Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 9 août 1999, complétée par mémoires enregistrés les 7 juin 2002 et 10 avril 2003, présentée pour la VILLE D'EPERNAY (Marne), représentée par son maire en exercice, ayant pour mandataire Mes Pautonnier et associés, avocats au barreau de Paris ;
La VILLE D'EPERNAY demande à la Cour :
1° - d'annuler le jugement du 8 juin 1999 du Tribunal administratif de Châlons-en-champagne en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation solidaire des sociétés Géochaleur, Teta, Vallourec, Enerchaud, Mario Costa, Laurent-Bouillet, York-International, le B.R.G.M., l'APAVE et Me Detour à lui payer la somme de 15 941 795 F avec intérêts de droit et revalorisée suivant l'indice du coût de la construction, en réparation des désordres affectant des installations de chauffage géothermique ;
2° - de condamner solidairement les sociétés Géochaleur, Teta, V. et M. France venant aux droits de la société Vallourec-Industrie, S.I.C.E. anciennement Enerchauf, B.R.G.M., Mario Costa et son administrateur judiciaire Me Contant, ainsi que son commissaire à l'exécution du plan de la société, Me Deltour, Laurent-Bouillet, APAVE, et York-International à lui verser la somme de 2 430 310,98 euros avec intérêts à compter du 6 mars 1995, capitalisés ;
Code : C
Plan de classement : 39-06-01-02-01
3° - de condamner solidairement les intimés aux dépens ;
4° - de condamner solidairement les intimés à lui verser 15 245 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a estimé à tort qu'elle n'avait pas qualité pour agir au lieu et place du maître de l'ouvrage délégué, qui a disparu, en ce qui concerne les désordres affectant la structure des puits de production et qu'elle n'était pas maître de l'ouvrage en ce qui concerne l'équipement des puits de production ;
- la responsabilité contractuelle des intimés est engagée en l'absence de levée des réserves émises à la réception de l'ouvrage ;
- subsidiairement, la responsabilité des intimés est engagée :
* sur le fondement de la garantie décennale ;
*des faits du dol constitué par la mise en oeuvre d'un procédé dont ils connaissaient l'absence de faisabilité ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 10 janvier 2000 présenté pour la société anonyme York-International, dont le siège social est 16 rue du Bel-Air à Carquefou (Loire-Atlantique), par Me Meunier, avocat au barreau de Paris ; elle conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées contre elle ; subsidiairement à la condamnation du B.R.G.M. à la garantie de toute condamnation ; elle soutient que l'action est prescrite contre elle ; que la garantie a été contractuellement limitée à 12 mois ; que la faute de la VILLE D'EPERNAY est la seule cause de son préjudice ; que le B.R.G.M. n'a pas fourni les informations qu'il détenait ;
Vu les mémoires en défense enregistrés les 22 juin 2000 et 5 juin 2001 présentés pour la société Géochaleur, dont le siège social est 14 rue Lord Byron à Paris 8ème, par Me Gouzy-Revillot, avocate au barreau de Paris ; elle conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées contre elle, au rejet de l'appel en garantie de la société S.I.C.E., à la condamnation de la VILLE D'EPERNAY à lui verser 35 000 euros au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et à la condamnation de la société S.I.C.E. à lui verser 10 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que les irrecevabilités opposées par le tribunal administratif sont fondées ; subsidiairement, qu'elle n'a jamais été maître d'oeuvre de l'opération, ni constructeur ; que la clause de conciliation préalable n'a pas été respectée ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 12 avril 2001 par la société anonyme S.I.C.E., anciennement Enerchauf, dont le siège social est 1-9 rue de Craïova à Nanterre (Hauts-de-Seine), représenté par le président de son conseil d'administration, ayant pour mandataire Me Seevagen, avocat au barreau de Paris ; elle conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées contre elle et à la condamnation de la VILLE D'EPERNAY à lui verser 30 000 F au titre de dommages-intérêts et 25 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; subsidiairement, à la condamnation solidaire de la VILLE D'EPERNAY, des sociétés Géochaleur et Teta et du B.R.G.M. à la garantir de toute condamnation ; elle soutient que la requête est irrecevable ; qu'elle n'a commis aucune faute ; que la procédure est abusive ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2001 présenté pour l'Association parisienne de propriétaires d'appareils à vapeur et électriques (APAVE), dont le siège social est 13 à 17 rue Salneuve à Paris 17ème, représentée par Me Choffrut, avocat ; elle conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées contre elle et à la condamnation de la VILLE D'EPERNAY à lui verser 10 000 F à titre de dommage-intérêt et 10 