayant relevé que des souffrances physiques limitées d'origine essentiellement psychologiques, autour de 1,5, alors que rien n'établit l'existence de souffrances endurées en raison du traitement à l'interféron entrepris en décembre 2001

- aucune réparation ne peut être liée à l'angoisse d'une mort prochaine dès lors que 10 % seulement des personnes contaminées développent une cirrhose et 2 % un hépatocarcinome ;

Vu en date du 9 décembre 2002, la communication de la requête à la caisse primaire d'assurance maladie de Cahors ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction le 27 avril 2005 à 16 h 00 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2005 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X demande la réformation du jugement en date du 8 octobre 2002, par lequel le Tribunal administratif de Nancy a condamné l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, qui vient aux droits et obligations du centre régional de transfusion sanguine de Nancy, à lui verser une somme de 7622,45 euros, qu'elle estime insuffisante en réparation du préjudice subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, par la voie d'un appel incident, l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande l'annulation du jugement et le rejet de la demande formée devant le tribunal, sinon que la Cour confirme l'évaluation de l'indemnité par les premiers juges ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par les parties, forme sa conviction, que le doute profite au demandeur ;

Considérant que Mme X, âgée de 65 ans, a subi des transfusions sanguines à l'occasion d'une ostéotomie de la varisation de la hanche droite pratiquée au centre hospitalier universitaire de Nancy en janvier 1982, durant laquelle elle a été transfusée et a reçu deux poches de plasma lyophilisé et quatre poches d'hématies ; qu'une contamination par le virus de l'hépatite C a été révélée en 1998 ; qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que, si l'on peut écarter le risque d'une contamination toxicomaniaque, professionnelle ou sexuelle et que l'on ne peut pas totalement exclure une contamination nosocomiale à l'occasion de différentes interventions chirurgicales subies par l'intéressée, notamment de la hanche droite en 1982 et 1984, l'injection de deux poches de plasma lyophilisé avec donneurs non-identifiés en 1982 fait de la contamination transfusionnelle la cause la plus probable ; que, dans ces circonstances, et en l'absence de démonstration par l'établissement français du sang de l'innocuité des produits transfusés, le tribunal n'a pas commis d'erreur en regardant l'imputabilité de la contamination de Mme X à ces transfusions comme résultant de l'injection de produits en 1982 ; qu'il suit, de là, que l'établissement français du sang n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy l'a déclaré entièrement responsable de la contamination par l'hépatite C de Mme X ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise de M. le professeur Y, expert désigné par le Tribunal administratif de Nancy, que Mme X est atteinte d'une hépatite C non active, ne nécessitant pas de traitement et n'entraînant aucune incapacité ; que si l'infection est évolutive et le retentissement psychologique certain, les souffrances physiques sont limitées ; que, dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal ayant évalué à la somme de 7622,45 euros le préjudice subi par Mme X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter tant les conclusions de Mme X tendant à la réévaluation de son préjudice que celles de l'établissement français du sang tendant au rejet de la demande ; que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a condamné l'établissement français du sang à lui verser une indemnité de 7622,45 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme X et les conclusions de l'appel incident présentées par l'établissement français du sang sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Simone X, à l'établissement français du sang et à la caisse primaire d'assurance maladie de Cahors.

2

N° 02NC01286


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC01286
Date de la décision : 30/05/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS MICHEL - FREY- MICHEL - BAUER - BERNA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-05-30;02nc01286 ?
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