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28/02/2005 | FRANCE | N°02NC00477

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 28 février 2005, 02NC00477


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 avril 2002, complétée par un mémoire enregistré le 4 juillet 2003, présentée pour M. Michel X élisant domicile ..., par Me Derridj, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 26 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 260 634, 81 F ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de :

- 1 524,48 euros au titre de l'indemnité de protection de l'article 11 du statut d

es fonctionnaires,

- 18 298,02 euros, à parfaire, pour les honoraires d'avocat,

- 27 450...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 avril 2002, complétée par un mémoire enregistré le 4 juillet 2003, présentée pour M. Michel X élisant domicile ..., par Me Derridj, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 26 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 260 634, 81 F ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de :

- 1 524,48 euros au titre de l'indemnité de protection de l'article 11 du statut des fonctionnaires,

- 18 298,02 euros, à parfaire, pour les honoraires d'avocat,

- 27 450 euros pour la perte de traitement, l'ensemble augmenté des intérêts moratoires et capitalisé,

- 22 867,35 euros en réparation de son préjudice moral ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 048,98 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en refusant de le faire bénéficier des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 qui imposent la saisine sans délai du conseil de discipline du cas du fonctionnaire suspendu et sont applicables aux non-titulaires. L'article 5 du décret du 8 mars 1978 qui ne le prévoit pas est illégal ;

- la prolongation de sa suspension était irrégulière en l'absence de poursuites disciplinaires et alors que les faits reprochés n'étaient ni graves ni vraisemblables. La seule circonstance que des poursuites pénales fussent engagées était insuffisante en application du principe de présomption d'innocence, alors même que l'administration ne disposait d'aucun élément attestant de sa culpabilité ;

- un dispositif de soutien psychologique, professionnel et juridique devait être mis en place ;

- aucune faute personnelle justifiant l'engagement de poursuites pénales ne pouvait être regardée comme établie en l'absence de jugement revêtu de l'autorité de la chose jugée ;

- la qualification de faute personnelle ne peut être retenue, alors que les faits imputés se seraient déroulés dans le service, et que si le recteur en avait été convaincu, il n'aurait pas manqué d'exercer des poursuites disciplinaires. Le recteur n'ayant connaissance d'aucun fait avéré imputé au requérant était donc tenu d'accorder la protection statutaire ;

- le préjudice matériel indemnisable comporte notamment l'indemnité de protection pour 1 524,48 euros, les honoraires d'avocat pour une défense de qualité à tout le moins minimale pour 18 298,02 euros, à parfaire, et la perte de traitement pour 27 450 euros ;

- le préjudice moral, constitué d'une atteinte portée à sa carrière, à son honneur et à sa réputation est estimé à un montant de 22 867,35 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2004, présenté par le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ; le ministre conclut au rejet de la requête et soutient que :

- à la date à laquelle le recteur a refusé d'accorder la protection statutaire, les fautes reprochées pouvaient être qualifiées de faute personnelle détachable du service et présentaient un caractère de vraisemblance et de gravité suffisantes pour justifier ce refus ;

- la condamnation prononcée le 8 mars 2001 par le Tribunal de grande instance de Nancy, confirmée par la Cour d'appel de Nancy le 18 février 2003, notamment en ce qui concerne la privation des droits civiques, civils et de famille pendant cinq ans ne laissait pas d'autre choix à l'administration que de prolonger la suspension ;

- les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 s'appliquent aux seuls fonctionnaires de l'Etat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu le décret nº 78-252 du 8 mars 1978 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2005 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- les observations de M. X,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, maître contractuel enseignant la photographie dans l'établissement privé sous contrat Notre Dame de la Providence, à Saint-Dié-Les-Vosges, a fait l'objet de poursuites pénales et d'une mesure de suspension de ses fonctions à la suite de plaintes déposées à son encontre pour des attouchements sexuels sur des élèves ; qu'il a été placé en garde à vue suivie de quinze jours de détention provisoire du 24 mars au 9 avril 1999 puis d'une mesure de contrôle judiciaire ; que le recteur d'académie de Nancy-Metz a prononcé sa suspension de fonctions le 26 mars 1999, reconduite par décision du 16 juillet 1999 prenant effet à compter du 26 juillet, à mi-traitement ; que M. X a demandé au ministre délégué à l'enseignement professionnel le bénéfice d'une protection juridique par courrier du 30 octobre 2000 ; que n'ayant pas obtenu de réponse et estimant subir un préjudice en raison de l'illégalité du refus de protection et de la prolongation de sa suspension des fonctions, il a saisi le recteur le 20 novembre 2000 d'une demande préalable tendant à l'indemnisation de ses préjudices matériel et moral et au remboursement de ses frais d'avocat ; que s'étant vu opposer un refus implicite, il a saisi le Tribunal administratif de Nancy de sa demande indemnitaire, lequel l'a rejetée par le jugement critiqué du 26 février 2002 ;

