Vu le recours enregistré au greffe de la Cour le 27 novembre 2001, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 25 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé sa décision du 23 juin 1999 prononçant l'expulsion de M. X ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Besançon ;
Code : C
Classement CNIJ : 335-02-01
335-02-03
335-02-04
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Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 12 juin 2003 à 16 heures ;
En application de l'article R 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été avisées de la possibilité pour la cour de relever d'office un moyen ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 47-233 du 23 janvier 1947 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2003 :
- le rapport de Mme SEGURA-JEAN, Premier conseiller,
- et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une d'i e autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par a loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; qu'il est constant que M. X a été condamné à plusieurs reprises pour des faits répétés de vols aggravés, de violences et de violences volontaires, pour des faits de violation de domicile, séquestration, menaces de mort sous condition et vol en réunion et, enfin, pour des faits de proxénétisme aggravé ; que, par suite, eu égard à la gravité des actes commis par l'intéressé, l'arrêté d'expulsion prononcé contre lui n'a pas porté au droit précité une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, nonobstant la circonstance que M. X est arrivé en France à l'âge de dix ans, que ses parents, frères et soeurs résident en France et qu'il est le père de deux enfants de nationalité française ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon s'est fondé sur la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler la décision du ministre de l'intérieur en date du 23 juin 1999 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'ensemble du litige, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Besançon ;
Sur les conclusions de M. X à fin d'annulation de l'arrêté du 23 juin 1999 prononçant son expulsion :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 47-233 du 23 janvier 1947 modifié : Les ministres et secrétaires d'Etat peuvent donner délégation pour signer tous actes individuels ou réglementaires à l'exception des décrets...2° Aux directeurs, chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs de leur administration centrale en ce qui concerne les affaires des services relevant de leur autorité et, en cas d 'absence ou d'empêchement du chef de service, du directeur adjoint ou du sous-directeur sous l'autorité duquel il se trouve directement placé, à un fonctionnaire de ces services appartenant à un corps de catégorie A (...) ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 14 novembre 1997 du MINISTRE DE L'INTERIEUR, visant l'arrêté du 3 octobre 1985 portant organisation et attributions de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques et publié au Journal officiel du 16 novembre 1997 : Délégation permanente est donnée à M. Jean-Marie Z, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, pour signer, dans la limite de ses attributions et au nom du ministre de l'intérieur , tous actes, arrêtés et décisions à l'exclusion des décrets. ; qu'aux termes d'un arrêté du 14 mai 1998 du MINISTRE DE L'INTERIEUR, publié au Journal officiel de la République française du 20 mai 1998 : En cas d'absence ou d'empêchement de M. Jean-Marie Z, ses collaborateurs reçoivent délégation de signature dans les conditions indiquées ci-après : / MM Hervé Y, chef de service, (...) sont habilités à signer tous actes, arrêtés et décisions, dans la limite de leurs attributions. ; que la circonstance que la nomination de M. Y à la tête de la sous-direction des étrangers de la circulation transfrontalière n'ait pas été publiée au Journal officiel de la République française ne rend pas inopposable l'arrêté du 14 mai 1998 portant délégation de signature et ne faisait pas obstacle à ce que M. Y use de cette délégation pour signer compétemment au nom du ministre en l'absence ou en cas d'empêchement de M. Z, l'arrêté litigieux qui entre dans les attributions de la sous-direction dont il a la charge ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : L'expulsion prévue à l'article 23 ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : / 1° L'étranger doit en être préalablement avisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; / 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission siégeant sur convocation du préfet et composée : / Du président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département, ou d'un juge délégué par lui, président ; / D'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal de grande instance du chef-lieu du département ; / D'un conseiller du tribunal administratif. / Le chef du service des étrangers à la préfecture assure les fonctions de rapporteur ; le directeur départemental de l'action sanitaire et sociale ou son représentant est entendu par la commission ; ils n'assistent pas à la délibération de la commission. / La convocation, qui doit être remise à l'étranger quinze jours au moins avant la réunion de la commission, précise que celui-ci a le droit d'être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et d'être entendu avec un interprète. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans les conditions prévues par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Cette faculté est indiquée dans la convocation. L'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par le président de la commission. / Les débats de la commission sont publics. Le président veille à l'ordre de la séance. Tout ce qu'il ordonne pour l'assurer doit être immédiatement exécuté. Devant la commission, l'étranger peut faire valoir toutes les raisons qui militent contre son expulsion. Un procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis, avec l'avis motivé de la commission, à l'autorité administrative compétente pour statuer, qui statue. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé. ;
