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15/11/2004 | FRANCE | N°99NC02440

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 15 novembre 2004, 99NC02440


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 décembre 1999 sous le n° 99NC02440, complétée par mémoires enregistrés les 15 mai 2000, 14 mai 2001 et 14 juin 2002, présentée pour la commune de VALLEROY par la SCP d'avocats Wizenberg-Cohen-Seat-Grinsnir-Peru-Taieb-Pichavant-Chetrit ;

La commune demande à la Cour :

1°) de réformer, en tant qu'il rejette une partie de ses conclusions, le jugement en date du

5 octobre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a condamné solidairement

M. X et la société Brodevani-Brugnola à lui verser

une somme de 313 000 F H.T. en réparation de désordres ayant affecté le gymnase municip...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 décembre 1999 sous le n° 99NC02440, complétée par mémoires enregistrés les 15 mai 2000, 14 mai 2001 et 14 juin 2002, présentée pour la commune de VALLEROY par la SCP d'avocats Wizenberg-Cohen-Seat-Grinsnir-Peru-Taieb-Pichavant-Chetrit ;

La commune demande à la Cour :

1°) de réformer, en tant qu'il rejette une partie de ses conclusions, le jugement en date du

5 octobre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a condamné solidairement

M. X et la société Brodevani-Brugnola à lui verser une somme de 313 000 F H.T. en réparation de désordres ayant affecté le gymnase municipal ;

2°) de condamner solidairement la SARL Brodevani-Brugnola, M. X et l'APAVE au paiement d'une somme de 158 516,64 F au titre des désordres affectant la toiture et le pignon sud ;

3°) de condamner solidairement la société S.E.E.P. Chardard, M. X et l'APAVE au paiement de la somme de 108 781,20 F au titre des désordres survenus sur le bardage ;

4°) de majorer ces condamnations du montant des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la requête et d'accorder la capitalisation des intérêts ayant couru depuis l'introduction de l'instance ;

5°) de condamner solidairement les défendeurs au paiement des frais de l'expertise diligentée par M. Y, ainsi qu'au paiement de la somme de 30 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Elle soutient que :

- l'architecte a manqué à son devoir de conseil pour ce qui concerne la réalisation du bardage ; il a également commis une erreur de conception par le choix d'une couleur qui a aggravé le phénomène de dilatation ;

- s'agissant du pignon sud, la responsabilité de l'entreprise est engagée sur le terrain de la faute dolosive, compte-tenu de l'importance et de la nature des manquements constatés et subsidiairement, sur le terrain de la responsabilité contractuelle de droit commun ; celle de l'architecte et du bureau de contrôle le sont également ;

- la procédure de redressement judiciaire dont fait l'objet la société Chardard ne fait pas obstacle à ce que le juge administratif examine si la personne publique demanderesse a droit à réparation et de fixer le montant de l'indemnisation qui lui est due ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré au greffe le 15 mars 2000, le mémoire en défense présenté pour le centre technique national et international (CETEN) des APAVE, par la SCP d'avocats

Guy-Vienot-Bryden ; le CETEN APAVE conclut :

- au rejet de la requête,

- très subsidiairement, à la condamnation de l'architecte et des entreprises ayant réalisé les travaux litigieux à le garantir de toute condamnation prononcée le cas échéant à son encontre ;

- à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en tant qu'elle concerne la réparation des désordres relatifs au bardage ;

- la commune ne saurait, s'agissant de la fissuration du pignon sud, invoquer un manquement à une obligation contractuelle ;

- la responsabilité du contrôle technique ne peut être assimilée à celle d'un constructeur ; au cas particulier, il a normalement rempli la mission et les obligations lui incombant et n'a commis aucune faute ;

- si une faute éventuelle devait être retenue à son encontre, elle ne saurait être de même nature que celles commises par les intervenants, ce qui exclut toute condamnation solidaire ;

