Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2005, complétée par un mémoire enregistré le 1er juin 2004, présenté pour M. et Mme Denis X, élisant domicile à ..., par Me Aitali, avocat au barreau de Besançon ;
M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-1308 du 13 février 2003 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande, tendant à obtenir la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis, au titre des années 1993, 1994 et 1995 ;
2°) de leur accorder la décharge de ces impositions ;
3°) de condamner l'Etat à leur payer une somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. et Mme X soutiennent que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Besançon a admis l'application en l'espèce de l'article 164 C du code général des impôts, prévoyant une imposition forfaitaire, établie d'après la valeur locative des immeubles dont les contribuables disposent en France ; ces dispositions sont inapplicables dès lors que les intéressés établissent avoir eu leur domicile successivement au Gabon, puis à l'Ile Maurice, durant les années en litige alors que ces deux pays ont conclu une convention fiscale avec la France ; ils peuvent par suite se prévaloir du paragraphe n° 56 de l'instruction 5 B-24-77 du 26 juillet 1977 ; ils remplissent, en outre, la condition, posée par un autre alinéa, d'avoir payé à l'étranger un impôt au moins égal aux 2/3 de celui dont ils auraient été passibles en France ;
- les contribuables n'ayant aucun revenu de source française n'étaient pas tenus de déposer une déclaration et ne pouvaient faire l'objet d'une taxation d'office ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré au greffe le 3 février 2004 le mémoire en défense présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Il conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- en application des articles 170-I et 170bis 3e du code général des impôts, les requérants étaient tenus de déclarer leurs résidences en France, et leur absence de réponse malgré deux mises en demeure, permettait une taxation d'office ;
- les contribuables ont été, à bon droit, imposés en vertu de l'article 164 C du code général des impôts, dès lors qu'ils n'établissent pas avoir été imposés sur leur revenu global au Gabon et à l'Ile Maurice ;
Vu, enregistré au greffe le 22 avril 2005, le mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 avril 2005 :
- le rapport de M. Bathie, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Rousselle commissaire du gouvernement ;
Sur l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 164 C du code général des impôts : Les personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y disposent d'une ou plusieurs habitations ... sont assujetties à l'impôt sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces habitations à moins que les revenus de source française des intéressés ne soient supérieurs à cette base, auquel cas le montant de ces revenus sert de base à l'impôt ...
Considérant que sur le fondement de ces dispositions, l'administration a assujetti M. et Mme X à l'impôt sur le revenu au titre des années 1993 à 1995 sur une base fixée au montant non contesté de 699 489 francs correspondant à la valeur locative de deux habitations dont ils disposaient en France ;
Considérant qu'il est constant que les requérants étaient propriétaires de résidences en France, qu'aucun des membres du foyer fiscal ne disposaient de revenus français et qu'ils ne résidaient pas habituellement en France ; que dès lors les dispositions de l'article 164 C précitées, leur étaient applicables ;
Sur le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :
Considérant toutefois, que les requérants invoquent sur le fondement de l'article L. 80A du livre des procédures fiscales, l'instruction n° 5 B-24-77 du 26 juillet 1977 ; qu'aux termes du paragraphe 39 de cette instruction dans sa version en vigueur lors des années en litige ; ... les personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France sont également imposables lorsqu'elles disposent dans notre pays d'une ou plusieurs habitations. Selon l'article 7 de la loi, la valeur locative de cette ou de ces habitations ne peut être inférieure à trois fois la valeur locative de cette ou de ces habitations ... Mais cette imposition forfaitaire ne s'applique ni aux contribuables de nationalité française ou étrangère domiciliés dans un pays ayant conclu avec la France une convention internationale tendant à éviter les doubles impositions ... ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X était dirigeant salarié et associé, de sociétés d'assurances, en poste à Libreville au Gabon, depuis 1986 jusqu'en mars 1993, lorsqu'il a dû quitter ce pays ; que les pièces jointes non utilement contredites par le ministre établissent que M X résidait sur le lieu de son emploi, et était en outre contribuable de l'Etat gabonais, dont les services compétents ont, en particulier, procédé à un examen approfondi de sa situation fiscale, peu avant son départ ; que l'intéressé, établi à l'Ile Maurice à partir d'avril 1993, justifie avoir obtenu l'autorisation de séjour adéquate, et avoir été assujetti avec son épouse, à l'impôt sur le revenu ainsi qu'à une taxe d'habitation dans cet autre Etat ; qu'ainsi M. et Mme X doivent être regardés comme ayant été domiciliés, au sens de l'instruction sus-rappelée, successivement et aux périodes sus-indiquées, au Gabon, puis à l'Ile Maurice, au cours des années en litige ; qu'il est constant que ces deux Etats ont conclu avec la France des conventions, en date respectivement, du 21 avril 1966 et du 11 décembre 1980, tendant à éviter les doubles impositions ; qu'il suit de là que les contribuables sont fondés à opposer à l'administration les dispositions précitées de l'instruction du 26 juillet 1977 à se prévaloir, en conséquence, de l'exonération qu'elle prévoit, de l'imposition forfaitaire litigieuse fondée sur l'article 164 C du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a refusé de leur accorder la décharge des impositions contestées ;
Considérant enfin qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à M. et Mme X une somme de 1 000 euros, au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 13 février 2003 du Tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : M. et Mme X sont déchargés de l'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1993, 1994 et 1995.
Article 3 : En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat versera une somme de 1 000 euros à M. et Mme X.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Denis X et au ministre de l'économie des finances et de l'industrie.
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N° 03NC00390