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la juridiction administrative n'est pas compétente, dès lors qu'elle n'a de lien qu'avec la société Le Toit champenois ; subsidiairement que ces conclusions sont irrecevables ; qu'elle n'est pas intervenue sur l'opération de Géochaleur ; qu'elle n'a commis aucune faute ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2001 présenté pour la société Laurent-Bouillet-Entreprise, dont le siège social est 3 place Renaud à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), par Me Gaucher, avocat au barreau de Nancy ; elle conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées contre elle et à la condamnation de la VILLE D'EPERNAY à lui verser 30 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que ces conclusions sont irrecevables ainsi que l'a jugé le tribunal administratif ; qu'elle n'a aucun lien avec la VILLE D'EPERNAY ; qu'elle n'a commis aucune faute ;
Vu les mémoires en défense enregistrés les 30 janvier, 21 mars 10 et 11 avril 2003 présentés pour la société anonyme Teta, dont le siège social est zone artisanade de Chanteloup à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), représentée par son président-directeur général en exercice, ayant pour mandataire Me Brissart, avocat à la Cour de Reims ; elle conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées contre elle et des demandes de garantie des sociétés S.I.C.E. et B.R.G.M. ; elle soutient que l'irrecevabilité opposée par le tribunal administratif est fondée ; qu'en outre le maire n'a pas été régulièrement habilité à agir en justice ; subsidiairement, que sa responsabilité n'est engagée à aucun titre ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 1er avril 2003 présenté pour le B.R.G.M., dont le siège social est 39/43 quai André Citroën à Paris 15ème, par Me Hunot, avocat au barreau de Paris ; il conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées contre lui, subsidiairement à la condamnation de Géochaleur et de Teta à le garantir de toute condamnation et à la condamnation de la VILLE D'EPERNAY ou de tout succombant à lui verser 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et aux dépens ; il soutient que les conclusions de la VILLE D'EPERNAY sont irrecevables pour prescription ; subsidiairement que sa responsabilité n'est pas engagée ; que le montant du préjudice allégué n'est pas démontré ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à la société V. et M. France et au bureau d'Etude Mario Costa, représenté par Me Deltour, qui n'ont pas produit de mémoires en défense ;
Vu l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 11 avril 2003 à 16 heures, et en vertu de laquelle, en application de l'article R.613-3 du code de justice administrative, les mémoires produits après cette date n'ont pas été examinés par la Cour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 avril 2004 :
- le rapport de M. SAGE, Président,
- les observations de Me GAREL-FAGET du Cabinet Pautonnier et Associés avocate de la Commune d'Epernay, Me LIVET du Cabinet Karila et Associés, avocate du Bureau de recherches géologiques et minières, Me LECHESNE, avocate de la Société TETA, Me GAUCHER, avocat de l'entreprise Laurent-Bouillot, Me CHOFFRUT, avocat du bureau de contrôle APAVE, Me MEUNIER du Cabinet Baker et Mckenzie, avocat de la société York international et Me GOUZY-REVILLOT, avocate de la société Géochaleur,
- et les conclusions de Mme SEGURA-JEAN, Commissaire du Gouvernement ;
Sur les conclusions de la requête dirigées contre Me Contant :
Considérant que la VILLE D'EPERNAY s'est désistée de ses conclusions dirigées contre Me Contant, administrateur judiciaire de la société Mario-Costa, devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, ce dont lui a donné acte l'article 1er du jugement attaqué, qui n'est pas utilement contesté devant la Cour ; qu'il suit de là que les conclusions de la requête dirigées contre Me Contant sont irrecevables ;
Sur la compétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions de la requête dirigées contre l'APAVE :
Considérant que la VILLE D'EPERNAY recherche la responsabilité de l'APAVE en qualité d'éventuel participant à l'exécution de travaux publics ; qu'il appartient à la juridiction administrative de connaître de ces conclusions ;
Sur le moyen tiré de la qualité de maître de l'ouvrage de la VILLE D'EPERNAY :
En ce qui concerne l'équipement des puits de production :
Considérant que la VILLE D'EPERNAY a elle-même précisé tant devant le tribunal administratif que devant la Cour que la société Le Toit champenois était maître d'ouvrage notamment de l'équipement du premier forage géothermique, du réseau entre station de pompage et centrale basse température et de la centrale basse température, en vertu des stipulations de la convention passée le 17 décembre 1982 avec cette société ; que, par suite, la VILLE D'EPERNAY, qui n'invoque aucune qualité lui permettant de se substituer au maître de l'ouvrage ainsi désigné des équipements du puits de production qui constitue le premier forage, ou au maître de l'ouvrage délégué, la société d'équipement des deux Marnes (SEDMA), n'est pas recevable à rechercher la responsabilité des constructeurs à quelque titre que ce soit ;
