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16/12/2004 | FRANCE | N°00NC01447

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 16 décembre 2004, 00NC01447


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 novembre 2000, complétée par des mémoires enregistrés les 12 décembre 2001, 15 mai 2003 et 13 avril 2004, présentés pour la SA COLLY BOMBLED dont le siège est 70180 Autet, par Me Philippe Nataf, avocat à la Cour ; la SA COLLY BOMBLED demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°98-1040/98-1041/00-289 du 5 octobre 2000, du Tribunal administratif de Besançon, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses demandes, tendant à obtenir la décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur les sociétés aux

quels elle a été assujettie, au titre des exercices clos en 1992, 1993 et 19...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 novembre 2000, complétée par des mémoires enregistrés les 12 décembre 2001, 15 mai 2003 et 13 avril 2004, présentés pour la SA COLLY BOMBLED dont le siège est 70180 Autet, par Me Philippe Nataf, avocat à la Cour ; la SA COLLY BOMBLED demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°98-1040/98-1041/00-289 du 5 octobre 2000, du Tribunal administratif de Besançon, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses demandes, tendant à obtenir la décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie, au titre des exercices clos en 1992, 1993 et 1994, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés pour la période du 1er avril 1991 au 31 décembre 1994 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions demeurant en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 F, en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

La SA COLLY BOMBLED soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, les redressements en litige ont été fondés sur des documents obtenus de tiers, sans que la société contribuable en ait été avisée lors de leur notification en méconnaissance des droits de la défense ; tel est le cas du procès-verbal de visite

dressé le 21 janvier 1994 par les agents de la brigade d'intervention interrégionale de Strasbourg, et du rapport d'expertise du cabinet KPMG, dont des éléments sont pratiquement repris dans la notification de redressement du 21 décembre 1995 ;

- cette notification est, dès lors, insuffisamment motivée, d'autant qu'elle ne précise pas, en outre, les détails du profit sur le trésor qui est allégué ;

- l'avis de mise en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée est irrégulier, en tant qu'il se réfère à la notification de redressement, sans tenir compte de la correction des bases intervenue suite aux observations de la contribuable ; l'article 25 II B de la loi de finances n° 99-1173 du 30 décembre 1999, qui a validé cet avis aux motivations imprécises, ne peut être opposé à la société, sous peine de violation du droit à un procès équitable garanti par l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'Homme ; cet avis n'a pas non plus précisé la nature des majorations qu'il mentionne ;

- la société est fondée à solliciter la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'intérêt de retard, afférents aux acquisitions intracommunautaires, la taxe due étant compensée par un droit à déduction de même montant ; l'instruction 3 A-5-98 du 23 juin 1998 admet cette régularisation pour les redevables de bonne foi ; ce type de redressement ne pouvait induire le profit sur le trésor invoqué par le service ; celui-ci doit être abandonné conformément à l'instruction 13 L-6-99 du 31 mai 1999 ;

- la société est en mesure de justifier, par un ensemble d'attestations des personnels concernés, les frais d'assistance technique et de gestion facturés par sa société mère, la SFP Brisard et la société Bali développement, qui ont été exclus des charges déductibles ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 novembre 2004, présenté pour la société SA COLLY BOMBLED ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistrés au greffe les 7 mai 2001, 27 octobre 2003 et 19 août 2004, les mémoires en défense présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête de la SA COLLY BOMBLED ; il soutient que :

- les redressements sont fondés sur les seuls éléments recueillis lors de la vérification de comptabilité engagée à l'encontre de la société ;

- le redressement relatif au profit sur le trésor a été correctement motivé ;

- l'article 25 II B de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 s'oppose à ce que la requérante invoque l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée ; ce dernier fournit toutes indications utiles sur les droits et pénalités réclamés ;

- la taxe sur la valeur ajoutée sur acquisitions intracommunautaires a été rappelée, à bon droit, en application de l'article 256 bis du code général des impôts ; la société ne peut invoquer la régularisation admise par l'instruction 3 A-5-98, postérieure aux redressements ; l'insuffisance des versements de taxe a bien généré un profit sur le trésor ;

- les attestations fournies, peu cohérentes, et en contradiction avec d'autres données, ne permettent pas de justifier les frais déduits pour assistance administrative d'autres sociétés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi de finances n° 99-1173 du 30 décembre 1999 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts

Vu le livre des procédures fiscales

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2004 ; :

