La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2005 | FRANCE | N°01NC00894

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 19 mai 2005, 01NC00894


Vu le recours enregistré le 16 août 2001, complété par des mémoires enregistrés les 25 octobre et 20 décembre 2001, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE l'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 97-3454 en date du 24 avril 2001 par lequel le Tribunal Administratif de Strasbourg a accordé à Mme Z, la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, auxquels elle a été assujettie, au titre de l'année 1993 ;

2°) de rétablir Mme Z, au rôle de l'impôt sur le revenu, au titre de l'année 1993, à concurre

nce de 5.554.353 F en droits et intérêts de retard ;

Le ministre de l'économie, des f...

Vu le recours enregistré le 16 août 2001, complété par des mémoires enregistrés les 25 octobre et 20 décembre 2001, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE l'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 97-3454 en date du 24 avril 2001 par lequel le Tribunal Administratif de Strasbourg a accordé à Mme Z, la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, auxquels elle a été assujettie, au titre de l'année 1993 ;

2°) de rétablir Mme Z, au rôle de l'impôt sur le revenu, au titre de l'année 1993, à concurrence de 5.554.353 F en droits et intérêts de retard ;

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie soutient que :

- le tribunal administratif commet une erreur de droit en appliquant l'article 94 A du code général des impôts à une plus-value, qui est en réalité régie par l'article 160 du même code ;

- c'est par un raisonnement a contrario, non admis pour l'application de la doctrine de l'Administration, que le tribunal administratif a estimé, sur le fondement de l'instruction 5 B 624 du 1er juin 1991, que les droits de mutation, assumés par un tiers, pouvaient néanmoins être pris en compte pour le calcul de la plus-value déclarée à l'occasion de la cession de droits sociaux acquis auparavant par donation ;

- Mme Z a été légalement imposée au titre de l'année 1993, à raison d'une plus-value réalisée par une enfant mineure rattachée à son foyer fiscal, conformément à l'article 6 du code général des impôts ;

- En conséquence, Mme Z était bien la destinataire légale des actes de la procédure de redressement ;

- La loi du 6 Fructidor de l'an II, ne s'applique pas en matière fiscale ; la requérante a, en outre, mentionné son nom d'usage Z dans ses courriers avec le service ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistrés au greffe les 17 octobre 2001 et 1er décembre 2004, les mémoires en défense présentés pour Mme Yolande (divorcée Z), élisant domicile ..., par Me Koenig, avocat au barreau de Strasbourg ; elle conclut au rejet du recours du ministre à la confirmation du jugement attaqué, et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 20.000 F au titre des frais exposés ;

Mme Z soutient que :

- la procédure de redressement aurait dû être suivie à l'encontre de Melle Patricia Z qui a réalisé les plus-values en litige et qui était redevable de l'impôt correspondant recouvré en 1996 ; de ce fait, il y a eu atteinte aux droits de la défense, et méconnaissance de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

- les actes de procédure auraient dû être envoyés à la contribuable sous son nom de Mme et non sous celui de son ex-mari, M. Z, conformément à l'article 4 de la loi du 6 Fructidor de l'an II ;

- le service a proposé à tort à la contribuable la saisine de la commission départementale des impôts, avant de se rétracter ;

- la citation, dans le jugement, de l'article 94 A du code général des impôts est une simple erreur de plume, sans conséquence sur la solution adoptée ;

- c'est par une correcte application de l'instruction 5 B 624, que le tribunal administratif a estimé que les droits de mutation devaient être inclus dans la valeur des titres, lors de leur acquisition, pour le calcul de la plus-value litigieuse ;

- le ministre ajoute indûment au texte une condition, en soutenant que ces droits doivent être assumés par le donataire ;

- le centre des impôts doit être regardé comme ayant admis que les droits de mutation soient pris en compte pour le calcul de la valeur d'acquisition ;

- le donateur qui acquitte les droits de mutation n'est pas regardé comme ayant consenti, de ce fait, une libéralité additionnelle, pour la liquidation de ces droits ; il doit en aller de même, en matière de plus-values ;

- le redressement crée une discrimination entre les contribuables ayant bénéficié de telles donations selon qu'ils conservent ou cèdent leurs titres ;

Vu, enregistré au greffe le 3 mai 2005, la note en délibéré produite pour Mme Z ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 avril 2005 :

- le rapport de M. Bathie, premier conseiller,

- les observations de Me Koenig, avocat de Mme Z ;

