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19/04/2004 | FRANCE | N°99NC00980

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme f°/ 1ere chbre - formation a 3, 19 avril 2004, 99NC00980


Vu le recours du MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT enregistré au greffe de la Cour le 4 mai 1999 ;

Il demande à la Cour :

1° - d'annuler le jugement du 4 mars 1999 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du préfet de la Moselle en date du 14 août 1997 refusant de lever des objections au transport de boues de la station d'épuration d'Almerich et la décision du même préfet en date du 20 janvier 1998 en tant qu'elle lève des objections émises le 5 décembre 1997 ;

2° - de rejeter les demandes présenté

es par la société Wastec-Strobel devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
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Vu le recours du MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT enregistré au greffe de la Cour le 4 mai 1999 ;

Il demande à la Cour :

1° - d'annuler le jugement du 4 mars 1999 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du préfet de la Moselle en date du 14 août 1997 refusant de lever des objections au transport de boues de la station d'épuration d'Almerich et la décision du même préfet en date du 20 janvier 1998 en tant qu'elle lève des objections émises le 5 décembre 1997 ;

2° - de rejeter les demandes présentées par la société Wastec-Strobel devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Code : C

Plan de classement : 15-03

Il soutient que :

- le Tribunal administratif a estimé à tort que l'importation de boues de stations d'épuration n'était pas soumise au règlement communautaire du 1er février 1993 ;

- le Tribunal administratif a estimé à tort que le préfet ne pouvait émettre des objections ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 9 décembre 1999 présenté par la société Wastec-Strobel G.M.B.H., dont le siège social est Ziegelhütte 6, à Mandelbaechtal (Allemagne), représentée par son gérant en exercice ; elle conclut au rejet du recours ; elle soutient qu'il est tardif ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 7 mars 2003, en vertu de laquelle les mémoires produits après cette date n'ont pas été examinés par la Cour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive européenne n° 75/442/CEE modifiée du 15 juillet 1975 ;

Vu la directive européenne n° 86/278/CEE du 12 juin 1986 ;

Vu le règlement (CEE) n° 259/93 du complément du 1er février 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2004 :

- le rapport de M. SAGE, Président,

- et les conclusions de Mme SEGURA-JEAN, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Wastec-Strodel :

Considérant que le jugement attaqué a été notifié au ministre de l'environnement le 6 mars 1999 ; que le recours présenté par télécopie a été enregistré au greffe de la Cour le 4 mai 1999, dans le délai d'appel de deux mois fixé par l'article R.229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur, et régularisé par enregistrement de l'original dûment signé le 10 mai 1999 ; que, dans ces conditions, la société Wastec-Strodel n'est pas fondée à soutenir que le recours a été présenté hors délai d'appel et serait ainsi irrecevable ;

Sur le moyen tiré du régime auquel est soumise l'importation des boues de stations d'épuration en provenance d'Allemagne :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er point 1 du règlement (CEE) n° 259/93 du conseil du 1er février 1993 concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la communauté européenne : Le présent règlement s'applique aux transferts de déchets à l'intérieur, à l'entrée et à la sortie de la communauté ; qu'aux termes de l'article 2 du même règlement : Aux fins du présent règlement, on entend par : a) déchets : substances ou objets définis à l'article 1er de la directive 75/442/CEE (...) ; qu'aux termes de l'article 1er de la directive 75/442/CEE du 15 juillet 1975 modifiée par la directive 91/156/CEE du 18 mars 1991 : Aux fins de la présente directive, on entend par : a) déchet : toute substance ou objet qui relève des catégories figurant à l'annexe 1, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire. La commission agissant selon la procédure prévue à l'article 18 établira, au plus tard le 1er avril 1993, une liste des déchets appartenant aux catégories énumérées à l'annexe 1 (...) ; que la liste des déchets établie par la décision de la commission du 20 décembre 1993 mentionne, dans son index, à la rubrique 19.08.05, les boues provenant du traitement des eaux usées urbaines ; qu'il résulte de ces dispositions que les boues provenant du traitement des eaux usées urbaines sont des déchets tels que ces derniers sont définis par la directive 75/442/CEE du 15 juillet 1975 ;