En ce qui concerne la structure des puits de production :
Considérant que les premiers juges ont relevé que la construction du puits de production géothermique a été réalisé pour le compte de la VILLE D'EPERNAY par la SEDMA, et que, par suite, cette société, qui avait conservé la qualité de maître de l'ouvrage pour les travaux ayant fait l'objet de réserves non satisfaites avant leur remise à la commune, était seule recevable à rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs ; que la VILLE D'EPERNAY, qui avait renoncé à rechercher la responsabilité à son égard de la SEDMA, à qui il appartenait d'agir en vue de lever les réserves mentionnées dans le procès-verbal de remise d'ouvrage du 7 mars 1985 portant notamment sur la structure du puits de production, ainsi qu'il résulte du désistement de sa demande introduite en 1986 devant le tribunal administratif, se borne à invoquer l'article 2003 du code civil, relatif à la fin du mandat, en faisant état de la radiation du registre du commerce de la SEDMA antérieurement à l'introduction de sa demande devant le tribunal administratif ; que l'article 2003 du code civil n'est, en tout état de cause, pas applicable au contrat de délégation de maîtrise d'un ouvrage public ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la VILLE D'EPERNAY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté pour irrecevabilité ses conclusions tendant à la mise en jeu de la responsabilité des constructeurs des équipements du puits de production et de la responsabilité contractuelle des constructeurs de la structure du puits de production ;
Sur les conclusions recherchant la responsabilité décennale et pour dol des constructeurs du puits de production :
Considérant que la VILLE D'EPERNAY, qui s'est bornée dans sa requête introductive d'instance à contester les irrecevabilités opposées à sa demande et à conclure à l'annulation du jugement attaqué ainsi qu'à l'évocation, n'a présenté de conclusions recherchant subsidiairement la responsabilité décennale et pour dol des constructeurs de la structure des puits de production géothermique que par mémoire enregistré le 10 avril 2003, après expiration du délai d'appel de deux mois fixé par l'article R.229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur, qui courait du 16 juin 1999, date de notification à la requérante du jugement attaqué ; que ces prétentions fondées sur une cause juridique distincte constituent une demande nouvelle présentée tardivement et, par suite, irrecevable ;
Sur les conclusions à fin de dommages-intérêts pour procédure abusive présentées par la société S.I.C.E. et par l'APAVE :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions tendant à la condamnation de la VILLE D'EPERNAY à verser 30 000 F à la société S.I.C.E. et 10 000 F à l'APAVE à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative applicable devant les cours administratives d'appel : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative substitué à l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, font obstacle à ce que les intimés qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnés à payer à la VILLE D'EPERNAY les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, et à ce que la société S.I.C.E. soit condamnée à verser à la société Géochaleur la somme qu'elle demande au même titre ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions susvisées de condamner la VILLE D'EPERNAY à payer aux sociétés Géochaleur, S.I.C.E., Laurent-Bouillot, à l'APAVE et au B.R.G.M. la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
ARTICLE 1er : La requête de la VILLE D'EPERNAY est rejetée.
ARTICLE 2 : Les conclusions de la société S.I.C.E. et de l'APAVE tendant à la condamnation de la VILLE D'EPERNAY à des dommages-intérêts sont rejetées.
ARTICLE 3 : La VILLE D'EPERNAY est condamnée à verser aux société Géochaleur, S.I.C.E., Laurent-Bouillet, à l'APAVE et au B.R.G.M. la somme de mille (1 000) euros chacun au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
ARTICLE 4 : Les conclusions de la société Géochaleur tendant à la condamnation de la société S.I.C.E. à lui verser 10 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
ARTICLE 5 : Le présent arrêt sera notifié à la VILLE D'EPERNAY, au Bureau de recherches géologiques et minières B.R.G.M., à la société TETA, à la société V. et M. France, à la société S.I.C.E., au bureau d'études MARIO COSTA, à l'entreprise LAURENT-BOUILLET, au bureau de contrôle APAVE, à la société YORK INTERNATIONAL et à la société GEOCHALEUR.
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