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09/12/2004 | FRANCE | N°00NC00043

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ere chambre - formation a 3, 09 décembre 2004, 00NC00043


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 janvier 2000 sous le n° 00NC00043, présentée pour la COMMUNE DE MUNSTER (68140), représentée par son maire en exercice, à ce habilité par délibération du conseil municipal du 17 janvier 2000, par Me Muller, avocat au barreau de Mulhouse ;

La COMMUNE DE MUNSTER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9901374 du 18 novembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération du conseil municipal du 30 septembre 1994 décidant d'exercer son droit de préemption sur une propr

iété sise ..., appartenant à M. et Mme X et l'a condamnée à payer à ceux-ci la...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 janvier 2000 sous le n° 00NC00043, présentée pour la COMMUNE DE MUNSTER (68140), représentée par son maire en exercice, à ce habilité par délibération du conseil municipal du 17 janvier 2000, par Me Muller, avocat au barreau de Mulhouse ;

La COMMUNE DE MUNSTER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9901374 du 18 novembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération du conseil municipal du 30 septembre 1994 décidant d'exercer son droit de préemption sur une propriété sise ..., appartenant à M. et Mme X et l'a condamnée à payer à ceux-ci la somme de 170 000 francs à titre de dommages et intérêts ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de condamner M. et Mme X et la SARL Cafétéria du Parc à lui verser

10 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient que :

- la demande présentée par M. et Mme X devant le tribunal administratif n'était pas recevable, car tardive, les intéressés ayant, en outre, renoncé à contester la décision de préempter en acceptant le prix fixé par le juge de l'expropriation ;

- l'arrêté de préemption du 30 septembre 1994 est suffisamment motivé ;

- M. et Mme X n'ont subi aucun préjudice ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 27 mars et 15 novembre 2000, présentés pour M. et Mme Y, par la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat au Conseil d'Etat ;

Ils concluent :

- au rejet de la requête susvisée ;

- à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a omis de statuer sur une partie des conclusions de leur demande ;

- à ce que l'indemnité que la COMMUNE DE MUNSTER a été condamnée à leur payer soit fixée à 401 100 francs avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 1999 ;

- à la condamnation de la COMMUNE DE MUNSTER à leur verser 20 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier, en ce que le tribunal administratif a omis de statuer sur les conclusions de leur demande tendant à la condamnation de la commune à leur verser la somme de 150 000 francs en réparation de leur préjudice moral,

- aucun des moyens de la requête de la commune n'est fondé,

- ils auraient pu percevoir de la vente de l'immeuble une somme supplémentaire de

251 100 francs et ils ont subi un préjudice moral qu'ils évaluent à 150 000 francs ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 juillet 2000, présenté par la SARL Cafétéria du Parc, qui indique ne pas avoir d'observation à formuler ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 octobre 2000, présenté pour la COMMUNE DE MUNSTER, par Me Muller, avocat ;

Elle conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens, au rejet des conclusions de l'appel incident de M. et Mme X, ainsi qu'à la condamnation de ceux-ci à lui verser 10 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu les lettres en date du 18 septembre 2003 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que la COMMUNE DE MUNSTER n'est pas recevable à demander l'annulation de l'article 5 du jugement attaqué, qui rejette les conclusions de la SARL Caféteria du Parc ;

Vu les lettres en date du 10 novembre 2003 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête, faute pour la commune de produire la délibération du conseil municipal habilitant le maire à interjeter appel et, par voie de conséquence, de l'irrecevabilité de l'appel incident de M. et Mme X ;

Vu l'ordonnance du président de la 1ère chambre de la Cour du 9 octobre 2000, fixant au 31 octobre 2000 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les ordonnances du président de la 1ère chambre de la Cour des 18 septembre 2003 et 18 août 2004, rouvrant l'instruction, respectivement jusqu'au 27 octobre 2003 et jusqu'au

15 septembre 2004 ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 novembre 2004, présentée par M. et Mme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2004 :

- le rapport de M. Clot, président,

- les observations de M. et Mme X,

- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMMUNE DE MUNSTER fait appel du jugement du 18 novembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération du conseil municipal du 30 septembre 1994 décidant d'exercer le droit de préemption de la commune sur un immeuble appartenant à M. et Mme X et l'a condamnée à leur payer la somme de 170 000 francs en réparation du préjudice qui est résulté pour eux de cette décision illégale ; que par un recours incident, M. et Mme X demandent que cette somme soit portée à 401 100 francs ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que par l'article 5 du jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté la demande dont il était saisi, en tant qu'elle était présentée par la SARL Cafétéria du Parc ; que, dès lors, la COMMUNE DE MUNSTER n'est pas recevable à demander l'annulation de ce jugement sur ce point ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que devant le tribunal administratif, M. et Mme X demandaient la condamnation de la commune à leur payer, outre la somme de 251 100 francs correspondant à la différence entre le prix auquel ils auraient pu vendre leur bien et celui auquel ils l'ont cédé à cette collectivité, celle de 150 000 francs, en réparation de leur préjudice moral ; qu'ainsi, en estimant que, dans le dernier état de leurs conclusions, les intéressés se bornaient à demander la première de ces sommes seulement, les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions de la demande à fin de réparation du préjudice moral ; que, dès lors, M. et Mme X sont fondés à demander, dans cette mesure, l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette partie des conclusions de la demande présentée par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Strasbourg et de statuer au titre de l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions ;

