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27/05/2004 | FRANCE | N°99NC01942

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 27 mai 2004, 99NC01942


Vu la requête, enregistrée le 18 août 1999 sous le n° 99NC1942 au greffe de la Cour, complétée par mémoire enregistré le 13 août 2001, présentée pour LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE THIONVILLE, dont le siège est 2 allée Bel-Air B.P. 351 à Thionville Cedex (57315), par Me Jemoli, avocat ;

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE THIONVILLE demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement n° 973201 du 11 juillet 1999 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur sa demande tendant à la condamnation du

centre hospitalier de Metz-Thionville à lui verser une somme de 5 000 F au titr...

Vu la requête, enregistrée le 18 août 1999 sous le n° 99NC1942 au greffe de la Cour, complétée par mémoire enregistré le 13 août 2001, présentée pour LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE THIONVILLE, dont le siège est 2 allée Bel-Air B.P. 351 à Thionville Cedex (57315), par Me Jemoli, avocat ;

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE THIONVILLE demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement n° 973201 du 11 juillet 1999 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Metz-Thionville à lui verser une somme de 5 000 F au titre des frais de gestion en application des dispositions des alinéas 5 et 6 de l'article 376-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) - de condamner le centre hospitalier régional à lui payer la somme de 5 000 F avec intérêts de droit à compter du 22 mai 1998 date de sa demande ;

3°) - de confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

Code : C

Plan de classement : 60-02-01-01-02

Elle soutient que :

- Le tribunal administratif, ayant admis sa compétence pour statuer sur la question principale, devait admettre sa compétence pour se prononcer sur la question accessoire de l'indemnité prévue par l'alinéa 5 de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 avril 2000, présenté par Me Jung Jean-Louis, avocat, pour le centre hospitalier régional de Metz-Thionville ;

Le centre hospitalier demande la jonction de la requête avec la requête 99NC02192 présentée par Mme X ;

Il demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement en date du 11 juillet 1999 du Tribunal administratif de Strasbourg ;

II - Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 1999 sous le n° 99NC02192 au greffe de la Cour, complétée par mémoire enregistré le 23 janvier 2001, présentée pour Mme Sylvie X, demeurant ..., par Me Pierre Blazy, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement n° 973201 du 11 juillet 1999 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui verser une indemnité de 1 000 000 F en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C lors d'une transfusion pratiquée dans cet établissement ;

2°) - de condamner le centre hospitalier régional à lui verser la somme de 1 000 000 F ;

3°) - de condamner le même centre hospitalier à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient que :

- elle a subi d'importantes souffrances physiques et morales et un important préjudice physiologique ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er décembre 1999, présenté par Me François Jemoli, avocat, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Thionville ;

La caisse primaire d'assurance maladie n'a pas d'autres observations à formuler que celles de sa requête d'appel enregistrée sous le n° 99NC01942 ;

Vu la mise en demeure adressée le 7 avril 2000 à la SCP d'avocats Thiel Jung, en application de l'article R.612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2000, présenté par la SCP d'avocats Thiel Jung, pour le centre hospitalier régional de Metz Thionville ;

Le centre hospitalier régional demande à la Cour le rejet de la requête et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le Tribunal administratif de Strasbourg le 11 juillet 1999 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2000, présenté par la SCP d'avocats Recoules Helaine-Gayaudon, avocats associés, pour la SMBTP Maison du Bâtiment ;

La SMBTP demande à la Cour de constater l'impossibilité matérielle qu'elle a de chiffrer un préjudice futur et qu'il soit fixé, à titre provisionnel, au franc symbolique et de réformer le jugement en ce qu'il a rejeté cette demande ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2004 :

- le rapport de M. DEWULF, Premier Conseiller,

- et les conclusions de M. TREAND, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la jonction :