Considérant que, d'une part, la circonstance que le document produit par l'administration pour établir la régularité de la participation du conseiller de tribunal administratif présent à la réunion de la commission d'expulsion est une copie non signée de la lettre portant désignation dudit conseiller par le président cette juridiction n'est pas de nature à empêcher de regarder cette pièce comme présentant un caractère probant ; que, d'autre part, si M. X soutient que la désignation des magistrats de l'ordre judiciaire au sein de ladite commission n'a pas été faite par l'assemblée générale du Tribunal de grande instance de Dijon mais par le président de cette juridiction, il ressort des pièces du dossier que l'ordonnance en cause vise expressément l'avis de l'assemblée générale du 23 novembre 1998 dont il n'est pas contesté qu'elle a désigné lesdits magistrats au sein de la commission ; que le ministre a produit l'arrêté préfectoral du 11 décembre 1996 nommant M. Dias chef du bureau de l'état civil et des étrangers ; qu'ainsi quand bien même cet arrêté n'aurait pas été publié et M. X n'apportant aucun commencement de justification de nature à mettre en doute la réalité de cet arrêté dont une expédition conforme a été établie par le chef de bureau délégué, la présence de M. Dias lors de la réunion de la commission qui a statué sur son cas n'a pas méconnu les dispositions de l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la production, en vue de la séance de la commission d'expulsion, d'une enquête sociale réalisée par la direction départementale de l'action sanitaire et sociale ; qu'il ressort des pièces du dossier que le représentant de cette direction a participé à la commission d'expulsion et a donné son avis sur le projet d'expulsion de M. X ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les motifs du caractère favorable à l'expulsion de l'avis, entendu stricto sensu, ont été communiqués à M. X ; que, dès lors, quand bien même la décision de la commission rejetant la demande de renvoi de l'affaire à une date ultérieure n'a pas été mentionnée dans la communication de son avis, l'obligation prescrite par les dispositions précitées de l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée susvisée doit être regardée comme ayant été satisfaite ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la lettre du préfet du Doubs en date du 19 avril 1999 adressée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, que le dossier de l'intéressé, le procès-verbal de la réunion de la commission d'expulsion et l'avis motivé du préfet ont été transmis à ce ministre avant qu'il ne presse sa décision ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de saisine préalable de l'autorité compétente manque en fait ;
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté litigieux :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : L'expulsion peut être prononcée : ... / b) Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X s'est signalé depuis de nombreuses années par une longue série de vols, de violences et d'infractions diverses ; qu'eu égard à la continuité sur une longue période de l'attitude violente et asociale dont a commencé à faire preuve l'intéressé en 1982 et dont il ne s'est jamais départi, le MINISTRE DE L'INTERIEUR a pu légalement estimer que son expulsion constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ;
Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 susvisée : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'il est constant que la fille de M. X vit chez sa grand-mère maternelle et son fils chez sa mère ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu des circonstances de l'espèce, l'intérêt supérieur des enfants de M. X n'ait pas été pris en compte ;
Considérant, en troisième lieu, en ce qui concerne les stipulations de l'article 16 de la convention précitée aux termes desquelles : 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. / 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes, la mesure attaquée ne porte pas atteinte aux droits que enfants de M. X tiennent de ces stipulations ;
Considérant, en quatrième lieu, que les stipulations de l'article 9 de la même convention créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; que M. X ne peut donc utilement se prévaloir de ces stipulations pour demander l'annulation de l'arrêté litigieux ;
Considérant, enfin, que l'arrêté litigieux prononçant l'expulsion de M. X du territoire français n'indique pas que la mesure sera mise à exécution à destination de la Tunisie ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques que l'intéressé encourrait pour sa santé en cas de retour en Tunisie est inopérant et ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé sa décision du 23 juin 1999 ordonnant l'expulsion de M. ;
Sur les conclusions de M. X à fin d'annulation de l'arrêté du 8 août 1995 ordonnant sa reconduite à la frontière :
Considérant que ces conclusions nouvelles en appel concernent un litige distinct de celui qui fait l'objet du présent appel, et ne sont, pas suite, pas recevables ;
Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative s'opposent à la condamnation de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, à payer à M. X la somme qu'il réclame au tire des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
ARTICLE 1er : Le jugement n° 991093 du 25 octobre 2001 du Tribunal administratif de Besançon est annulé.
ARTICLE 2 : La demande présentée par M. Mongie X devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.
ARTICLE 3 : Les conclusions incidentes de M. Mongie X et à fin de condamnation au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
ARTICLE 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES et à M. Mongie X.
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