Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 20 mars 2000 sous le n°00NC00391, complétée par le mémoire enregistré le 29 mai 2000, présentée pour M. Claude X, demeurant ..., par la S.C.P. Bore et Xavier, société d'avocats au Conseil d'Etat ;
M. X demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement en date du 11 janvier 2000 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle, en date du 29 octobre 1998, rejetant sa demande de licence de pharmacie par voie dérogatoire à Yutz, d'autre part, à enjoindre le préfet de lui délivrer la licence sollicitée dans un délai de 3 mois à compter de la notification du jugement avec astreinte de 1 000 F par jour de retard ;
2°) - d'annuler cette décision ;
Code : C
Plan de classement : 55-03-04-01-01
3°) - d'enjoindre au préfet sous astreinte de 1 000 F soir 152,45 € par jour de retard, de prendre dans un délai maximal de deux mois à compter de la notification de l'arrêt d'annulation, un nouvel arrêté tenant compte des motifs de celui-ci ;
4°) - de condamner l'Etat aux entiers dépens et au versement d'une somme de 10 000 F soir 1 524,49 € au titre des frais irrépétibles ;
Il soutient que :
- le jugement viole les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le droit au travail est protégé par les dispositions de l'article 6 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de New-York,
- la décision des premiers juges se caractérise par une insuffisance manifeste de motivation,
- le jugement attaqué est entaché d'omission de statuer, les premiers juges n'ayant pas répondu à certains moyens, notamment ceux tirés de l'attractivité, l'urbanisation et le développement du quartier confèrent à ce dernier une véritable autonomie sociale, commerciale et sanitaire et que les besoins en médicaments de la population de la commune de Yutz et de celle des communes avoisinantes dépourvues d'officine ne sont pas satisfaits par la présence des deux officines présentes,
- c'est à tort que le Tribunal a écarté le moyen de la requête tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté préfectoral litigieux,
- contrairement aux énonciations des premiers juges entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une violation de l'article L. 571 du code de la santé publique, l'officine projetée serait susceptible de répondre aux besoins de la population,
- le préfet, à tort suivi par les premiers juges, a méconnu tant le critère de l'importance de la population concernée que celui constitué par la configuration particulière des lieux et des voies de circulation alors que les deux officines existantes desservent la population de quartiers distincts,
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2000, présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité ; le ministre conclut au rejet de la requête,
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le pacte international de New-York du 19 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, publié par le décret n° 81-77 du 29 janvier 1981 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 avril 2004 :
- le rapport de M. WALLERICH, Conseiller,
- et les conclusions de Mme SEGURA-JEAN, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendu (...) par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement. ;
Considérant que le recours pour excès de pouvoir formé par M. Claude X contre l'arrêté du préfet de la Moselle rejetant sa demande d'autorisation d'ouverture d'une officine de pharmacie ne constitue pas une contestation sur des droits et obligations de caractère civil et n'entre pas dans le champ d'application des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur le moyen tiré d'une insuffisance de motivation :
Considérant que pour rejeter le recours en excès de pouvoir dirigé contre la décision du préfet de la Moselle refusant l'autorisation d'ouvrir une pharmacie située à YUTZ, le Tribunal administratif a relevé que le projet présenté entendait desservir une population de 3 908 personnes et que l'emplacement prévu pour l'officine était situé non pas au centre du périmètre revendiqué mais en bordure de celui-ci, sur une artère principale où se trouvaient déjà, à respectivement 500 et 800 mètres, deux officines ; qu'ainsi, les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par le requérant à l'appui de son moyen, ont suffisamment motivé leur réponse audit moyen ;
Sur le moyen tiré de l'omission à statuer :
Considérant que le jugement attaqué n'est pas entaché d'omission à statuer dès lors que les premiers juges ont relevé que les besoins de la population étaient satisfaits en raison de la présence de deux officines à proximité du lieu d'implantation projeté ;
Sur la légalité de la décision du préfet de la Moselle :
Sur la légalité externe :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi nº 79 - 587 du 11 juillet 1979, doivent être motivées les décisions qui comme en l'espèce : ...refusent d'une autorisation... ; que l'article de la même loi précise : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision... ;
Considérant que l'arrêté du 29 octobre 1998 contient l'exposé des motifs de droit et de fait sur lesquels il se fonde, pour rejeter la demande de M. X ; qu'il satisfait ainsi aux prescriptions précitées de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de la convention internationale :
Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels publié par le décret du 29 janvier 1981 : Les Etats parties au présent pacte reconnaissent le droit au travail qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit ; qu'eu égard à leur contenu, ces stipulations ne produisent pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne ; qu'ainsi, le requérant ne peut se prévaloir utilement de leur méconnaissance ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 571 du code de la santé publique :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 571 du code de la santé publique alors en vigueur : ... Si les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière l'exigent, des dérogations à ces règles peuvent être accordées par le préfet après avis motivé du directeur régional des affaires sanitaires et sociales, du pharmacien inspecteur régional de la santé, du conseil régional de l'ordre des pharmaciens et des syndicats professionnels. / Les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière mentionnés à l'alinéa précédent sont appréciés au regard, notamment, de l'importance de la population concernée, des conditions d'accès aux officines les plus proches et de la population que celles-ci resteraient appelées à desservir. Le préfet précise, dans sa décision, les populations prises en compte pour l'octroi des licences ; que, si la création par voie normale d'une officine pharmaceutique en Alsace-Moselle relève, par dérogation à l'article L. 571 du code de la santé publique, des dispositions de l'article L. 572 du même code, ce sont toutefois les dispositions précitées de l'article L. 571 qui s'appliquent aux créations par voie dérogatoire dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la population du quartier où devait être ouverte la nouvelle officine était déjà desservie par les officines existantes dans la commune de Yutz dont deux étaient situées, au bord de la même route nationale, respectivement à environ 500 mètres et 800 mètres du lieu d'implantation prévu par le requérant ;
Considérant que si la population du quartier pouvait être évalué à 3 908 personnes, à l'intérieur des limites de la route nationale, de l'avenue Général de Gaulle, de la rue Anatole France, de la rue Clément Ader et de la rue du 13 novembre, et que si les communes de Basse-Ham, Kuntzig et de Valmestroff sont susceptibles d'être concernées partiellement par le projet d'ouverture de l'officine, les communes de Stuckange, Elzange, Distroff et Inglange sont, quant à elles, desservies, compte tenu des voies de communication existantes, par les pharmacies existantes tant sur le territoire de la commune de Yutz, que sur le territoire des communes de Koenigsmaker, Metzervisse et Kédange-sur-Canner ; qu'au surplus, alors même que la population de la commune de Yutz s'est accrue entre les deux recensements, et que des projets immobiliers étaient en cours, il est également établi que les quatre officines sises sur le territoire de la commune de Yutz n'atteignent pas la norme, fixée à 5 000 habitants minimum par les dispositions législatives précitées ;
Considérant que, dans ces conditions, l'ouverture de la nouvelle officine par dérogation ne pouvait être regardée comme justifiée par les besoins réels de la population qu'elle était appelée à servir ;
Sur les conclusions aux fins d'injonctions :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander d'enjoindre au préfet, de prendre dans un délai de deux mois, sous astreinte, un nouvel arrêté, la présente décision n'impliquant pas nécessairement une mesure d'exécution conformément aux dispositions de l'article L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le juge ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X doivent dès lors être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M . Claude X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Claude X et au ministre de la santé et de la protection sociale.
2