Considérant, il est vrai, que le troisième considérant de la directive 86/278/CEE du 12 juin 1986 relative à la protection de l'environnement et notamment des sols, lors de l'utilisation des boues d'épuration en agriculture énonce que : les boues d'épuration utilisées dans le cadre de l'exploitation agricole ne sont pas couverte par la directive 75/442/CEE du conseil du 15 juillet 1975 relative aux déchets ;

Considérant, toutefois, que les articles de la directive 86/278/CEE, qui ont seuls un caractère normatif, ne reprennent pas explicitement une telle interprétation ; que l'article 3 paragraphe 2 de la directive réserve même, dans certaines hypothèses, l'application des directives 75/442/CEE et 78/319/CEE du conseil du 20 mars 1978 relatives aux déchets toxiques et dangereux ; que la cour de justice des communautés européennes a par son arrêt du 28 mars 1990 rendu dans les affaires C-206/88 et c.207/88 dit pour droit que la notion de déchet au sens des articles 1er des directives 75/442/CEE et 78/319/CEE... ne doit pas s'entendre comme excluant les substances et objets susceptibles de réutilisation économique ; qu'en outre, il ressort de l'arrêt rendu par la même juridiction le 17 mars 1993 dans l'affaire C-155/91 que l'article 1er de la directive 91/156/CEE du conseil du 18 mars 1991 modifiant la directive 75/442/CEE relative aux déchets, a pour objet principal d'assurer, dans le souci de protéger l'environnement, l'efficacité de la gestion des déchets dans la communautés, quelle qu'en soit l'origine, et n'a qu'accessoirement des effets sur les conditions de la concurrence et des échanges ; qu'il résulte de l'interprétation ainsi donnée du droit communautaire comme des dispositions combinées de la directive 86/278/CEE du 12 juin 1986 et de la directive 75/442/CEE du 15 juillet 1975 modifiée par la directive 91/156/CEE du 18 mars 1991 que si les boues d'épuration utilisées en agriculture ne sont pas normalement soumises aux dispositions de la directive du 15 juillet 1975, en tant qu'elles sont utilisées comme matières fertilisantes par épandages sur les sols agricoles, elles n'en répondent pas moins à la définition de la notion de déchets donnée par cette directive, ce qui entraîne par là même leur soumission, en cas notamment de transfert d'un Etat membre de la Communauté européenne à un autre, aux dispositions du règlement du 1er février 1993 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er point 2 du règlement du conseil n° 259/93 du 1er février 1993 : Sont exclus du champ d'application du présent règlement : (...) d) les transferts de déchets mentionnés à l'article 2 paragraphe 1 point b) de la directive 75/442/CEE lorsqu'ils sont déjà couverts par une autre législation pertinente ; qu'aux termes de l'article 1er de la directive 86/278/CEE du 12 juin 1986 : le but de la présente directive est de réglementer l'utilisation des boues d'épuration en agriculture de manière à éviter les effets nocifs sur les sols, la végétation, les animaux et l'homme, tout en encourageant leur utilisation correcte ; qu'il résulte clairement de la combinaison des dispositions rappelées ci-dessus que la directive du 12 juin 1986, dont l'objet est ainsi qu'il a été dit de réglementer l'utilisation des boues d'épuration en agriculture, ne peut être regardée comme une législation pertinente au sens de l'article 1er point 2 du règlement du conseil du 1er février 1993 qui régit la surveillance et le contrôle de transferts de déchets, même lorsqu'ils sont destinés à être valorisés ;

Considérant que la circonstance que les boues d'épuration utilisables en agriculture soient conformes à la norme NFU 44-041 rendue d'application obligatoire par l'arrêté du 29 août 1988, pris pour la transposition en droit interne de la directive 86/278/CEE du 12 juin 1986, est sans incidence sur l'application des dispositions du règlement communautaire n° 259/93 du 1er février 1993 dans la mesure où, ainsi qu'il est dit ci-dessus, la directive du 12 juin 1986 ne constitue pas une législation pertinente susceptible d'entraîner la non-application de ce règlement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif s'est fondé sur l'inapplicabilité du règlement communautaire susvisé du 1er février 1993 aux transports de boues de stations d'épuration urbaine valorisables en agriculture pour annuler les décisions du préfet de la Moselle ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Wastec-Strobel devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la recevabilité des conclusions de la demande dirigées contre la décision du préfet de la Moselle en date du 20 janvier 1998 en tant qu'elle lève des objections :

