Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 1998 au greffe de la Cour, complétée par mémoires enregistrés les 17 novembre 1998 et 25 novembre 2004, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER GENERAL MARIE-MADELEINE DE Z..., représentée par son directeur, dont le siège est ..., par Me Vivier, avocat ;
Le CENTRE HOSPITALIER GENERAL MARIE-MADELEINE DE Z... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 5 mai 1998 en tant qu'il a, d'une part, dans son article 1er, condamné le Centre hospitalier à verser au mandataire liquidataire de l'entreprise Knidel une somme de 103 283,66 francs augmentée des intérêts légaux, et, d'autre part, dans son article 3, mis à sa charge la moitié des frais d'expertise, soit une somme de 1 923,35 francs ;
2°) d'ordonner une expertise à l'effet de déterminer l'excédent de dépenses résultant de la passation du nouveau marché conclu après résiliation du marché initial en calculant la différence entre le prix total des travaux effectués par l'entreprise Knidel et la société Sièges et Décors , d'une part, et l'estimation du prix de l'ensemble des travaux d'après la soumission, d'autre part, déduction faite le cas échéant de toute plus-value pour ouvrages supplémentaires ou changement de matériaux ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de retenir en compensation du prix des prestations exécutées par l'entreprise Knidel l'excédent de dépenses résultant du nouveau marché ; l'article 49-4 du cahier des clauses administratives générales a seulement pour objet de différer la notification du décompte général du marché résilié jusqu'au règlement définitif du nouveau marché par dérogation aux règles de notification du décompte fixées par l'article 13 al 42, sans prévoir de sanction particulière tandis que l'article 49-6 du cahier des clauses administratives générales stipule que l'excédent de dépenses est à la charge de l'entrepreneur défaillant sans prévoir aucune condition de forme ; en conséquence, l'omission de la règle de forme prescrite par l'article 49-4 ne saurait décharger l'entrepreneur défaillant de son obligation de supporter l'excédent de dépenses, lequel peut être aisément évalué par une expertise complémentaire ; en outre, c'est par le fait même de l'entrepreneur que le décompte n'a pu être établi, celui-ci ayant introduit une requête en référé-expertise le 16 mars 1992 ;
- c'est à juste titre que le tribunal administratif a reconnu le bien-fondé de la résiliation compte tenu des graves manquements contractuels commis par l'entreprise Knidel dans l'exécution du lot n° 5, qui se caractérisent par un retard de plusieurs semaines et de graves malfaçons dans l'exécution des travaux, et par l'abandon du chantier d'abord la première quinzaine de juillet puis à compter du 5 août 1991 ;
- la résiliation était régulière en la forme car elle a été précédée d'une mise en demeure qui, eu égard à l'urgence, n'avait pas à respecter le délai de quinzaine prévu à l'article 49-1 du cahier des clauses administratives générales et qu'en toute hypothèse, le délai a été prorogé ;
- l'appel incident de Me A..., mandataire liquidateur de la société Knidel et Cie, est partiellement irrecevable ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires, enregistrés les 9 juillet 1998, 15 mars 1999 et l9 novembre 2004, présentés pour Me A..., pris en sa qualité de liquidateur de la société Knidel dont l'étude est sise, ..., par Me Y..., avocat ;
Me A..., mandataire liquidateur de la société Knidel conclut :
- au rejet de la requête ;
- par la voie d'un appel incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a estimé que la résiliation du marché était justifiée par les retards et malfaçons, à l'annulation de l'article 2 du jugement ayant condamné le mandataire liquidateur de la société Knidel à verser une somme de 20 303,23 francs toutes taxes comprises au titre des conséquences de la protection défaillante des sols durant les travaux, et enfin à l'annulation de l'article 3 en tant qu'il met à la charge du mandataire liquidateur la moitié des frais d'expertise ;
- à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER GENERAL MARIE-MADELEINE DE Z... à lui verser une somme de 15 000 francs au titre des frais irrépétibles ;
Il soutient que :
- la résiliation n'est pas justifiée au fond contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ; le retard dans l'exécution des travaux reproché à l'entreprise Knidel n'est pas établi ; les malfaçons reprochées à l'entrepreneur sont minimes ; l'abandon officiel de chantier du 5 août 1991 était totalement excusable en raison du refus du maître d'ouvrage de tenir compte des travaux supplémentaires et des pressions et menaces exercées sur le personnel de l'entreprise ;
- la procédure de résiliation comporte des irrégularités flagrantes ; la mise en demeure du 19 juillet 1991 n'a pas respecté le délai de quinze jours fixé par l'article 49-1 du cahier des clauses administratives générales alors que l'urgence n'est pas reconnue par l'expert ; les constats des 26 juillet et 9 août 1991 ne sont pas conformes à l'article 46-2 du cahier des clauses administratives générales ; enfin, il n'y a pas eu de notification du décompte général du marché résilié après règlement définitif ;