Sur la décision de prolonger la suspension de fonctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline... ; qu'aux termes de l'article 5 du décret du 8 mars 1978 susvisé : En cas de faute grave commise par un des maîtres contractuels ou agréés mentionnés à l'article 1er du présent décret, soit pour un manquement à ses obligations professionnelles, soit pour une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être immédiatement suspendu, sur proposition du chef d'établissement, par l'autorité académique. Cette décision de suspension doit préciser si l'intéressé conserve, pendant le temps où il est suspendu, le bénéfice de sa rémunération ou déterminer la quotité de la retenue qu'il subit, qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération. En tout état de cause, il continue à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille. La situation du maître contractuel ou agréé suspendu doit, en application du premier alinéa, être réglée par l'autorité académique dans un délai de quatre mois à compter du jour où la décision de suspension a pris effet. Lorsque aucune décision n'est intervenue à l'expiration de ce délai, l'intéressé reçoit à nouveau l'intégralité de sa rémunération, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales. Lorsque la résiliation du contrat ou le retrait de l'agrément n'ont pas été prononcés ou si à l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent il n'a pu être statué sur son cas, l'intéressé a droit au remboursement des retenues opérées sur sa rémunération. ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions mêmes de l'article 30 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 qui imposent la saisine sans délai du conseil de discipline du cas du fonctionnaire suspendu qu'elles ne sont applicables qu'aux seuls fonctionnaires ; que M. X, agent contractuel, n'est pas fondé à soutenir qu'il devait lui en être fait application ;

Considérant, en second lieu, que l'article 5 précité du décret n° 78-252 du 8 mars 1978 fixant les règles générales déterminant les conditions de service de certains maîtres contractuels ou agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat n'est pas illégal comme contraire à ces dispositions ; que la légalité de la prolongation de la suspension n'était pas davantage soumise à l'exercice de poursuites disciplinaires ; que les faits dont était saisie l'administration mettant en cause un enseignant pour des agissements commis à l'intérieur d'un établissement scolaire à l'encontre d'usagers de celui-ci et manifestement susceptibles d'être pénalement répréhensibles présentaient un caractère de vraisemblance et de gravité suffisant pour justifier la prolongation de la suspension de M. X sans que cette décision, qui revêtait un caractère purement conservatoire, ait pu heurter le principe de présomption d'innocence posé à l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que c'est à bon droit que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'illégalité fautive de la décision de prolonger sa suspension des fonctions ;

Sur la décision refusant d'accorder la protection fonctionnelle :

Considérant que la demande de protection présentée le 30 octobre 2000 par M. X auprès de l'administration se rapporte aux frais d'avocats entraînés par la procédure pénale dont il fait l'objet et à l'absence de soutien face aux calomnies dont il estime avoir été victime ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires : Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales... La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle... Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration ayant été saisie de la demande de protection de M. X le 30 octobre 2000, un refus implicite est né le 2 janvier 2001 ; qu'à cette date, une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel avait déjà été adoptée le 2 octobre 2000 par le juge d'instruction pour agression sexuelle par personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions - violence par personne chargée d'une mission de service public avec ITT inférieure à 8 jours au motif qu'il résulte de l'information des charges suffisantes contre M. X Michel d'avoir... commis des agressions sexuelles...des violences physiques sur certains de ses élèves... ; que l'intéressé était maintenu à la même date sous contrôle judiciaire afin d'éviter tout risque de pressions sur les victimes... ; que l'administration était nécessairement informée et concernée par ces actes qui se sont déroulés dans l'enceinte scolaire et ont impliqué des agents publics et des usagers ; qu'en estimant, eu égard à leur nature et alors même que les faits reprochés avaient été commis dans le cadre du service, qu'ils caractérisaient une faute personnelle justifiant de refuser à M. X le bénéfice de la protection fonctionnelle tant juridique que contre les calomnies dont le requérant se disait victime, l'administration a fait, sans méconnaître le principe de la présomption d'innocence posé à l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, une exacte application des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; qu'elle n'a donc pas commis de faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande d'indemnisation susvisée ; que sa requête ne peut donc qu'être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.Michel X et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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02NC00477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC00477
Date de la décision : 28/02/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : CABINET DE CASTELNAU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-02-28;02nc00477 ?
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