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Melle Patricia Z, qui était alors mineure, et rattachée au foyer fiscal de sa mère, Mme Yolande Z, a cédé successivement les 25 juin, 3 et 5 juillet 1993, les droits sociaux qu'elle détenait dans la société civile de gestion financière l'alsacienne de contrôle , par voie de donations consenties par son père M. Marc Z ; que Mme Z a mentionné une plus-value totale de 17 164 633 F consécutive à ces cessions de droits sociaux, dans la déclaration des revenus du foyer fiscal au titre de l'année 1993 ; que par une notification de redressement du 19 février 1996, l'Administration a rehaussé le montant total de cette plus-value à 47 351 335 F ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie fait régulièrement appel du jugement du 24 avril 2001, par lequel le Tribunal Administratif de Strasbourg a accordé à Mme Z, la décharge du supplément d'impôt sur le revenu, induit par le rehaussement de la plus-value litigieuse au titre de l'année 1993 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la plus-value sus-évoquée a été imposée sur le fondement de l'article 160 I du code général des impôts ; que le jugement attaqué est dès lors entaché d'une erreur de droit, en tant qu'il se réfère, pour apprécier le bien-fondé de l'imposition au regard de la loi fiscale, aux dispositions, distinctes, des articles 92 B, 92 F et 94 A du même code ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif, qui était tenu d'étudier en premier lieu l'application, au litige dont il était saisi, de la loi fiscale, a procédé à cet examen au regard des dispositions inappropriées et sus-mentionnées du code général des impôts ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Z tant devant le Tribunal administratif de Strasbourg que devant la Cour ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant en premier lieu qu'il est constant que Melle Patricia Z, née en 1976, était encore mineure en 1993 lorsqu'elle a procédé aux cessions de droits sociaux sus-évoqués, et se trouvait à la charge de sa mère Mme Yolande Z ; que celle-ci avait d'ailleurs déclaré l'ensemble des revenus du foyer fiscal pour cette même année, sans utiliser la possibilité que lui offraient les dispositions de l'article 6 du code général des impôts, de solliciter une imposition distincte pour sa fille ; que l'Administration a pu, dès lors, à bon droit, diligenter une procédure contradictoire de redressements relative à l'impôt sur le revenu de l'année 1993, à l'encontre de Mme Z, nonobstant la circonstance que Melle Patricia Z était devenue majeure lorsque la notification de redressement a été envoyée le 19 février 1996 ; qu'il suit de là que l'Administration n'a pas davantage commis d'erreur sur la personne imposable, en mettant en recouvrement le supplément d'impôt sur le revenu, consécutif à cette procédure de redressement, à l'encontre de Mme Z, qui était la seule débitrice légale de l'imposition en litige ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que Melle Patricia Z aurait dû être destinataire des actes relatifs à la procédure de redressement contestée, puis rendue débitrice du supplément d'impôt subséquent, doit être écarté en ses deux branches ;

Considérant que doit être également écarté le moyen tiré de ce que les droits de la défense n'auraient pas été respectés à l'égard de Melle Patricia Z ; que la méconnaissance corrélative de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme est, en tout état de cause, inopérant à l'égard d'une procédure administrative de redressement de l'assiette d'un impôt ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 6 Fructidor de l'an II : Il est expressément défendu à tout fonctionnaire public de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille les prénoms portés en l'acte de naissance, ou les surnoms maintenus par l'article 2, ni d'en exprimer d'autres dans les expéditions et extraits qu'ils délivreront à l'avenir... ; que sur le fondement de ces dernières dispositions, la requérante de première instance soutient en appel que les actes de la procédure de redressement devaient être libellés à son nom de , issu de son acte de naissance, et non à celui de son ex-mari M. Z, dont elle était divorcée depuis 1974 ; qu'il est établi et non contesté par l'intéressée, qu'elle signait les documents et courriers destinés aux services fiscaux du nom de Mme Z ; que l'Administration fiscale était fondée, à opposer à la contribuable les apparences qu'elle avait elle-même créées ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la procédure de redressement serait viciée en raison de la mention du nom Z au lieu de celui de , dans les actes destinés à la contribuable, en méconnaissance de la loi du 6 Fructidor de l'an II, doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que la plus-value contestée, générée par une cession de droits sociaux, n'entre dans aucun des cas, prévus par l'article L 59 A du livre des procédures fiscales, dans lesquels le contribuable peut soumettre son différend avec l'Administration à la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, l'absence de saisine de cette commission, malgré la demande en ce sens de la contribuable, n'a pu caractériser un vice de la procédure suivie en l'espèce, nonobstant la circonstance que cette possibilité avait été, par erreur, offerte à l'intéressée sur le courrier notifiant le redressement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Z n'est pas fondée à soutenir que l'imposition en litige serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et à en obtenir, pour ce motif, la décharge ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 160 I du code général des impôts : Lorsqu'un associé, actionnaire, commanditaire ou porteur de parts bénéficiaires cède, pendant la durée de la société, tout ou partie de ses droits sociaux, l'excèdent du prix de cession sur le prix d'acquisition.... de ces droits est taxé exclusivement à l'impôt sur le revenu au taux de 16 %... ; que sur le fondement de ces dispositions, Mme Z avait déclaré les plus-values générées par la cession, au cours de l'année 1993, des droits sociaux dont était titulaire sa fille mineure, Melle Patricia Z, et issus de la nue-propriété de 30 081 parts, et de la pleine propriété de 4 000 autres parts, de la société l'alsacienne de contrôle sus-mentionnée, obtenues par voie de donation ; que le prix de cession de ces parts ressort au montant total, non contesté, de 123 990 406 F ; que pour déterminer la plus-value, déclarée avec ses revenus de l'année 1993, Mme Z a soustrait de ce montant, celui du prix de revient de ces titres, soit 106 825 773 F, pour aboutir à une base de l'impôt de 17 164 633 F ; que l'Administration a exclu, de ce prix de revient, les droits de mutation acquittés par le donateur M. Marc Z, à hauteur de 30 186 702 F ; que, par suite, la plus-value a été fixée à 47 351 335 F ;