- le non-respect de règles de procédure entraîne, comme l'indique l'expert, l'interdiction de faire supporter au cocontractant de l'administration les conséquences onéreuses de la résiliation ;
- la demande d'expertise complémentaire présentée par le centre hospitalier doit en conséquence être rejetée ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que les dommages causés par l'insuffisance de protection de sols étaient dus à la négligence de la société Knidel ; il résulte au contraire de l'expertise de M. X... qu'aucun désordre ne saurait être imputé à la société Knidel ;
- son appel incident est recevable dans son intégralité ;
Vu la lettre du président de la 3ème chambre en date du 10 novembre 2004 communiquant aux parties le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions incidentes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2004 :
- le rapport de M. Martinez, premier conseiller ,
- les observations de Me Vivier, avocat du CENTRE HOSPITALIER GENERAL MARIE-MADELEINE DE Z...,
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par deux marchés passés en mars et avril 1991 dans le cadre de la restructuration du bâtiment A du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE Z..., la société Knidel s'est engagée à réaliser des travaux de pose de sols collés durs et souples ainsi que de faïences murales et à fournir des revêtements de sols et de murs ; qu'un différend est survenu entre l'entrepreneur et le maître d'ouvrage en cours d'exécution des travaux à propos de retards d'exécution, de malfaçons et de l'insuffisance de protection des sols durant le chantier ; que consécutivement à l'abandon du chantier par l'entreprise, le maître d'ouvrage, après mises en demeure d'achever les travaux et de livrer l'intégralité des fournitures restées infructueuses, a prononcé le 9 août 1991 la mise en régie du marché de travaux puis, par une décision du 12 septembre 1991, la résiliation des deux marchés aux frais et risques de l'entreprise ; que par le jugement susvisé en date du 5 mai 1998, le Tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, dans un article 1er, condamné le CENTRE HOSPITALIER GENERAL MARIE-MADELEINE DE Z... à verser Me A..., mandataire liquidateur de la société Knidel, une somme de 103 283,66 francs, augmentée des intérêts légaux, en règlement des travaux exécutés par ladite entreprise et, d'autre part, dans l'article 2, condamné ledit mandataire à verser une somme de 20 303,23 francs toutes taxes comprises au Centre hospitalier au titre des conséquences liées à la protection défaillante des sols durant les travaux ; que par la voie d'un appel principal, le CENTRE HOSPITALIER GENERAL MARIE-MADELEINE DE Z... demande d'annuler le jugement en tant qu'il l'a condamné à verser au mandataire liquidateur de la société Knidel la somme susmentionnée de 103 283,66 francs et d'ordonner une expertise complémentaire à l'effet de déterminer l'excédent de dépenses résultant de la passation du nouveau marché conclu après résiliation du marché initial ; que par la voie d'un appel incident, Me A..., mandataire liquidateur de la société Knidel, conclut à l'annulation de l'article 2 du jugement l'ayant condamné à verser une somme de 20 303,23 francs toutes taxes comprises au titre des conséquences liées à la protection défaillante des sols durant les travaux et à l'annulation de l'article 3 en tant qu'il met à sa charge la moitié des frais d'expertise ;
Sur l'appel principal :
Considérant qu'aux termes de l'article 49-3 du cahier des clauses administratives générales applicable en l'espèce : (...) Après l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification de la décision de mise en régie, la résiliation du marché peut être décidée ; qu'aux termes de l'article 49-4 du cahier des clauses administratives générales : la résiliation du marché décidée en application du 2 ou du 3 du présent article peut être soit simple, soit aux frais et risques de l'entrepreneur. (...) ; en cas de résiliation aux frais et risques de l'entrepreneur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur pour l'achèvement des travaux. (...) ; par exception aux dispositions du 42 de l'article 13, le décompte général du marché résilié ne sera notifié à l'entrepreneur qu'après le règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux ; qu'enfin aux termes de l'article 49-6 du cahier des clauses administratives générales : Les excédents de dépenses qui résultent de la régie ou du nouveau marché sont à la charge de l'entrepreneur. Ils sont prélevés sur les sommes qui peuvent lui être dues ou, à défaut sur ses sûretés éventuelles sans préjudice des droits à exercer contre lui en cas d'insuffisance (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise ordonné en référé par le président du Tribunal administratif de Strasbourg, que les travaux exécutés par l'entreprise Knidel n'ont pas respecté les délais prescrits par le maître d'ouvrage et ont donné lieu à des malfaçons en raison du non-respect de la planimétrie imposée par les règles de l'art et les DTU pour la pose de carrelage ; qu'il est constant que l'entreprise a abandonné le chantier le 5 août 1991 ; qu'en admettant même que les retards dans l'exécution des travaux ne soient pas considérables ni exclusivement imputables à l'entreprise Knidel , et à supposer même que les malfaçons ne soient pas suffisamment importantes pour justifier par elle-mêmes une sanction, le cumul des ces manquements et surtout l'interruption temporaire des travaux sans explications pendant la première quinzaine du mois de juillet 2001 puis l'abandon définitif du chantier à compter du 5 août 1991 ont constitué en l'espèce des fautes susceptibles de justifier une mise en régie puis une mesure de résiliation des marchés concernés ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient Me A..., mandataire liquidateur de l'entreprise Knidel, le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce en estimant que ces manquements étaient de nature à justifier la mesure de résiliation dont a fait l'objet l'entreprise Knidel en vertu des stipulations contractuelles précitées ;
