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07/10/2004 | FRANCE | N°00NC01047

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 07 octobre 2004, 00NC01047


Vu le recours, enregistré le 14 août 2000, présentée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; Le ministre demande à la Cour :

1° - d'annuler le jugement n° 981716 du 11 avril 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a accordé à la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle, la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés, auxquels elle a été assujettie, au titre des exercices 1991 et 1992 ;

2° - de remettre ces impositions à la charge de la contribuable ;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'I

NDUSTRIE soutient que :

- la renonciation de la chambre de commerce et d'industrie...

Vu le recours, enregistré le 14 août 2000, présentée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; Le ministre demande à la Cour :

1° - d'annuler le jugement n° 981716 du 11 avril 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a accordé à la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle, la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés, auxquels elle a été assujettie, au titre des exercices 1991 et 1992 ;

2° - de remettre ces impositions à la charge de la contribuable ;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE soutient que :

- la renonciation de la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle à percevoir des loyers du CESA, pour les locaux loués à ce dernier caractérise un acte anormal de gestion, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif ;

- il ne pouvait pas y avoir de compensation entre l'impôt sur les sociétés dû au taux normal, et celui dû selon un régime spécifique, au taux de 24 % ;

- la CCI a reporté les amortissements réputés différés au bilan de clôture de 1992, à hauteur de 1 585 459 F, au lieu du montant de 8 641 020 F, mentionné au bilan de clôture de 1991 ; la différence qui ressort, compte tenu des ARD créés en 1992, à 7 055 061 F, correspond exactement à une subvention pour investissement réintégrée par la contribuable dans ses résultats de l'exercice 1992 comme elle pouvait y procéder, en application de l'article 42 septies du code général des impôts ; le vérificateur pouvait opposer à la CCI cette décision de gestion et c'est à tort que le tribunal administratif, qui fait en outre erreur sur la charge de la preuve, a admis que la CCI pouvait prétendre à rectifier une simple erreur comptable, sur ce point ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré au greffe le 12 décembre 2000, le mémoire en défense présenté pour la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle, dont le siège social est ... par Me Robert X..., avocat au barreau de Nancy ; elle conclut au rejet du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Elle soutient que :

- la renonciation à percevoir des loyers du CESA, en raison de difficultés conjoncturelles avérées, ne constitue pas un acte anormal de gestion, et l'administration méconnaît ses propres instructions à ce sujet, en particulier la documentation de base 3D1524 paragraphe 42 ; elle ne saurait, en outre, s'immiscer dans la gestion de la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle, seule juge de l'opportunité de ses investissements ;

- la compensation opérée par le tribunal administratif est conforme aux dispositions régissant l'impôt sur les sociétés, qui ne prévoient pas de sectorisation dans les activités imposables ;

- la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle n'a jamais eu l'intention de réintégrer une subvention d'équipement, d'ailleurs non perçue, au cours de l'exercice 1992, et a seulement entendu corriger une erreur comptable, commise dans le report des amortissements réputés différés ; le redressement du service n'est pas motivé en ce qui concerne le report du déficit de 1991 et repose sur une interprétation erronée de l'option offerte par l'article 42 septies du code général des impôts, précisée par l'instruction 4A-6-98 du 10 avril 1998 ;

Vu la note en délibéra, enregistrée au greffe le 21 septembre 2004 présentée pour la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2004 :

- le rapport de M. Bathie, premier conseiller,

- les observations de Me Favre, avocat de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Meurthe-et-Moselle,

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Sur l'acte anormal de gestion :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle a construit, dans l'enceinte de l'aéroport de Nancy-Essey, dont elle assure la gestion, des locaux qu'elle a loués au centre d'études supérieures d'aéronautiques (CESA), afin que ce dernier assume sa mission de formation à des professions liées à la navigation aérienne ; qu'en raison de difficultés conjoncturelles atteignant les activités de l'aviation civile, plusieurs loyers dus par le CESA sont demeurés impayés ; que la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle, a renoncé à percevoir ses créances, cette décision étant concrétisée par des avoirs ou des charges exceptionnelles ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a réintégré ces loyers dans les résultats des exercices clos en 1991 et 1992, après avoir considéré leur abandon comme un acte anormal de gestion ;