Sur les fins de non recevoir opposées par la COMMUNE DE MUNSTER à la demande de première instance :

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que M. et Mme X ont accepté de céder leur immeuble à la COMMUNE DE MUNSTER au prix fixé par le juge de l'expropriation est restée sans incidence sur la recevabilité des conclusions de leur demande devant le tribunal administratif dirigées contre la délibération par laquelle ladite commune a décidé d'exercer son droit de préemption ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, reprenant les dispositions de l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ; qu'il est constant que la notification à M. et Mme X de la délibération du conseil municipal du 30 septembre 1994 ne comportait pas l'indication des délais et des voies de recours ouverts contre cet acte ; que, dès lors, les conclusions de la demande des intéressés, dirigées contre cette délibération, n'étaient pas tardives ;

Sur la légalité de la délibération du 30 septembre 1994 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. - Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objet de mettre en oeuvre une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. - L'aménagement, au sens du présent code, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opération ; qu'il résulte de ces dispositions que les communes ne peuvent décider d'exercer le droit de préemption urbain mentionné à l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme que si, à la date à laquelle cette décision est prise, elles ont effectivement un projet d'action ou d'opération d'aménagement, au sens des dispositions de l'article L. 300-1 du même code ;

Considérant que la délibération du 30 septembre 1994 par laquelle le conseil municipal de MUNSTER a décidé d'exercer le droit de préemption de la commune sur la propriété de M. et Mme X, située ..., est motivée par la nécessité de constituer une réserve foncière en vue de permettre la réalisation d'équipements collectifs consistant, d'une part, en la mise en oeuvre d'un plan de circulation comprenant notamment l'aménagement du carrefour de la rue du Docteur Heid et de la rue Jean Matter et, d'autre part, en la réalisation d'équipements collectifs destinés à l'accueil des jeunes ou de la population scolaire ; qu'il ressort des pièces du dossier que si le conseil municipal avait débattu, le 8 juin 1994, de la mise en place d'un plan de circulation et si l'aménagement du carrefour susmentionné avait été mis à l'étude, il n'existait alors aucun projet précis justifiant l'exercice par la commune de son droit de préemption ; que, dès lors, la délibération en litige a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que l'illégalité de la délibération du 30 septembre 1994 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la COMMUNE DE MUNSTER à l'égard de M. et Mme X qui sont, par suite, fondés à demander réparation du préjudice direct et certain qui en est résulté pour eux ;

Considérant que si la déclaration d'intention d'aliéner souscrite par M. et Mme Y le 4 août 1994 mentionnait un prix de vente de 900 000 francs, les intéressés n'établissent pas qu'ils auraient pu effectivement céder leur bien à ce prix ; que, dès lors, ils ne sont pas fondés à demander une indemnité correspondant à la différence entre cette somme et celle de

648 900 francs correspondant au prix payé par la commune, tel qu'il a été fixé par le juge de l'expropriation ; que dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment de ce que l'acte de vente n'a été signé que le 14 mars 1996, ainsi que des troubles de toute nature dans leurs conditions d'existence résultant de la décision illégale de préemption et de leur préjudice moral, il sera fait une juste évaluation du préjudice subi par M. et Mme X en fixant à 12 500 euros, tous intérêts compris, l'indemnité qui leur est due par la commune ;

Sur les conclusions relatives aux frais exposés à l'occasion du litige et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, font obstacle à ce que la SARL Cafétéria du Parc, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la COMMUNE DE MUNSTER quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par cette collectivité et non compris dans les dépens ;

Considérant qu' il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la COMMUNE DE MUNSTER tendant à la condamnation de M. et Mme X en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la COMMUNE DE MUNSTER qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à

M. et Mme X quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 18 novembre 1999 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la demande de M. et Mme X, tendant à la condamnation de la COMMUNE DE MUNSTER à leur payer une somme de 150 000 francs en réparation de leur préjudice moral.

Article 2 : La COMMUNE DE MUNSTER est condamnée à verser à M. et Mme X la somme de 12 500 euros.

Article 3 : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 18 novembre 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE MUNSTER, ensemble des conclusions de l'appel incident de M. et Mme X, sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE MUNSTER, à M. et Mme X et à la SARL Cafétéria du Parc.

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N° 00NC00043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00NC00043
Date de la décision : 09/12/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés GILTARD
Rapporteur ?: M. le Prés Daniel GILTARD
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : STAEDELIN MULLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-12-09;00nc00043 ?
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