Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 17 janvier 2000 sous le N° 00NC00047 complétée par un mémoire enregistré le 25 octobre 2002 présentés pour la S.A. GAZ LIQUEFIES INDUSTRIE, anciennement dénommée S.A. Schneider Industrie, ayant son siège : 21, rue d'Artois - Paris (75008), représentée par le Président de son conseil d'administration : M. François Y, par la société d'avocats : Paris Fiscal et Juridique ;
La S.A. GAZ LIQUEFIES INDUSTRIE demande à la Cour :
1°/ de réformer le jugement n° 95-969 en date du 19 octobre 1999 du Tribunal administratif de Strasbourg, rectifié par une ordonnance de son président du 12 novembre 1999, en tant que cette juridiction n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à obtenir la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés, restant à sa charge au titre de l'exercice clos en 1989 ;
2°/ de lui accorder la décharge de cette imposition, soit 2 813 167 francs, en droits et intérêts de retard ;
Code : C
Plan de Classement : 19-01-03-01-02-03
19-01-03-05
3°/ de condamner l'Etat à lui verser une somme de 8 000 euros, ainsi que le remboursement du droit de timbre, en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
La S.A. GAZ LIQUEFIES INDUSTRIE soutient que :
- le tribunal administratif a admis, à tort, la substitution de base légale proposée par l'administration, ce qui a privé la contribuable des garanties d'une procédure contradictoire, et en particulier de la possibilité de solliciter l'avis de la CDI , sur les nouveaux motifs du redressement ;
- l'administration a exercé son droit de communication auprès des Fonds Communs de Placement (F.C.P.) , sans en aviser la société, laquelle n'a pu solliciter la production des pièces ainsi recueillies, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif, lequel a d'ailleurs soulevé d'office ce moyen ; cette information aurait dû être fournie avant la mise en recouvrement des impositions ;
- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que les avantages fiscaux obtenus des F.C.P. dits FPG 8 et PIF 1, pouvaient être remis en cause, dès lors que ces fonds ne fonctionnaient pas dans des conditions régulières ; d'une part, l'administration a vérifié ce fonctionnement des F.C.P., seulement en vertu de son droit de communication régi par l'article
L.81 du livre des procédures fiscales, alors qu'elle aurait dû mettre en oeuvre une véritable procédure de contrôle des établissements financiers concernés ; d'autre part, le tribunal administratif, qui inverse la charge de la preuve, admet à ce sujet une simple affirmation du service, selon laquelle les acomptes versés excédaient les revenus nets encaissés de l'exercice, qui n'est pas étayée par les détails du calcul correspondant ;
- au surplus, le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de ce que, la garantie prévue par l'article L.80-A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que par la contribuable concernée, laquelle n'avait donc pas à répondre, en l'espèce, des conditions du fonctionnement des F.C.P. ; d'ailleurs, les gérants et dépositaires des F.C.P. sont seuls responsables des éventuelles irrégularités de leur fonctionnement ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré au greffe le 14 juin 2000, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête de la S.A. GAZ LIQUEFIES INDUSTRIE ;
Il soutient que :
- l'administration a bien apporté la preuve que les F.C.P. ne fonctionnaient pas conformément aux dispositions qui les régissent, notamment en raison de l'excèdent notoire des acomptes sur les revenus nets encaissés ;
- la substitution de base légale, admise par le Tribunal administratif, n'a privé la société d'aucune garantie ;
- la société a été clairement avisée des données recueillies auprès de ces F.C.P., auxquelles elle avait d'ailleurs accès en sa qualité de porteuse de parts ;
- les F.C.P. ne peuvent faire l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité, mais sont soumis à une procédure propre de communication de renseignements, régie par l'article R.87-1 du livre des procédures fiscales, utilisée en l'espèce ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-594 du 13 juillet 1979 et les décrets n° 79-835 du 27 septembre 1979 et n°83-357 du 2 mai 1983 ;
Vu l'instruction 4K-1-83 du 13 janvier 1983 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er avril 2004 :
- le rapport de M. BATHIE, Premier Conseiller,
- et les conclusions de M. TREAND, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'en appel, la S.A. Schneider Industrie désormais dénommée S.A. GAZ LIQUEFIES INDUSTRIE, sollicite la réformation du jugement susvisé du 19 octobre 1999 du Tribunal administratif de Strasbourg, en tant qu'il lui a refusé la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 1989, et consécutif à la remise en cause des crédits d'impôt dont elle se prévalait, à la suite de transactions réalisées auprès des fonds communs de placements dits : PFG 8 et PIF 1 ;
Sur la substitution de base légale admise par le Tribunal administratif :
Considérant qu'il résulte du dossier de première instance que l'administration, qui motivait initialement son redressement en invoquant l'abus de droit, sur le fondement de l'article L.64 du livre des procédures fiscales, y a substitué, dans ses derniers écrits, une nouvelle base légale des impositions en litige, issue de la législation spécifique aux fonds communs de placement et résultant des dispositions de l'article 199 ter A du code général des impôts ; que l'administration, qui ne peut renoncer à appliquer la loi fiscale, est en droit, à tout moment de la procédure, de justifier l'impôt sur un nouveau fondement légal, en vertu de l'article L.203 du livre des procédures fiscales, à condition de ne priver le contribuable d'aucune des garanties légales auxquelles il a droit ; que la société appelante fait grief aux premiers juges d'avoir admis la substitution de base légale sus-évoquée, qui l'aurait empêchée de bénéficier des garanties inhérentes à la procédure contradictoire de redressement, et en particulier de soumettre le litige l'opposant au service à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaire ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le redressement contesté a été effectué selon une