- le rapport de M.Bathie,

- et les conclusions de Mme ROUSSELLE, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA COLLY BOMBLED a fait l'objet d'un contrôle de ses factures, effectué le 21 janvier 1994 par la brigade d'intervention interrégionale de Strasbourg, en vertu d'une ordonnance judiciaire ; que des procédures similaires ont été engagées à l'encontre d'autres sociétés du même groupe et en particulier de la société financière de participations Brisard, dont la SA COLLY BOMBLED était la filiale à 99 % ; que, dans le cadre de ces investigations, un rapport d'expertise a été établi par le cabinet KPMG ; que, durant l'année 1995, la direction nationale d'enquêtes fiscales, qui avait notamment obtenu, par l'exercice de son droit de communication, le procès-verbal de la visite du 21 janvier 1994 et le rapport d'expertise sus-mentionné, à de son côté, diligenté une vérification de comptabilité, à l'encontre de la SA COLLY BOMBLED, portant sur les exercices clos en 1992, 1993 et 1994 ; que, par une notification de redressement en date du 21 décembre 1995, l'administration a avisé la société vérifiée des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée envisagés ; que, dans sa réponse aux observations de la contribuable, le service a corrigé en baisse les bases initialement retenues ; que les impositions ont été mises en recouvrement sur les nouvelles bases, respectivement le 24 juin 1997 pour la taxe sur la valeur ajoutée et le 30 septembre 1997 pour l'impôt sur les sociétés ; que, par son jugement du 5 octobre 2000, dont la SA COLLY BOMBLED fait régulièrement appel en tant qu'il lui fait grief, le Tribunal administratif de Besançon a accordé à la société la décharge des impositions sus-mentionnées, en tant qu'elles correspondent à un abandon de créance dont elle a bénéficié au titre de l'exercice clos en 1993, à hauteur de 13 M.F., et rejeté le surplus de ses demandes ;

Sur les frais d'assistance technique et administrative :

Considérant qu'il incombe à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir dans l'exercice de son droit de communication, et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, afin que l'intéressé ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ; qu'en ce qui concerne les frais d'assistance technique et administrative, il résulte de l'instruction que dans son rapport à la commission départementale des impôts, le vérificateur a demandé à cette commission de rendre un avis conforme aux conclusions de l'expertise établie par le cabinet KPMG ; que les termes et arguments de la notification de redressement du 21 décembre 1995, au demeurant suffisamment motivée, sont en grande partie similaires aux termes du procès-verbal de visite du 21 janvier 1994 et du rapport d'expertise précité ; que la notification de redressement ne comporte aucune mention sur l'origine de ces éléments d'appréciation du service ; qu'en outre, la demande de la société tendant à obtenir copie de ces documents n'a été satisfaite qu'à la date du 29 octobre 1997 postérieure à la mise en recouvrement des impositions en litige ; qu'il suit de là que l'administration n'a pas permis à la société vérifiée de connaître l'origine des renseignements obtenus de tiers, et de les discuter éventuellement, en méconnaissance des droits de la défense ; que la société est fondée à soutenir que les redressements d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la réintégration des frais d'assistance technique et administrative payés à deux autres sociétés du même groupe ont été établis selon une procédure irrégulière ;

Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de prononcer la décharge des suppléments d'impôts sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, résultant de la réintégration susmentionnée, demeurant en litige ;

Sur les autres rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

. en ce qui concerne l'avis de mise en recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'aux termes de l'article 25 II de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 : (...) B. - Sont réputés réguliers, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les avis de mise en recouvrement émis à la suite de notifications de redressement effectuées avant le 1er janvier 2000 en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de ce qu'ils se référeraient, pour ce qui concerne les informations mentionnées à l'article R 256-1 du livre des procédures fiscales, à la seule notification de redressement ; qu'il résulte de cette disposition, éclairée par les travaux préparatoires à l'intervention de la loi, que le législateur, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, a entendu valider les avis de mise en recouvrement émis à la suite de notifications de redressement effectuées avant le 1er janvier 2000 en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de ce qu'ils se référeraient, notamment en ce qui concerne les éléments du calcul et le montant des droits réclamés, à la seule notification de redressement ; que ces dispositions, à portée rétroactive, s'appliquent en l'espèce, à des redressements notifiés le 21 décembre 1995, et à un litige qui n'avait pas été tranché par une décision passée en force de chose jugée à la date de publication de la loi ; que ces dispositions rendent irrecevable le moyen tiré de ce que l'avis de mise en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne fait référence qu'à la seule notification de redressement du 21 décembre 1995, dont les bases ont été corrigées en baisse sur les observations de la redevable ; que la société requérante ne peut utilement, pour s'opposer à la mise en oeuvre de ces dispositions de la loi interne, invoquer l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, et des libertés fondamentales, qui est inapplicable à une procédure de recouvrement de l'impôt ;