Considérant en premier lieu que la contribuable ne conteste pas que les dispositions précitées de l'article 160 I du code général des impôts, qui n'envisagent pas expressément le cas des titres obtenus par voie de donation, et conduiraient au demeurant à retenir un prix de revient nul, ne lui permettent pas de justifier son propre calcul de la plus-value en litige ;

Considérant en deuxième lieu que, sur le fondement de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, Mme Z oppose à l'Administration son interprétation de la loi fiscale donnée par une instruction publiée 5 B 624 dans sa version du 1er juin 1991 ; qu'aux termes de ce document : 5. Le prix d'acquisition correspond dans tous les cas au montant de la contrepartie que le titulaire des droits sociaux a dû fournir pour acquérir la propriété de ces droits... 8. Si les droits cédés ont été acquis à titre gratuit, par voie de succession ou de donation, le prix de revient des titres est égal à la valeur réelle à la date de la mutation à titre gratuit. En pratique il y a lieu de retenir la valeur qui a servi d'assiette aux droits de mutation. 11. Dans tous les cas, le prix d'acquisition doit être déterminé en tenant compte des frais exposés pour cette acquisition. Ces frais s'entendent notamment : - des droits de mutation légalement dus... ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le donataire des droits sociaux ne peut, pour évaluer la valeur réelle des titres cédés, prendre en compte le montant des droits de mutation légalement dus lors de l'acquisition, que dans la mesure où il les a personnellement acquittés ; qu'il est constant qu'en l'espèce, ces droits ont été payés par le donateur ; que, par suite, la contribuable ne peut, en se fondant sur l'instruction précitée, obtenir la prise en compte de ces droits de donation, pour le calcul de la plus-value litigieuse ;

Considérant en troisième lieu que la réponse ministérielle à M. Elain du 4 mai 1955, dont la teneur est identique au § 5 de l'instruction sus-rappelée, n'apporte aucun élément nouveau à l'appui de la position de la contribuable ;

Considérant en quatrième lieu que les dispositions régissant tant les donations que les droits d'enregistrement corrélatifs demeurent sans incidence sur le problème fiscal de calcul d'une plus-value posé en l'espèce ;

Considérant en cinquième lieu que la circonstance que le service local des impôts n'avait émis aucune observation à la suite de renseignements, fournis à sa demande du 7 février 1995, et relatifs aux conditions de cession des droits sociaux au cours de l'année 1993, ne constitue pas une prise de position formelle sur la situation de la contribuable, que celle-ci pourrait lui opposer, en application de l'article L 80 B du livre des procédures fiscales ;

Considérant en sixième lieu que le moyen tiré de la différence de traitement des contribuables ayant acquis des droits sociaux par donation selon qu'ils les conservent ou procédent à leur cession est inopérant, dès lors que les intéressés ne se trouvent pas dans la même situation au regard de l'application de la loi fiscale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à Mme Z la décharge de l'imposition contestée et à obtenir que, conformément à ses conclusions en appel, celle-ci soit remise à la charge de la contribuable à concurrence de 5 554 353 F en droits et intérêts de retard, ainsi que la réformation de ce jugement ;

Sur les conclusions de la défenderesse en appel tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme Z la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : L'impôt sur le revenu auquel Mme Yolande Z a été assujettie au titre de

l'année 1993, est remis à sa charge en droits et intérêts de retard à concurrence de 846 755,65 € (5 554 353 F).

Article 2 : Le jugement du 24 avril 2001 du Tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de Mme Z tendant à obtenir l'application, à son profit, des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à Mme Yolande Z.

2

N°01NC00894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01NC00894
Date de la décision : 19/05/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Henri BATHIE
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : KOENIG

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-05-19;01nc00894 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award