Considérant que Mme X a reçu, le 17 mai 1986, deux poches de concentrés de globules rouges au centre hospitalier régional de Metz-Thionville postérieurement à un accouchement ; qu'à la suite de ces transfusions, il est apparu en 1994 que Mme X était contaminée par le virus de l'hépatite C ; que, par jugement en date du 11 juillet 1999, le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à verser à Mme X la somme de 100 000 F et la somme de 19 889,89 F à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE THIONVILLE ; que, par la requête n° 99NC01942, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE relève appel dudit jugement ; que, par la requête n° 99NC02192, Mme X relève également appel du jugement ; que les requêtes susvisées ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes des dispositions du dernier alinéa de l'article L.376 du code de sécurité sociale dans sa rédaction résultant de l'article L.9-1 de l'ordonnance du 24 janvier 1996, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement de ses débours, la caisse primaire d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans la limite d'un montant maximum de 5 000 F et d'un montant minimum de 500 F. Cette indemnité est établie et recouvrée par la caisse selon les règles et sous les garanties et sanctions prévues au chapitre 3 du titre III et aux chapitres 2, 3 et 4 du titre IV du livre 1er ainsi qu'aux chapitres 3 et 4 du titre V du livre II applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale... ; que ces dispositions, qui autorisent les caisses d'assurance maladie à recouvrer l'indemnité forfaitaire auprès du tiers responsable selon les règles et sous les garanties et sanctions prévues pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale, les litiges nés de l'action en recouvrement relevant alors des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, ne font pas obstacle à ce que ces mêmes caisses, lorsqu'elles demandent, en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, à la juridiction administrative compétente de condamner le tiers responsable à leur rembourser les prestations qu'elles ont versées à la victime, assortissent leur demande de remboursement d'une demande accessoire portant sur l'indemnité forfaitaire prévue par le même article du code de la sécurité sociale ; que la juridiction administrative, statuant dans une telle hypothèse sur le remboursement des prestations versées à la victime, est compétente pour allouer à la caisse demanderesse l'indemnité prévue au cinquième alinéa de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler, dans cette mesure, le jugement en date du 11 juillet 1999 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE THIONVILLE tendant à ce que lui soit versée une somme de 5 000 F en application de l'ordonnance du 24 janvier 1996 doit être annulé, d'évoquer et de statuer sur ce moyen et par l'effet dévolutif d'examiner le surplus des demandes ;

En ce qui concerne les conclusions de Mme X :

Considérant qu'en vertu de la loi du 21 janvier 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs de produits sanguins ; qu'eu égard, tant à la mission qui leur est ainsi confiée qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ;

Considérant que Mme X a, postérieurement à son accouchement le 17 mai 1986 au centre hospitalier régional de Metz-Thionville, reçu deux poches de concentré de globules rouges ; qu'à la suite de cette transfusion, il est apparu en 1994 que Mme X était contaminée par le virus de l'hépatite C ; qu'en l'absence d'identification d'autres modes de contamination, le lien de causalité entre les transfusions administrées et la contamination de Mme X doit être tenu pour établi ; que le poste de transfusion, qui a été dans l'impossibilité de retrouver l'un des donneurs de sang, n'établit pas l'innocuité des deux unités de concentré de globules rouges qu'il a fournies ; que, dans ces conditions, il y a lieu de déclarer le centre hospitalier régional de Metz-Thionville responsable du préjudice résultant pour Mme X de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise que Mme X, mère de trois filles et âgée de 22 ans au moment des faits, a subi un préjudice physiologique modéré, un pretium doloris de 2/7, un préjudice d'agrément très modéré et un préjudice esthétique nul, ainsi que des troubles dans les conditions d'existence en raison des traitements médicaux qui lui sont désormais nécessaires et des craintes légitimes que l'intéressée peut entretenir quant à l'évolution de son état de santé ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des divers préjudices subis par Mme X en les évaluant à la somme de 40 000 € ; que, par suite, la somme allouée à Mme X par le jugement attaqué doit être portée à 40 000 € ;

En ce qui concerne les conclusions de la SMBTP :

Considérant que les premiers juges ont pu, à bon droit, rejeter les conclusions de la SMBTP dès lors que ces dernières tendent à la réparation d'un préjudice futur et éventuel qui n'est pas indemnisable ;

En ce qui concerne les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE THIONVILLE :

Considérant que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE THIONVILLE demande, en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, la condamnation du centre hospitalier régional à lui verser l'indemnité forfaitaire prévue audit article ; que le Tribunal administratif de Strasbourg ayant condamné le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à verser à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 19 889,89 F ; il y a, dès lors, lieu, ainsi qu'il vient d'être dit ci-dessus, de condamner, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à verser à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 5 000 F soit 762,25 € ; que cette somme portera intérêts à compter du 25 mai 1998 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à payer à Mme X une somme de 765 euros au titre des frais exposés par celle-ci en appel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

ARTICLE 1er : Le jugement du 11 juillet 1999 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant que le Tribunal administratif de Strasbourg s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE THIONVILLE tendant à ce que lui soit versée une somme de 5 000 F en application de l'ordonnance du 24 janvier 1996.

ARTICLE 2 : Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville versera à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE THIONVILLE la somme de 762,25 €. Cette somme portera intérêts à compter du 25 mai 1998.

ARTICLE 3 : Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville versera à Mme X la somme de 40 000 €.

ARTICLE 4 : L'article 1er du jugement du 11 juillet 1999 du Tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

ARTICLE 5 : L'appel incident de la SMBTP est rejeté.

ARTICLE 6 : Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville versera à Mme X la somme de 765 € en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

ARTICLE 7 : Le présent arrêt sera notifié à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE THIONVILLE, au centre hospitalier régional de Metz-Thionville, à l'Etablissement français du sang et à la société mutualiste du bâtiment et des travaux publics (SMBTP).

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99NC01942
Date de la décision : 27/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Robert DEWULF
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : SOCIETE THIEL JUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-05-27;99nc01942 ?
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