- en ce qui concerne les acquisitions intracommunautaires :

Considérant qu'aux termes de l'article 256 bis I du code général des impôts : 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel... ; qu'aux termes de l'article 271 du même code : I-1 La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2°. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable... ;

Considérant que le vérificateur a décelé des acquisisitions intracommunautaires, taxables

en vertu de l'article 256 bis I-1° précité et non déclarées par la société ; qu'en conséquence, les

taxes correspondantes ont fait l'objet d'un rappel, pour des montants respectifs de 160 414 F et

294 775 F au titre des périodes correspondant aux exercices clos les 31 décembre 1993 et 1994 ; que la SA COLLY BOMBLED, qui ne conteste pas ces omissions, fait valoir qu'elle avait acquis un droit à déduction de la taxe, conformément à l'article 271 I-1 et soutient que, dans la mesure où la créance et la dette envers le trésor se compensent exactement, au cas d'espèce, la taxe rappelée doit faire l'objet d'une décharge ; que, d'une part, aucune disposition de la loi fiscale ne permet, pour ce motif, de prononcer la décharge de la taxe due par la redevable ; que, d'autre part, la société ne peut utilement invoquer une instruction n° 3 A-5-98 en date du 23 juin 1998, postérieure à la notification de redressements du 21 décembre 1995 ;

Sur les autres suppléments d'impôt sur les sociétés :

Considérant que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée susévoqués, ont également induit des rehaussements, de mêmes montants, des bases de l'impôt sur les sociétés au titre du profit sur le trésor ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en omettant de déclarer une partie des acquisitions intracommunautaires, et de la taxe due en conséquence, la société s'est également privée du droit de la déduire, et de se prévaloir ainsi d'une créance sur le trésor ; que la constatation d'une telle créance étant indissociable de celle de la dette qui la cause, l'administration n'était pas en droit de regarder les sommes correspondant au droit à déduction de la société, comme un élément d'actif acquis au cours de l'exercice, imposable en tant que profit sur le trésor ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA COLLY BOMBLED est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon lui a refusé la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxes sur la valeur ajoutée résultant de la réintégration des frais d'assistance technique et administrative payées à deux autres sociétés du groupe et des suppléments d'impôt sur les sociétés liés au profit sur le trésor pour certaines acquisitions intracommunautaires ;

Sur les conclusions de la requérante tendant à obtenir à son profit, l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à la SA COLLY BOMBLED une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les bases de l'impôt sur les sociétés assigné à la SA COLLY BOMBLED

au titre des exercices clos le 31 mars 1992 et le 31 mars 1993, sont réduites des montants respectifs, correspondant à des frais de siège exagérés de 61 649,01 euros (404 391 F) et de

496 727,99 euros (3 258 322 F).

Article 2 : Les bases de l'impôt sur les sociétés assigné à la SA COLLY BOMBLED, au titre des exercices clos le 31 décembre 1993 et le 31 décembre 1994, sont réduites, au titre du profit sur le trésor , des montants respectifs de 24 454,96 euros (160 414 F) et de 44 938,16 euros (294 775 F).

Article 3 : Les bases de la taxe sur la valeur ajoutée due par la SA COLLY BOMBLED sont réduites respectivement de 24 454,96 € (160 414 F) , pour la période du 1er mars 1991 au 31 mars 1992 et de 44 938,16 € (294 775 F) pour la période du 1er avril 1992 au 31 mars 1993.

Article 4 : Il est accordé décharge à la SA COLLY BOMBLED des suppléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux corrections de bases définies aux articles 1 à 3 ci-dessus.

Article 5 : En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat versera une somme de 1 000 euros (mille euros) à la SA COLLY BOMBLED.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA COLLY BOMBLED est rejeté.

Article 7 : Le jugement du 5 octobre 2000 du Tribunal administratif de Besançon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la SA COLLY BOMBLED et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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N° 00N01447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00NC01447
Date de la décision : 16/12/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LUZI
Rapporteur ?: M. Henri BATHIE
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-12-16;00nc01447 ?
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