Vu, enregistré le 19 juillet 2000, le mémoire en défense présenté pour M. X par la SCP d'avocats Hocquet-Gasse-Carnel ; M. X conclut :

- au rejet de la requête ;

- subsidiairement, à la condamnation des entreprises Brodevani et Chardard à le garantir de toute condamnation prononcée le cas échéant à son encontre ;

Il soutient que :

- les désordres affectant le bardage ne présentent pas un caractère de gravité suffisant pour engager la responsabilité décennale des constructeurs, seule susceptible d'être recherchée dès lors que la réception de l'ouvrage a été prononcée ;

- il en va de même de la fissuration du pignon sud ;

- l'expert a reconnu qu'il avait parfaitement mené sa mission d'architecture durant tout le chantier ;

Vu, en date du 29 septembre 2004, la lettre du président de la Cour informant les parties, en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative que la décision de la Cour était susceptible d'être partiellement fondée sur un moyen relevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2004 :

- le rapport de Mme Guichaoua, premier conseiller,

- les observations de Me Deniau, pour la SCP Guy-Vienot-Bryden,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite de désordres survenus dans le gymnase municipal, la commune de VALLEROY a engagé une action en responsabilité contre M. X, architecte, le Centre technique régional et international des APAVE et différents entrepreneurs ; que, par un jugement rendu le 5 octobre 1999, le Tribunal administratif de Nancy a condamné solidairement M.X et la société Brodevani-Brugnola, chargée du gros oeuvre, à verser à la commune, sur le fondement de la garantie décennale, la somme de 313.000 F HT, majorée des intérêts légaux à compter du

27 avril 1997, à raison des désordres affectant les vestiaires et les sanitaires ; que la commune de VALLEROY fait appel du jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la réparation des désordres qui affectent le bardage et le pignon sud du gymnase municipal ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de la SARL Brodevani-Brugnola, de la société SEEP Chardard et du Centre technique national et international des APAVE :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que la réception du gymnase a eu lieu le 27 septembre 1991 sans qu'il soit établi que des réserves en lien avec le présent litige aient été émises ; que l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement a mis fin aux rapports contractuels qui liaient la commune aux entreprises ; que, dès lors, la commune de VALLEROY n'est pas fondée à rechercher la responsabilité des entreprises Brodevani-Brugnola et SEEP Chardard à laquelle avait été confié le bardage, à raison de manquements à leurs obligations contractuelles ; qu'elle ne saurait, pour les mêmes motifs, rechercher la responsabilité contractuelle du Centre technique national et international de l'APAVE qui avait pour mission de contrôler la solidité des ouvrages et la sécurité des personnes ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la fissure survenue sur le pignon sud au dessus de la porte d'entrée du gymnase, qui a pour origine un défaut de chaînage en tête de voile et de mise en place de treillis soudé dans l'épaisseur de ce voile, n'a pas affecté la solidité de l'ouvrage ; que les manquements reprochés à l'entreprise Brodevani-Brugnola dont il n'est ni établi ni même allégué qu'elle ait sciemment cherché à porter préjudice au maître d'ouvrage, ne peuvent être regardés comme présentant le caractère d'une faute assimilable par sa nature ou sa gravité à une fraude ou un dol ; que, par suite, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de ce constructeur doit être engagée sur ce fondement ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de M. X :

Considérant qu'en admettant même que M. X ne se soit pas assuré du respect par l'entreprise Brodevani-Brugnola des plans d'exécution du pignon sud, l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement qui met fin, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aux relations contractuelles entre le maître d'ouvrage et les constructeurs, fait obstacle à ce que la responsabilité de l'architecte soit recherchée à raison des manquements qu'il aurait pu commettre dans le contrôle de l'exécution des travaux ;

