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21/10/2004 | FRANCE | N°99NC00438

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ere chambre - formation a 3, 21 octobre 2004, 99NC00438


Vu la requête, enregistrée le 24 février 1999, complétée par un mémoire enregistré le 25 juin 1999, présentée pour Mme Nathalie X, élisant domicile ... par la SCP Gandar Zelus Paté, avocats ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98895 du 22 décembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 6 mars 1998 par laquelle le ministre de l'emploi et de la solidarité a accordé à la société Bongrain-Gérard l'autorisation de la licencier pour motifs économiques et l'

a condamnée à verser à l'Etat une somme de 5 000 francs au titre de l'article ...

Vu la requête, enregistrée le 24 février 1999, complétée par un mémoire enregistré le 25 juin 1999, présentée pour Mme Nathalie X, élisant domicile ... par la SCP Gandar Zelus Paté, avocats ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98895 du 22 décembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 6 mars 1998 par laquelle le ministre de l'emploi et de la solidarité a accordé à la société Bongrain-Gérard l'autorisation de la licencier pour motifs économiques et l'a condamnée à verser à l'Etat une somme de 5 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de condamner la société Bongrain-Gérard à lui verser une somme de 8 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté, sans le motiver, le moyen tiré de l'illégalité de la décision de l'administration en estimant que l'employeur pouvait se dispenser de l'autorisation de l'inspecteur du travail pour procéder à la modification de son contrat de travail ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'employeur n'avait pas méconnu son obligation de reclassement alors que la société Bongrain-Gérard devait proposer le reclassement de Mme X avant de procéder à la modification de son contrat de travail et que l'employeur ne justifie d'aucune recherche sérieuse de reclassement au sein de l'entreprise d'Illoud qui appartient au même groupe que la société Bongrain-Gérard ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé sans motiver leur décision que la mesure de licenciement n'avait pas de caractère discriminatoire ;

- la société Bongrain-Gérard a méconnu les dispositions de l'article L. 321-1-1 du code du travail en ne respectant pas l'ordre des licenciements ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 avril 1999 présenté pour le ministre de l'emploi et de la solidarité ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé dans la mesure où, aucune disposition du code du travail ne donne compétence à l'inspecteur du travail pour autoriser ou refuser les modifications des contrats de travail des représentants du personnel, que la proposition de trois offres de reclassement au sein de l'entreprise dispensait l'employeur de rechercher une possibilité de reclasser Mme X au sein des autres entreprises du groupe, que l'autorité administrative n'est pas compétente pour contrôler le respect de l'ordre des licenciements ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 avril 1999, présenté pour la société Bongrain-Gérard, représentée par Me Montaut, avocat ; la société Bongrain-Gérard conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme X à lui verser la somme de 5 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance du président de la première chambre de la Cour du 4 mai 2004, fixant au 24 mai 2004 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2004 :

- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, premier conseiller,

- les observations de Me Paté, avocat de Mme X,

- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par courrier en date du 19 août 1997, la société Bongrain-Gérard a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier Mme X, employée dans son établissement du Tholy (Vosges) et membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail depuis le 29 mai 1997, au motif que le poste d'assistante au responsable laboratoire qu'elle occupait depuis le 1er mars 1997 était supprimé du fait de l'évolution des techniques d'analyse utilisées dans l'entreprise ; qu'à la suite du refus de l'inspecteur du travail de délivrer l'autorisation de licenciement sollicitée, le ministre de l'emploi et de la solidarité, saisi d'un recours hiérarchique de l'employeur, a, par une décision en date du 6 mars 1998, autorisé le licenciement de Mme X ; que, par la présente requête, Mme X demande à la Cour d'annuler le jugement par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à obtenir l'annulation de la décision du ministre ;

Sur la légalité de la décision du ministre :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance par l'employeur de son obligation de soumettre la modification du contrat de travail de Mme X à l'autorisation de l'inspecteur du travail :

Considérant que si aucune modification de son contrat de travail ni aucun changement dans ses conditions de travail ne peuvent être imposés à un salarié et s'il appartient, le cas échéant, à l'employeur, lorsque le salarié refuse une telle modification, soit d'y renoncer, soit de le licencier, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'employeur de soumettre la modification du contrat de travail proposée à un salarié protégé au titre de son reclassement pour motif économique à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail ; que, dès lors, Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la société Bongrain-Gérard n'a pas soumis la modification de son contrat de travail, qui lui avait été proposée à la suite de la suppression de son poste, à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance par l'employeur de son obligation de reclassement :

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 236-11 et L. 436-1 du code du travail, les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail bénéficient d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ;

Considérant que l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur en cas de licenciement pour motif économique le contraint à rechercher les possibilités d'emploi du salarié protégé dans des fonctions comparables à celles qu'il occupait en priorité au sein de l'entreprise ou, à défaut, parmi les autres établissements de l'entreprise, puis enfin au sein des autres sociétés du groupe auquel appartient l'entreprise dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation du salarié protégé concerné ; que, toutefois, le refus du salarié d'accepter les propositions de reclassement interne qui lui ont été faites dans ces conditions, n'oblige pas l'employeur à poursuivre les tentatives de reclassement de ce salarié auprès des autres établissements de l'entreprise ou des autres sociétés du groupe ;

Considérant que Mme X occupait un emploi d'assistante au chef de service du laboratoire à raison de 4 jours par semaine ; qu'il ressort des pièces du dossier que la société Bongrain-Gérard a proposé, le 25 juin 1997, à Mme X un reclassement au sein de l'entreprise où elle était employée dans un emploi de laborantine, à raison de 30 heures par semaine en moyenne annuelle, avec maintien de sa rémunération, de son statut et de son coefficient ; que dans ces conditions, l'emploi proposé, qui correspond aux qualifications de l'intéressée, doit être regardé comme comparable à celui qu'elle occupait précédemment et comme n'entraînant pas une modification substantielle de son contrat de travail ; que, dès lors, le ministre de l'emploi et de la solidarité a fait une exacte application des dispositions précitées en estimant que l'entreprise Bongrain-Gérard avait satisfait à ses obligations de reclassement sans avoir à rechercher un autre emploi comparable au sein de l'ensemble des établissements de la société et, Mme X ayant refusé le poste proposé, en autorisant son licenciement ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la discrimination :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de licenciement de Mme X ait été en rapport avec sa qualité de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 321-1-1 du code du travail :

Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 321-1-1 du code du travail, relatives à la fixation des critères de l'ordre des licenciements ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel était suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à obtenir l'annulation de la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 6 mars 1998 autorisant son licenciement ;

Sur les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, font obstacle à ce que la société Bongrain-Gérard qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à Mme X quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner Mme X à payer à la société Bongrain-Gérard la somme de 750 euros qu'elle réclame au titre des frais exposés par celle-ci en appel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Mme X versera à la société Bongrain-Gérard la somme de sept cent cinquante euros (750 €) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nathalie DIEUDONNÉ, à la société Bongrain-Gérard et au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

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N° 99NC00438


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99NC00438
Date de la décision : 21/10/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : PATE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-10-21;99nc00438 ?
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