Considérant que la renonciation, par un propriétaire, à percevoir les loyers qui lui sont dus, constitue par lui-même, un acte anormal de gestion, sauf si l'intéressé peut établir son intérêt propre à avoir consenti une remise de dette à son locataire ; que la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle n'établit pas son intérêt commercial à l'abandon des loyers litigieux, en invoquant la baisse des activités du CESA, et sa qualité de membre de cette association ; qu'il n'est pas contesté qu'elle n'a ni engagé de procédures appropriées pour percevoir ses créances, ni cherché à réexaminer le montant des loyers ; que la contribuable ne peut utilement invoquer le paragraphe 42 de l'instruction 3D1542 relative aux collectivités locales qui ... consentent des locations à des prix très faibles notamment... à des associations..., et qui concerne, en tout état de cause, le problème distinct, de la déduction de la taxe afférente aux immeubles loués sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il résulte de ce qui précède que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'acte anormal de gestion qu'elle invoque ; que c'est par suite, à tort, que le tribunal administratif a accordé à la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle la décharge des suppléments d'impositions correspondant à ce chef de redressement ;

Sur les amortissements réputés différés :

Considérant que, conformément à une faculté offerte aux entreprises par les articles 39-1-2e et 39B, 2e alinéa du code général des impôts, la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle avait déclaré des amortissements réputés différés en période déficitaire, (ARD) dont le montant s'élevait selon les constats du vérificateur à 8 641 020 F, à la clôture de l'exercice 1991 ; que, toutefois, le montant déclaré à la clôture de l'exercice 1992, atteignait seulement 1 760 053 F, laissant apparaître une discordance, ressortant exactement, compte tenu des ARD à hauteur de 174 594 F créés en 1992, à 7 055 061 F ; que la contribuable, à laquelle il incombe de justifier ses écritures comptables, a constamment invoqué une erreur matérielle sur ce point dont elle a sollicité la correction devant le juge ; qu'elle n'établit pas, toutefois, que cette différence de montants entre les bilans d'ouverture et de clôture de l'exercice, dont l'importance en valeur absolue ne pouvait échapper aux autorités compétentes pour suivre l'élaboration et l'exécution des budgets de l'établissement public, résulterait d'une simple erreur comptable, non décelée à l'époque des faits ; que l'administration était fondée, d'après ce constat d'une divergence, sans explication plausible, entre les écritures susmentionnées, à réintégrer en conséquence le montant non justifié de ces ARD dans les résultats de l'exercice 1992 ; que la contribuable ne peut alléguer une absence de motivation du service sur le déficit reportable de l'exercice 1991, ou sur les conditions d'une éventuelle mise en oeuvre de l'article 42 septies du code général des impôts, précisé par une instruction 4A-6-98, dès lors que la charge de la preuve du bien-fondé de ces opérations comptables ne lui incombait pas ; qu'il résulte de ces éléments que c'est également à tort que les premiers juges ont accordé à la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle la décharge des impositions correspondant à cet autre chef de redressement ;

Sur la compensation demandée par la contribuable :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ; que l'article L. 205 du même livre précise : Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue un redressement lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque le redressement fait apparaître une double imposition ;

Considérant que, sur le fondement de ces dispositions combinées la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle a sollicité une compensation entre les suppléments d'impôt induits par les locations d'immeubles bâtis, soumis à un taux spécifique de 24 %, en vertu de l'article 206.5-a du code général des impôts, et les déficits constatés dans ses autres secteurs d'activités, relevant du régime de droit commun de l'impôt sur les sociétés ; qu'il est constant que la compensation sollicitée concerne une seule contribuable, et s'applique au même impôt et sur une période identique ; que dès lors, et nonobstant la circonstance, relevée par le ministre, que les activités imposables étaient soumises à des régimes différents, la contribuable était fondée à obtenir cette compensation conformément aux articles L. 203 et L. 205 précités ;

Considérant qu'il résulte de tout de qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a accordé à la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle la décharge des impositions en litige, correspondant aux deux chefs de redressement susanalysés ;

DECIDE :

Article 1er : Pour le calcul des bases de l'impôt sur les sociétés auquel la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle a été assujettie au titre des exercices 1991 et 1992, les loyers qu'elle a renoncés à percevoir du CESA, sont réintégrés dans ses résultats pour des montants respectifs de 54 163 euros (355 286 F) et de 150 592,49 euros (987 822 F). Au titre de l'exercice 1992, le montant des amortissements réputés différés est rehaussé d'une somme de 1 075 613,30 euros (7 055 561 F).

Article 2 : Les résultats du secteur des produits financiers imposables au taux de 24 % seront compensés avec les bénéfices imposables au taux de droit commun, au titre des mêmes exercices.

Article 3 : Les suppléments d'impôt sur les sociétés résultant des corrections de bases définies aux articles 1 et 2 ci-dessus, sont remis à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle.

Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 5 : Le jugement du 11 avril 2000 du Tribunal administratif de Nancy est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Meurthe-et-Moselle.

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N° 00NC01047


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00NC01047
Date de la décision : 07/10/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LUZI
Rapporteur ?: M. Henri BATHIE
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-10-07;00nc01047 ?
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