Mais considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres affectant le bardage extérieur proviennent, d'une part, de ce que la couleur prévue, préconisée par l'architecte, a contribué à aggraver le phénomène de dilatation, d'autre part, de ce que le procédé utilisé a été posé dans le sens horizontal, contrairement aux spécifications du dossier technique du fournisseur, sans système permettant la dilatation ; qu'il appartenait à l'architecte, en vertu de ses devoirs d'assistance et de conseil, d'appeler l'attention du maître de l'ouvrage sur ce vice de construction, qu'il ne pouvait manquer de connaître, de nature à faire obstacle à ce que la réception de l'ouvrage soit prononcée sans réserve ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. X ait signalé à la commune, lors des opérations de réception de l'ouvrage, la pose non conforme du bardage ; que, dans ces conditions, la responsabilité de l'architecte se trouve engagée alors même que la réception du gymnase est intervenue ; qu'il en résulte que la commune de VALLEROY est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de M. X , à raison des désordres susmentionnés ;

Sur la réparation :

Considérant qu'il n'est pas contesté que le coût de reprise du bardage s'établit à la somme de 12.500,82 euros hors taxes ; que, si la commune à qui incombe la charge d'apporter tous éléments de nature à déterminer avec exactitude le montant de son préjudice, demande l'application à ce montant d'une majoration de 10 %, elle n'apporte aucune précision sur la justification d'une telle demande ; que, par ailleurs, et en admettant même que la demande de condamnation fixée, dans les conclusions, à 16.583,59 euros (108.781,20 F), englobe le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, la requérante n'établit pas qu'elle n'est pas susceptible, à la date normale d'évaluation du préjudice, de déduire ou de se faire rembourser ladite taxe ; que, pour ces motifs, l'indemnité que M. X est condamné à verser à la commune de VALLEROY doit être fixée à la somme de 12.500,82 euros ;

Sur l'appel en garantie des entreprises Brodevani et Chardard par M. X :

Considérant que l'architecte, dont la responsabilité contractuelle est engagé à l'égard de la commune de VALLEROY en raison de la faute commise dans son devoir de conseil, n'établit pas que les entreprises Brodevani et Chardard aient commis une faute à son encontre ; que, dès lors, son appel en garantie n'est pas fondé ;

Sur les dépens :

Considérant que dans son jugement, le Tribunal administratif a condamné solidairement

M. X et la société Brodevani-Brugnola à payer solidairement les dépens de l'instance, comprenant les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 8.145,35 euros (53.430,02 F ) ; que la demande de la commune tendant à la condamnation de l'architecte et des entrepreneurs au paiement des dépens est sans objet ;

Sur les intérêts :

Considérant que la commune de VALLEROY a droit aux intérêts de la somme de 12.500,82 euros à compter du 29 avril 1997, date d'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Nancy ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois, devant le Tribunal administratif de Nancy, le 14 mai 1999 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L .761-1 du code de justice administrative :

Considérant d'une part qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner M. X à verser à la commune de VALLEROY la somme de 1000 euros ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner la commune à verser au Centre technique national et international des APAVE la somme de 1000 euros ;

D É C I D E :

Article 1er : M. X est condamné à verser à la commune de VALLEROY une somme supplémentaire de 12.500,82 euros hors taxes (douze mille cinq cents euros quatre vingt deux centimes), assortie des intérêts, au taux légal, à compter du 29 avril 1997. Les intérêts échus le

14 mai 1999, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du 5 octobre 1999 du Tribunal administratif de Nancy est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : M. X versera à la commune de VALLEROY la somme de 1000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune de VALLEROY versera une somme d'un même montant au Centre technique national et international des APAVE, en application des mêmes dispositions.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de VALLEROY, à M. X, à la société SEEP Chardard, à la société Brodevani-Brugnola et au centre technique national et international des APAVE.

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N°99NC02440


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99NC02440
Date de la décision : 15/11/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés GILTARD
Rapporteur ?: Mme Marie GUICHAOUA
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : GROUPEMENT D'AVOCATS INTERDICIPLINAIRES ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-11-15;99nc02440 ?
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