procédure contradictoire, au cours de laquelle la C.D.I. a notamment émis son avis sur le litige, tel qu'il était alors présenté par les parties ; qu'en tout état de cause, cette commission n'était pas compétente pour examiner un litige relatif à l'imputabilité de crédits d'impôt ; qu'il résulte de ces éléments que le moyen tiré de ce que la substitution de base légale admise par le Tribunal administratif aurait privé la société contribuable de ses garanties, n'est pas fondé ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que la société requérante invoque un vice de procédure qui résulterait de ce que, comme elle a pu le constater à la lecture d'un mémoire en défense produit devant le tribunal administratif, le service a exercé auprès des gestionnaires de fonds communs de placement, son droit de communication prévu par l'article L.81 du livre des procédures fiscales, sans qu'elle ait été avisée expressément de cette démarche, ni bénéficié d'un débat contradictoire sur les données ainsi recueillies ;
Considérant, toutefois, que l'obtention, par l'administration de ces éléments d'appréciation, n'avait pas pour objet de fonder les impositions en litige, sur la nouvelle base légale susmentionnée, mais de vérifier dans quelle mesure, la société pouvait opposer au service une instruction du 13 janvier 1983, impliquant notamment un fonctionnement régulier des fonds communs de placement ; qu'il suit de là que si la société pouvait, afin de respecter le caractère contradictoire de la procédure contentieuse, solliciter éventuellement la communication des documents constituant la source des affirmations du service, comme l'a rappelé le tribunal administratif, qui n'a pas sur ce point, indûment soulevé un moyen d'ordre public, l'administration n'était, en revanche, pas tenue d'informer au préalable la contribuable de l'exercice de son droit de communication auprès des fonds communs de placement, ni d'organiser un débat sur les éléments recueillis, dès lors que ceux-ci sont étrangers au bien-fondé des impositions au regard de leur nouvelle base légale ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante ne peut utilement reprocher au service d'avoir limité ses investigations, auprès des fonds communs de placement, à l'exercice de ce droit de communication, au lieu d'engager d'autres procédures plus approfondies, dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité ;
Considérant, en troisième lieu, que la société requérante ne peut non plus utilement soutenir que les renseignements obtenus au cours de la première instance dans les conditions susévoquées, auraient dû lui être transmis avant la mise en recouvrement des impositions contestées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ces impositions seraient intervenues à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, la décharge ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 199 ter A du code général des impôts : Les porteurs de parts d'un fonds commun de placement peuvent effectuer l'imputation de tout ou partie des crédits d'impôt et avoirs fiscaux attachés aux produits des actifs compris dans ce fonds...Le droit à imputation de chaque porteur est déterminé en proportion de sa quote-part dans la répartition faite au titre de l'année considérée... Ce droit à imputation ne peut excéder celui auquel l'intéressé aurait pu prétendre s'il avait perçu directement sa quote-part des mêmes produits... ; que sur le fondement de ces dispositions, l'administration a pu, à bon droit, limiter l'imputation des avoirs fiscaux obtenus par la société contribuable à ceux auxquels elle aurait pu prétendre si elle avait directement perçu sa quote-part des fonds communs de placement susmentionnés ; que la société ne discute, au demeurant, ni le principe, ni le montant, des redressements résultant de cette base légale ;
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :
Considérant que la société requérante invoque, à l'encontre de l'administration, sur le fondement de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, les dispositions d'une circulaire 4K1-83 du 13 janvier 1983, régissant l'octroi des crédits d'impôt litigieux ; que cet avantage fiscal est subordonné, aux termes du paragraphe 100 de cette instruction à la condition que : ... ces organismes fonctionnent conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou statutaires qui les régissent et qu'ils respectent leurs obligations... ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en l'espèce, les produits distribués à la société Schneider Industrie, aux droits de laquelle vient la société requérante, excédaient manifestement les revenus nets de l'exercice ; que, par suite, ces distributions méconnaissaient les dispositions de l'article 16 du décret n° 79-835 du 27 septembre 1979, auxquelles fait d'ailleurs expressément référence le paragraphe 29 de l'instruction précitée, selon lesquelles les acomptes éventuellement distribués en avance des produits des actifs de l'exercice ne peuvent excéder les revenus nets encaissés... ; qu'il suit de là que les fonds communs de placement ayant opéré ces distributions ne fonctionnaient pas dans les conditions de régularité auxquelles devaient veiller leurs dépositaires ;
Considérant enfin, à supposer, comme le soutient l'appelante, que le gérant et le dépositaire desdits fonds seraient seuls responsables de l'irrégularité sus-évoquée, cette circonstance n'est pas de nature à permettre à la société contribuable d'invoquer, devant le juge de l'impôt, le bénéfice d'une instruction dont les conditions d'application ne sont pas remplies ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.A. GAZ LIQUEFIES INDUSTRIE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg, qui n'a omis de statuer sur aucun moyen, n'a que partiellement fait droit à sa demande ;
Sur les conclusions de la requérante tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la S.A. GAZ LIQUEFIES INDUSTRIE, la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
ARTICLE 1er : La requête de la S.A. GAZ LIQUEFIES INDUSTRIE est rejetée.
ARTICLE 2 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A. GAZ LIQUEFIES INDUSTRIE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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