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27/05/2004 | FRANCE | N°98NC01488

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 27 mai 2004, 98NC01488


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 17 juillet 1998 sous le n° 98NC01488, complété par un mémoire enregistré le 27 octobre 1998, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement en date du 31 décembre 1997 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé, à la demande de M. X, la décision du 30 septembre 1993 portant retrait de l'habilitation secret-défense de l'intéressé et la décision du 3 août 1994 mutant d'office celui-ci à la direction des renseignements généraux

de Strasbourg et, d'autre part, condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 100 ...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 17 juillet 1998 sous le n° 98NC01488, complété par un mémoire enregistré le 27 octobre 1998, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement en date du 31 décembre 1997 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé, à la demande de M. X, la décision du 30 septembre 1993 portant retrait de l'habilitation secret-défense de l'intéressé et la décision du 3 août 1994 mutant d'office celui-ci à la direction des renseignements généraux de Strasbourg et, d'autre part, condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 100 000 F en réparation du dommage subi du fait de l'illégalité des deux décisions susvisées ;

2°) - de rejeter la demande présentée par M. X, devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Code : C

Plan de classement : 36-05-01-02

Il soutient que :

- le tribunal administratif a estimé à tort que le retrait de l'habilitation secret-défense n'était pas une mesure d'ordre intérieur ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le retrait de l'habilitation secret-défense devait être précédé de la communication du dossier de l'agent et que le refus de communiquer à l'agent le rapport de la DST sur le fondement duquel l'administration s'est prononcée était illégal ;

- c'est également à tort que le tribunal administratif a jugé que les décisions portant retrait de l'habilitation secret-défense de l'intéressé et le mutant d'office à la brigade de surveillance du territoire de Strasbourg n'étaient pas justifiées par l'intérêt du service mais étaient constitutives d'une sanction disciplinaire déguisée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2004 présenté pour M. X par Me Ullmann, avocat ;

M. X conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre sur la légalité du refus de communication du rapport de retrait d'habilitation secret-défense sont sans objet ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- le préjudice moral de l'intéressé est avéré ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 68-89 du 29 janvier 1968 modifié, et notamment son article 12 ;

Vu le décret n° 81-514 du 12 mai 1981 relatif à l'organisation de la protection des secrets et des informations concernant la Défense nationale et la Sûreté de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2004 :

- le rapport de M. MARTINEZ, Premier Conseiller,

- les observations de M. ,

- et les conclusions de M. TREAND, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande l'annulation du jugement en date du 31 décembre 1997 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé, à la demande de M. X, la décision du 30 septembre 1993 portant retrait de l'habilitation secret-défense de l'intéressé et la décision du 3 août 1994 mutant d'office celui-ci à la direction des renseignements généraux de Strasbourg et, d'autre part, condamné l'Etat à verser à M X une somme de 100 000 F en réparation du dommage subi du fait de l'illégalité des deux décisions susvisées ;

Sur les conclusions relatives au refus de communication du rapport préparatoire sur le fondement duquel a été pris la décision de retrait de l'habilitation secret-défense :

Considérant que si le ministre entend soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg aurait annulé le refus de communiquer à M. X le rapport préparatoire sur la base duquel a été prise la décision de retrait de l'habilitation secret-défense , il est constant que ledit tribunal n'a pas eu à statuer sur cette partie du litige dès lors que la demande de première instance présentée par l'agent tendant à l'annulation du refus de communication dudit rapport a été transmise au Tribunal administratif de Paris par ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat en date du 3 janvier 1996 ; que, par suite, les conclusions du ministre présentées devant la Cour de céans le 17 juillet 1998 sont, sur ce point, sans objet et doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions relatives à la décision du retrait de l'habilitation secret-défense en date du 30 septembre 1993 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le MINISTRE DE L'INTERIEUR à demande de M. X devant le tribunal administratif :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret susvisé du 12 mai 1981 : Nul n'est qualifié pour connaître des informations protégées s'il n'a reçu une autorisation préalable et s'il n'a été reconnu comme ayant besoin de les connaître pour l'accomplissement de sa fonction ou de sa mission. L'habilitation est donnée, à la suite d'une procédure d'habilitation définie par le premier ministre aux personnes, qui sans risque pour la Défense nationale, la sûreté de l'Etat ou leur propre sécurité, peuvent connaître ces informations. ;

Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit n'imposent que l'administration invite l'agent à s'expliquer ou à prendre connaissance de son dossier avant de prendre une décision portant refus ou retrait d'habilitation au secret-défense ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision de retrait en date du 30 septembre 1993 était une mesure prise en considération de la personne qui était irrégulière, faute d'avoir été précédée de la communication du dossier de l'agent prévue à l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, inspecteur divisionnaire de police affecté en qualité de traducteur d'allemand à la brigade de surveillance du territoire (DST) de Strasbourg, a, lors d'une bourse aux armes organisée en septembre 1993 dans les locaux appartenant à la municipalité, proposé à la vente au public, par l'intermédiaire d'un exposant, un ouvrage de propagande nazie rédigé en allemand ; qu'à la suite d'une plainte pénale déposée par le maire de la Ville de Strasbourg pour infraction à la réglementation préfectorale et incitation ou provocation à la haine raciale, une enquête préliminaire a été ouverte par le Parquet et a conduit à l'audition de M. X par les services du SRPJ de Strasbourg ; que l'intéressé a été suspendu de ses fonctions à compter du 29 septembre 1993 par arrêté du MINISTRE DE L'INTERIEUR en date du 30 septembre 1993 ; que par arrêté du 3 août 1994, le MINISTRE DE L'INTERIEUR a mis fin à sa suspension à compter du 1er septembre 1994 et l'a muté dans l'intérêt du service à la direction régionale des renseignements généraux de Strasbourg ;

Considérant que pour retirer, par décision du 30 septembre 1993, l'habilitation accordée à l'intéressé, l'autorité administrative compétente s'est fondée sur ce qu'en raison de son comportement lié à l'incident survenu lors de la bourse aux armes à Strasbourg, l'agent ne présentait plus les garanties nécessaires à l'habilitation au secret-défense ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration, qui a engagé parallèlement une procédure disciplinaire à raison de ces faits, ait entendu, par cette mesure de retrait d'habilitation, infliger une sanction disciplinaire ; que le fait que M. X n'était pas présent dans le service en raison de la mesure de suspension provisoire de fonctions dont il avait fait concomitamment l'objet ne pouvait faire obstacle à ce que l'administration se prononçât, avant l'expiration du délai de suspension, sur l'aptitude de l'agent à accéder aux informations ou documents classifiés secret-défense ; que si M. X fait état de ce que la plainte pénale a été classée sans suite en novembre 1993, que ses collègues ont adressé une pétition favorable à son retour dans le service et qu'en définitive, conformément à l'avis du conseil de discipline en date du mai 1994, aucune sanction ne lui a été infligée, ces circonstances, postérieures à la date d'édiction de l'acte querellé, sont, par suite, et en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de cette décision ; qu'il suit de là qu'en décidant, à la date du 30 septembre 1993, de retirer l'habilitation secret-défense de M. X, l'administration a pris une mesure justifiée par l'intérêt de service et qui ne revêtait pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ; que s'il n'est pas contesté que l'intéressé n'est pas adhérent aux thèses nazies, l'appréciation à laquelle s'est livrée l'autorité administrative des garanties présentées par M. X ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et n'est pas entachée d'erreur manifeste eu égard à la nature des fonctions assumées et des obligations déontologiques y afférent ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision du 30 septembre 1993 portant retrait de l'habilitation secret-défense ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement en tant qu'il a annulé la décision en date du 30 septembre 1993 et de rejeter la demande de M. X dirigée contre ladite décision ;

Sur les conclusions relatives à la décision de mutation d'office en date du 3 août 1994 :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 du décret n°68-169 du 8 avril 1968 alors en vigueur : le fonctionnaire des services actifs peut lorsque l'intérêt du service l'exige, être déplacé ou changé d'emploi.

Considérant, d'une part, ainsi qu'il vient d'être dit, que l'administration a légalement retiré à M. X son habilitation au secret-défense ; que le retrait de cette habilitation faisait nécessairement obstacle au maintien et à la réaffectation de l'intéressé au sein de la direction de surveillance du territoire ; que, d'autre part, à supposer même que la nouvelle affectation à la direction régionale des renseignements généraux de Strasbourg ait conduit à une diminution relative des responsabilités de l'intéressé, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte-tenu du grade de l'agent et des nouvelles fonctions exercées et nonobstant la perte des avantages matériels liés aux précédentes fonctions, que la mutation de M. X ait entraîné un déclassement professionnel de celui-ci, ni aucune atteinte aux prérogatives attachées à son grade ; que la circonstance qu'il ait été affecté en surnombre à la direction régionale des renseignements généraux de Strasbourg est sans effet sur la légalité de la décision de mutation ;

Considérant qu'il suit de là que contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, la mutation d'office de M. X était justifiée par l'intérêt du service et n'avait pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler également le jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision en date du 3 août 1994 portant mutation d'office de M. X, et de rejeter la demande de M. X tendant à l'annulation de ladite décision ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les décisions susmentionnées en date des 30 septembre 1993 et 3 août 1994 sont légales et ne sauraient, dès lors, constituer des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, par suite, le ministre de l'intérieur est également fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser une somme de 100 000 F en réparation du préjudice invoqué par M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X doivent dès lors être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 31 décembre 1997 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. X tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES et à M. X.

6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 98NC01488
Date de la décision : 27/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : ULLMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-05-27;98nc01488 ?
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