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06/12/2004 | FRANCE | N°99NC02273

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 06 décembre 2004, 99NC02273


Vu la requête enregistrée le 22 octobre 1999, complétée par mémoires enregistrés les 2 décembre 1999, 5 octobre 2000, 10 avril 2002 et 21 juillet 2004, présentée pour la SOCIETE ELECTROHYDRAULIQUE INDUSTRIELLE ET TELECOMMANDES,(SEIT), venant aux droits de la SA Masure, dont le siège est situé ..., par la SCP d'avocats Lafarge-Flecheux-Campana-Le Blevennec ; la SEIT demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement en date du 31 août 1999 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné la SA Masure à verser au syndicat intercommunal des eaux de Seingbouse la

somme de 761 815,95 F augmentée des intérêts au taux légal à compter d...

Vu la requête enregistrée le 22 octobre 1999, complétée par mémoires enregistrés les 2 décembre 1999, 5 octobre 2000, 10 avril 2002 et 21 juillet 2004, présentée pour la SOCIETE ELECTROHYDRAULIQUE INDUSTRIELLE ET TELECOMMANDES,(SEIT), venant aux droits de la SA Masure, dont le siège est situé ..., par la SCP d'avocats Lafarge-Flecheux-Campana-Le Blevennec ; la SEIT demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement en date du 31 août 1999 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné la SA Masure à verser au syndicat intercommunal des eaux de Seingbouse la somme de 761 815,95 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 1996 ainsi que la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;

2°) de limiter à la somme de 63 154 F (9 627,77 euros) le montant de l'indemnisation mise à sa charge ;

3°) de condamner le syndicat intercommunal des eaux de Seingbouse à lui rembourser les sommes versées en exécution du jugement du tribunal administratif ;

4°) très subsidiairement, de réduire dans de notables proportions, l'indemnisation mise à sa charge du chef de la pompe de remplacement et de limiter à 10 000 F (1 524,49 euros) celle afférente à la perte d'exploitation ;

Elle soutient que :

- le tribunal a fait une application erronée des articles 1792 et 2270 du code civil en estimant que la pompe défectueuse était couverte par la garantie décennale ;

- subsidiairement, si la garantie devait s'exercer, l'action du syndicat tendant à faire supporter à SEIT une fraction du coût de celle acquise en remplacement et le préjudice d'exploitation est dépourvue de tout fondement juridique, la garantie de bon fonctionnement de l'équipement ayant pris fin deux ans après la réception de l'ouvrage, soit le 20 décembre 1993 ;

- le syndicat est responsable de la panne dans la mesure où c'est lui qui a fait le choix de la pompe et où il n'a ni veillé à l'exécution des opérations de maintenance et de révision, ni conservé en état de fonctionnement la pompe de rechange ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 février 2000, présenté pour la société KSB-Pompes Guinard, par la SCP d'avocats Duprey Preel Coulon ; la société conclut :

- à la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause dans la survenance des désordres ;

- à la réformation du même jugement en ce qu'il a estimé justifier le préjudice d'exploitation du syndicat intercommunal ;

- à la condamnation du syndicat intercommunal des eaux de Seingbouse à lui verser la somme de 30 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Elle soutient que :

- elle n'a commis aucune faute et ne peut voir en aucun cas sa responsabilité engagée dans cette affaire ;

- le syndicat n'ayant pas justifié de la réalité du préjudice d'exploitation, la Cour devra débouter celui-ci de sa demande d'indemnisation à ce titre ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés le 29 mai 2000 et le 4 septembre 2002, présentés pour le syndicat intercommunal des eaux de Seingbouse, par la SCP d'avocats Parmentier-Didier ; le syndicat conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la condamnation de la SEIT à lui verser la somme de 15 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Il soutient que :

- le tribunal administratif a jugé à bon droit que les travaux exécutés par la société Masure constituaient des travaux de construction soumis à la garantie décennale ; l'argumentation selon laquelle la garantie due par la SEIT serait limitée à deux ans par application de l'article 1792-3 du code civil est infondée ;

- le dysfonctionnement de la pompe doit être imputé à la société Masure ;

- le syndicat est fondé à demander réparation de l'intégralité de ses préjudices à la SEIT ;

- les conclusions d'appel de la Sté KSB-Pompes Guinard dirigées contre le syndicat sont irrecevables ;

Vu, en date du 12 mars 2003, l'ordonnance du président de la première chambre, fixant au 4 avril 2003, la clôture de l'instruction ;

Vu, en date du 10 août 2004, l'ordonnance, reportant au 8 septembre 2004, la clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2004 :

- le rapport de Mme Guichaoua, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par marché notifié le 5 avril 1990, la société Somelec Masure, aux droits de laquelle intervient désormais la SOCIETE ELECTROHYDRAULIQUE INDUSTRIELLE ET TELECOMMANDES (SEIT), a été chargée par le syndicat intercommunal des eaux de Seingbouse de fournir et de poser une conduite d'exhaure et d'installer les équipements mécaniques nécessaires au pompage de l'eau, destinés à alimenter une station de déferrisation ; qu'après la réception de l'ouvrage, le 20 décembre 1991, une avarie, constatée le 9 décembre 1994, nécessita le remplacement de la pompe et d'une partie de la colonne d'exhaure ; que, le syndicat intercommunal a mis en cause la responsabilité de la société Somelec Masure, ainsi que, pour partie, celle des sociétés France Forages et KSB-Pompes Guinard ; que, par jugement du 31 août 1999, le Tribunal administratif de Strasbourg a, au titre des garanties contractuelle et décennale, condamné la société Masure, à l'exclusion de toute autre entreprise, à verser au syndicat intercommunal des eaux de Seingbouse la somme de 761 815,95 F correspondant au coût de réparation de la colonne d'exhaure et de remplacement de la pompe, ainsi qu'au préjudice d'exploitation ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le syndicat intercommunal des eaux de Seingbouse :