Considérant que la société Wastec-Strobel était dépourvue d'intérêt à agir contre la décision du préfet de la Moselle en date du 20 janvier 1998 en tant qu'elle donne satisfaction à sa demande du 16 décembre 1997 tendant à la levée d'objections, formulées le 5 décembre 1999, à l'importation de boues de stations d'épuration à destination de l'exploitation de MM. Y et Z, quels que soient les motifs de cette décision ; qu'ainsi ces conclusions étaient irrecevables ;

Sur la légalité de la décision du préfet de la Moselle en date du 14 août 1997 :

Considérant que, dans son mémoire enregistré au greffe du Tribunal administratif de Strasbourg le 20 avril 1998, la société Wastec-Strobel a expressément indiqué qu'elle n'entendait pas demander l'annulation de la décision du préfet de la Moselle en date du 10 juillet 1997 formulant des objections à l'importation des boues de stations d'épuration à destination de l'exportation agricole de M. A à ..., mais seulement l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 14 août 1997 par laquelle le préfet a refusé de lever ces objections ; qu'aucune de ces deux décisions n'a fait l'objet d'une notification indiquant les voies et délais de recours ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Moselle a adressé à la société Wastec-Strobel un accusé de réception du transfert envisagé, le 11 juin 1997, dans le délai prévu par l'article 7, paragraphe 2 du règlement du 1er février 1993 ; que l'allégation de la société Wastec-Strobel selon laquelle le préfet aurait dû, à peine d'irrégularité, utiliser un imprimé particulier à cet effet n'est assortie d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ; qu'en outre, aucune confusion n'était possible entre déchets destinés à être valorisés et déchets à éliminer au sens du règlement précité ;

Considérant que les objections du préfet ont été adressées le 10 juillet 1997 à la société Wastec-Strobel, dans le délai de 30 jours fixé par les dispositions précitées du règlement du 1er février 1993 ; que la date à laquelle l'autorité d'expédition a reçu ces objections est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant que si la société Wastec-Strobel soutient, d'ailleurs sans autre précision, que les objections du préfet n'étaient pas motivées, ce moyen manque en fait, dès lors que la décision indique les éléments de droit et de fait sur laquelle elle se fonde ;

Considérant que la décision attaquée du 14 août 1997 fonde les objections sur l'article 5 du règlement susvisé du 1er février 1993 et sur la directive du conseil européen du 12 juin 1986 modifiée par la directive du 2 décembre 1988 relative à la protection de l'environnement ; que la circonstance que la décision du 10 juillet 1997 se fondait sur un arrêté préfectoral annulé par le Tribunal administratif de Strasbourg le 18 décembre 1997 est sans influence sur la légalité de la décision du 14 août 1997 ; que cette dernière décision précise et justifie la nature de l'atteinte à l'environnement que risquait de provoquer l'épandage des boues en comparant leur composition et celle du sol de l'exploitation agricole destinataire ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Moselle aurait pris la même décision d'élever des objections s'il avait entendu retenir le seul risque d'atteinte à l'environnement présenté par l'épandage ; qu'il n'est donc pas nécessaire de rechercher si, comme le soutient la société Wastec-Strobel, le motif tiré des modalités de stockage des boues a pu être régulièrement opposé ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout de qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en première instance par le préfet de la Moselle que le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit aux demandes de la société Wastec-Strobel ;

D E C I D E :

ARTICLE 1er : Les articles 2, 3 et 5 du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 4 mars 1999 sont annulés.

ARTICLE 2 : Les demandes présentées par la société Wastec-Strobel devant le Tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.

ARTICLE 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT, à la société Wastec-Strobel et au préfet de la Moselle.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme f°/ 1ere chbre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99NC00980
Date de la décision : 19/04/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés GILTARD
Rapporteur ?: M. SAGE
Rapporteur public ?: Mme SEGURA-JEAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-04-19;99nc00980 ?
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