Considérant, toutefois, que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public doit être compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties ; qu'en application de ce principe, les dispositions combinées des articles 49-4 et 49-6 précités, prévoient, en cas de résiliation du marché aux frais et risques de l'entrepreneur, l'établissement d'un décompte de résiliation comprenant notamment au débit du titulaire les excédents de dépenses résultant du nouveau marché ;
Considérant, d'une part, qu'il est constant qu'aucun décompte de résiliation définitif ou provisoire n'a été régulièrement établi à la suite de la résiliation des marchés ; que, contrairement à ce que soutient le maître d'ouvrage, la circonstance que la Sarl Knidel avait introduit le 16 mars 1992 une demande de référé-expertise ne faisait pas obstacle à l'établissement et à la notification dudit décompte ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence d'un tel document fixant les obligations respectives de l'entrepreneur et du maître d'ouvrage et permettant la mise en oeuvre de la procédure administrative contradictoire prévue par les documents contractuels, le CENTRE HOSPITALIER GENERAL MARIE-MADELEINE DE Z... ne saurait valablement demander que soit mis à la charge de l'entrepreneur le surcroît de dépenses résultant du nouveau marché conclu avec la société Sièges et Décors ;
Considérant, d'autre part, que la résiliation aux frais et risques du titulaire du marché ne privant pas celui-ci du droit au règlement par la personne publique cocontractante des dettes contractuelles à son égard, l'entreprise Knidel a droit au paiement des sommes dues au titre des travaux et prestations qu'elle a effectués pour l'exécution des marchés litigieux à la date de la mesure de résiliation ; que selon les estimations de l'expert, non sérieusement contestées, les sommes dues à la société Knidel pour les travaux exécutés et les fournitures livrées à cette date s'élèvent à un montant global de 15 745,49 euros (103 283,66 francs) ;
Considérant qu'en l'absence de décompte de résiliation, ainsi qu'il a été dit plus haut, l'entreprise Knidel ne doit pas supporter les conséquences onéreuses de la mesure de résiliation ; qu'il suit de là que le centre hospitalier n'est pas fondé à demander que sa dette soit compensée par l'excédent de dépenses par rapport au prix initial du marché, occasionné par la résiliation susmentionnée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser la somme sus-indiquée à Me A..., mandataire liquidateur de la Sarl Knidel avec les intérêts à compter à compter du 27 juillet 1993 ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise complémentaire qu'il sollicite, il y a lieu de rejeter la demande du CENTRE HOSPITALIER GENERAL MARIE-MADELEINE DE Z... tendant à l'annulation de l'article 1er dudit jugement ;
Sur l'appel incident :
En ce qui concerne les dommages causés par l'insuffisance de protection des sols :
Considérant que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL MARIE-MADELEINE DE Z... a demandé l'annulation de l'article 1er du jugement précité qui l'a condamné à verser une somme de 103 000 francs à Me A..., mandataire liquidateur de la société Knidel, au titre des travaux exécutés par ladite société avant la résiliation du marché ; que Me A..., mandataire liquidateur de la société Knidel demande en appel l'annulation de l'article 2 relatif aux dommages subis par les revêtements aux sols durant les travaux ; qu'ainsi, les conclusions de l'appel incident de Me A..., mandataire liquidateur de la société Knidel, soulèvent un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal ; que, dès lors, elles ne sont pas recevables ;
En ce qui concerne les frais d'expertise :
Considérant que le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'affaire en mettant à la charge de Me A..., mandataire liquidateur de la société Knidel, la moitié des frais d'expertise exposés en première instance ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions incidentes de Me A..., mandataire liquidateur de la société Knidel, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de Me A..., mandataire liquidateur de la société Knidel ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête susvisée du CENTRE HOSPITALIER GENERAL MARIE-MADELEINE DE Z... et l'ensemble des conclusions de Me A..., mandataire liquidateur de la Sarl Knidel, sont rejetés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER GENERAL MARIE-MADELEINE DE Z... et à Me A..., liquidateur mandataire de la société Knidel.
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N° 98NC01372