Considérant que les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué ; que, par suite, quels que soient les motifs retenus par les premiers juges, le défendeur en premier ressort n'est pas recevable à interjeter appel du jugement qui a rejeté les conclusions du demandeur dirigées contre lui ;

Considérant qu'il résulte du dispositif du jugement du 31 août 1999 qu'aucune condamnation n'a été prononcée à l'encontre de la société KSB-Pompes Guinard ; que, dès lors, cette dernière n'est pas recevable à faire appel dudit jugement ; que la fin de non-recevoir opposée par le syndicat intercommunal à l'égard de l'appel incident présenté par la société KSB-Pompes Guinard doit être accueillie ;

Sur la responsabilité :

Considérant, d'une part, qu'il résulte des principes dont s'inspirent les articles 1792 à 1792-6 et 2270 du code civil que la responsabilité décennale peut être recherchée pour des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas sérieusement contesté que les désordres affectant la pompe sont dus à la présence de corps étrangers dans la colonne d'exhaure, bloquant le clapet anti-retour du groupe électropompe et étaient de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; que si la société SEIT invoque, sur le fondement de la garantie contractuelle du fournisseur ainsi que sur celui de l'article 1792-3 du code civil, la garantie limitée dont bénéficiait la pompe installée, cette garantie qui vise exclusivement la garantie de bon fonctionnement, ne trouve pas à s'appliquer en matière de garantie décennale ; que, dès lors, le délai de la responsabilité décennale de la société SEIT, qui s'appliquait au présent litige, n'était pas expiré quand celle-ci a été mise en cause par le syndicat maître de l'ouvrage ;

Considérant, d'autre part, que les constructeurs ne peuvent être exonérés de la mise en oeuvre de la garantie décennale qu'en cas de force majeure ou de faute du maître de l'ouvrage ; que la société SEIT n'établit, ni même n'allègue que les désordres affectant la pompe seraient dus à la force majeure ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que le maître d'ouvrage qui avait confié l'exploitation et la maintenance de l'ouvrage à la société H.P.A.2 E ait manqué à son obligation d'entretien des installations ; que la circonstance, à la supposer d'ailleurs établie, que le syndicat intercommunal ait commis une faute en ne conservant pas en état de fonctionnement la pompe acquise d'occasion auprès de France Forage en vue de pallier une éventuelle défaillance de la pompe principale, est sans effet sur la solution du présent litige dès lors que le contrat passé entre France Forage et le syndicat intercommunal pour l'achat de la pompe est distinct du marché conclu avec la société requérante et que ce dernier ne comporte aucune clause prévoyant les conditions de mise en oeuvre de la pompe de remplacement ; qu'il résulte de tout ce qui précède qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la responsabilité décennale de la SEIT qui avait la qualité de constructeur de l'ouvrage dès lors qu'elle avait été chargée de la fourniture et de l'installation de la pompe, se trouve engagée ;

Sur la réparation :

Considérant, d'une part, qu'en raison des désordres affectant la station de pompage, le syndicat intercommunal a dû, pour continuer à assurer, du 9 décembre 1994 au 17 mars 1995, l'alimentation en eau des usagers du service, s'approvisionner auprès d'un autre fournisseur à un prix supérieur au coût de sa propre production ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce surcoût, établi à la somme de 598 661,95 F (91 265,43 euros), ait été répercuté sur l'usager ; que c'est, dès lors, à bon droit que le tribunal, a mis à la charge de la société SEIT l'intégralité du préjudice d'exploitation supporté par le maître de l'ouvrage ;

Considérant, d'autre part, que, pour fixer le coût de réparation de la pompe, le tribunal administratif a tenu compte de la plus-value découlant des caractéristiques de la nouvelle pompe, en réduisant de plus de 30 % le montant de l'indemnisation réclamée ; que si, en appel, la société SEIT demande de limiter, dans des proportions notables, la charge de ce chef d'indemnisation, elle n'apporte aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de sa demande ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SEIT n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le syndicat intercommunal des eaux de Seingbouse, qui n'est pas, dans la présente, instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société SEIT la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société SEIT à verser au syndicat intercommunal des eaux de Seingbouse, une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE ELECTROHYDRAULIQUE INDUSTRIELLE ET TELECOMMANDES (SEIT) est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE ELECTROHYDRAULIQUE INDUSTRIELLE ET TELECOMMANDES versera au syndicat intercommunal des eaux de Seingbouse la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société KSB-Pompes Guinard est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE ELECTROHYDRAULIQUE INDUSTRIELLE ET TELECOMMANDES, au syndicat intercommunal des eaux de Seingbouse et à la Sté KSB-Pompes Guinard.

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N° 99NC02273


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99NC02273
Date de la décision : 06/12/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés GILTARD
Rapporteur ?: Mme Marie GUICHAOUA
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : FRIDMANIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-12-06;99nc02273 ?
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