Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 29 mars 2000 sous le n°00NC00451, complétée par les mémoires enregistrés les 14 août 2000, 28 août 2000 et 23 octobre 2000, présentée pour Mme Marie-Claire Y, demeurant ..., Mme Chantal Z, demeurant ... et M. Daniel A, demeurant ..., par Me Gérard Alexandre, avocat ;
Mme Y et autres demandent à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement en date du 10 février 2000 par lequel le Tribunal administratif de Besançon, d'une part, a annulé l'arrêté en date du 17 novembre 1999 du préfet du Doubs rejetant la demande de licence de M. Rédouane X, présentée par la voie dérogatoire, pour l'ouverture d'une officine à Etalans, d'autre part, a enjoint à l'Etat d'accorder à M. X l'autorisation de créer une officine de pharmacie à Etalans dans un délai de deux mois, sous astreinte de 2 000 F par jour de retard ;
2°) - de condamner M. X au paiement de la somme de 25 000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif a annulé l'arrêté du 17 novembre 1999 au motif que le préfet du Doubs avait méconnu l'autorité de la chose jugée alors que l'autorité administrative doit apprécier la situation au jour où elle statue et conserve le droit de faire état de circonstances nouvelles, que le jugement du 10 juin 1999 était frappé d'appel, que les chiffres du recensement 1999 permettaient d'obtenir une nouvelle évaluation de la population ;
- le Tribunal administratif n'a pas évoqué la condition de la nécessité de la santé publique ;
- subsidiairement, le préfet a pu considérer que la condition légale d'une nécessité pour les besoins de la santé publique n'existait pas ce qui justifiait le refus ;
- le Tribunal ne pouvait enjoindre au préfet d'accorder l'autorisation sollicitée sans avoir à examiner la situation au jour de son arrêté ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 30 juin 2000, 3 janvier 2001, 18 mai 2001, 18 mars 2002 et 20 mars 2002, présentés par M. Rédouane X, demeurant ... ;
M. X conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants au paiement d'une somme de 25 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
Vu l'ordonnance du Président de la chambre portant la date de clôture de l'instruction au 22 mars 2002
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2004 :
- le rapport de M. WALLERICH, Conseiller,
- les observations de Me BON, du cabinet ALEXANDRE-LEVY-KAHN, avocat des demandeurs, et de M. ,
- et les conclusions de Mme SEGURA-JEAN, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 571 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : ... Si les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière l'exigent, des dérogations à ces règles peuvent être accordées par le préfet après avis motivé du directeur régional des affaires sanitaires et sociales, du pharmacien inspecteur régional de la santé, du conseil régional de l'ordre des pharmaciens et des syndicats professionnels. / Les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière mentionnés à l'alinéa précédent sont appréciés au regard, notamment, de l'importance de la population concernée, des conditions d'accès aux officines les plus proches et de la population que celles-ci resteraient appelées à desservir. Le préfet précise, dans sa décision, les populations prises en compte pour l'octroi des licences ;
Considérant que, par jugement du 10 juin 1999, le Tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 26 octobre 1998 par lequel le préfet du Doubs avait refusé à M. Redouane X l'autorisation d'ouvrir, par voie dérogatoire, une officine de pharmacie à Etalans, au motif que le préfet avait fait une inexacte appréciation des besoins de la population prévus par les dispositions précitées de l'article L. 571 du code de la santé publique ; qu'à la suite de ce jugement, il appartenait au préfet de statuer à nouveau sur la demande de M. X au vu des circonstances de fait et de droit existant à la date de sa nouvelle décision ;
Considérant que, par arrêté du 17 novembre 1999, le préfet du Doubs a, à nouveau, rejeté la demande de M. X, estimant, en prenant en compte les chiffres provisoires du recensement de 1999, alors que le tribunal administratif s'était fondé sur le recensement de 1990, que la population susceptible d'être desservie par l'officine de pharmacie dont l'ouverture était demandée par M. X ne pouvait être supérieure aux 2 000 habitants prévus par l'article L. 571 du code de la santé publique et qu'aucune circonstance spécifique exceptionnelle ou urgente ne permettait d'envisager l'octroi d'une licence par voie dérogatoire et que cet octroi ne faisait qu'apporter une commodité supplémentaire ; qu'il n'établit pas ainsi, par un motif qui n'est d'ailleurs pas au nombre de ceux qui permet légalement de justifier une décision sur le fondement des dispositions de l'article L. 571 du code de la santé publique, un changement de fait dans l'appréciation des besoins réels de la population tels que prévus par ces dispositions, entre le 26 octobre 1998 et le 17 novembre 1999 ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal
administratif de Besançon a, dans le jugement attaqué, jugé que le préfet ne pouvait opposer un nouveau refus à M. X sans méconnaître l'autorité de la chose jugée qui s'attache à son précédent jugement du 10 juin 1999 ;
Considérant toutefois que les requérants soutiennent que, dans son jugement du 10 juin 1999, le tribunal administratif s'est fondé exclusivement sur l'importance de la population sans prendre en compte la condition liée aux nécessités de la santé publique et que le préfet pouvait dès lors justifier son nouveau refus par ce motif tiré de la nécessité de santé publique, qui n'était pas revêtu de l'autorité de la chose jugée ; qu'en jugeant que le préfet avait fait une inexacte appréciation des besoins de la population en refusant d'accorder à M. X l'autorisation d'ouvrir, à titre dérogatoire, une officine de pharmacie à Etalans, le tribunal administratif a, dans son jugement du 10 juin 1999, apprécié ces besoins de la population par rapport à la nécessité d'un approvisionnement satisfaisant en médicaments ; qu'ainsi, il ne saurait être soutenu que le motif retenu par le préfet et tiré de ce que l'octroi d'une autorisation dérogatoire à M. X ne ferait qu'apporter une commodité supplémentaire est distinct des motifs du jugement du 10 juin 1999, revêtus de l'autorité de la chose jugée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé pour méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, l'arrêté précité du 17 novembre 1999 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonctions :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'en enjoignant au préfet du Doubs d'accorder l'autorisation sollicitée dans un délai de deux mois, les premiers juges n'ont pas tenu compte de l'évolution de la situation de droit et de fait à la date du prononcé de leur jugement ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le juge ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme Z, Mme Y et M. A doivent dès lors être rejetées ;
Considérant qu'il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner les requérants à verser à M. X la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête présentée par Mme Marie-Claire Y, Mme Chantal Z et M. Daniel A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. Rédouane X tendant à la condamnation des requérants sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Claire Y, Mme Chantal Z, M. Daniel A, M. Rédouane et au ministre de la santé et de la protection sociale.
Code : C +
Plan de classement : 55-03-04-01-01-02
54-06-06-01-02
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