La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2001 | FRANCE | N°00NC00821

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, 27 septembre 2001, 00NC00821


(Troisième Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2000 au greffe de la cour, présentée pour la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG, dont le siège est ... (Bas-Rhin) par Me Roger, avocat aux conseils ;
La COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG demande à la cour :
1 / d'annuler le jugement du 9 mai 2000 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de France Télécom, d'une part, annulé la décision du 2 avril 1997 par laquelle elle a rejeté son recours gracieux tendant au retrait de la décision d'émettre à son encontre un titre de recette aux fins

de paiement d'une somme de 32 085 297,25 francs ainsi que l'avis de pai...

(Troisième Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2000 au greffe de la cour, présentée pour la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG, dont le siège est ... (Bas-Rhin) par Me Roger, avocat aux conseils ;
La COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG demande à la cour :
1 / d'annuler le jugement du 9 mai 2000 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de France Télécom, d'une part, annulé la décision du 2 avril 1997 par laquelle elle a rejeté son recours gracieux tendant au retrait de la décision d'émettre à son encontre un titre de recette aux fins de paiement d'une somme de 32 085 297,25 francs ainsi que l'avis de paiement émis pour avoir recouvrement de cette somme, d'autre part, déchargé France Télécom de l'obligation de payer cette somme ;
2 / de rejeter l'opposition formée par France Télécom au titre de recette émis à son égard ;
3 / de condamner France Télécom à lui payer la somme de 25 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du président de la troisième chambre de la cour portant clôture de l'instruction à compter du 14 août 2001 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le code des postes et télécommunications ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2001 :
- le rapport de M. VINCENT, Président,
- les observations de Me ROGER, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG, de Me X..., représentant Me LLORENS, avocat de la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS et de Me Y..., représentant Me ROSENFELD, avocat de FRANCE TELECOM,
- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, dans le cadre des travaux de construction de la première ligne de tramway dont la maîtrise d'ouvrage avait été déléguée par la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG à la Compagnie des transports strasbourgeois, celle-ci a été amenée à faire déplacer les ouvrages souterrains de télécommunication exploités par France Télécom ; que la communauté urbaine de Strasbourg a demandé le 23 décembre 1996 à France Télécom de prendre en charge le coût des travaux correspondants, puis émis à cet effet le 26 mars 1997 un titre exécutoire portant sur une somme de 32 085 297,25 francs ; que la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG relève appel du jugement du 9 mai 2000 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à la requête de France Télécom tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 2 avril 1997 de la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG rejetant son recours gracieux dirigé contre la décision susrappelée de lui faire supporter la charge desdits travaux, d'autre part, à l'annulation dudit état exécutoire ;
Sur le bien-fondé du titre exécutoire :
Considérant qu'aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article L.47 du code des postes et télécommunications : "L'exploitant public peut exécuter sur le sol ou le sous-sol des chemins publics et de leurs dépendances tous travaux nécessaires à la construction et à l'entretien des lignes de télécommunications ..." ; que, selon les dispositions, alors applicables, de l'ancien article L.47-1 du même code : "Les lignes de télécommunications empruntant la voie publique sont établies ou autorisées par l'exploitant public qui en détermine le tracé après concertation avec l'autorité responsable de la voie ..." ; qu'aux termes de l'article L. 113-2 du code de la voirie routière : "En dehors des cas prévus aux articles L.113-3 à L.113-7, l'occupation du domaine public routier n'est autorisée que si elle a fait l'objet, soit d'une permission de voirie dans le cas où elle donne lieu à emprise, soit d'un permis de stationnement dans les autres cas. Ces autorisations sont délivrées à titre précaire et révocable" ; qu'enfin, aux termes de l'article L.113-3 dudit code : " ... Les services publics de télécommunications et de transports ou de distribution d'électricité ou de gaz peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre" ; qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que si France Télécom tient directement de la loi le droit d'occuper le domaine public routier afin d'y installer des ouvrages de télécommunications, ce droit ne peut être mis en oeuvre que dans la mesure où il n'est pas incompatible avec les besoins correspondants à l'affectation dudit domaine ; que, dans le cas où ces besoins viendraient à exiger le déplacement ou le retrait des ouvrages ainsi installés, afin d'entreprendre dans l'intérêt du domaine public routier des travaux constituant une opération d'aménagement conforme à la destination de ce domaine, le coût de ces opérations doit être en règle générale supporté par le service dont dépendent les ouvrages ;

Considérant que les travaux de construction d'une ligne de tramway en site propre ont pour objet de faciliter la circulation sur la voie publique et sont ainsi entrepris dans l'intérêt du domaine public routier ; que l'implantation d'une ligne de tramway sur la voie publique doit être regardée comme un aménagement conforme à la destination normale du domaine public routier ; que, par suite, sans qu'y fassent obstacle ni les dispositions précitées des articles L. 47 et L. 47-1 du code des postes et télécommunications, ni celles des articles L.115-1 et suivants du code de la voirie routière, qui ne concernent que le mode d'exécution des travaux effectués sur les voies publiques, il incombe en l'espèce à France Télécom, en vertu du principe ci-dessus rappelé, de supporter sans indemnité les frais occasionnés par le transfert de ses réseaux nécessité par l'installation de la première ligne de tramway sur la voirie gérée par la communauté urbaine de Strasbourg ;
Considérant qu'en admettant même qu'une convention en sens contraire puisse conduire à écarter le principe précité de prise en charge du coût des frais de déplacement de leurs ouvrages par le service dont ils dépendent, une telle dérogation ne pourrait en tout état de cause procéder que d'une convention à laquelle est partie la collectivité propriétaire du domaine public routier ou, le cas échéant, celle appelée à en assurer l'aménagement et l'entretien et, par voie de conséquence, à effectuer les travaux conformes à la destination de ce domaine ; qu'en l'espèce, par application de l'article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales, la communauté urbaine de Strasbourg s'est vu transférer de plein droit les compétences attribuées aux communes en matière de voirie et était donc seule en mesure de consentir le cas échéant une dérogation au principe susrappelé ; que France Télécom ne saurait ainsi utilement invoquer les termes de la convention du 23 avril 1991 conclue entre elle-même et la Compagnie des transports strasbourgeois, selon lesquels celle-ci assure le financement des travaux de transfert des ouvrages de télécommunications en tant que maître d'ouvrage du réseau de tramway, dès lors qu'il ne ressort d'aucune disposition de ladite convention que la Compagnie des transports strasbourgeois aurait agi en qualité de mandataire de la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG, dont la seule participation à son élaboration ne saurait par ailleurs la faire regarder comme y étant elle-même partie ; qu'au demeurant, la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG avait expressément informé France Télécom par correspondance en date du 24 octobre 1990 confirmée le 29 janvier 1991 de ce qu'elle entendait faire application à son égard du principe précité et qu'elle serait ainsi amenée le moment venu à lui facturer les sommes qu'elle aurait exposées pour procéder aux déviations de réseaux après en voir remboursé le montant à la Compagnie des transports strasbourgeois, appelée à les préfinancer, comme il résulte des termes de la convention du 27 décembre 1990 conclue entre ladite compagnie et la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour faire droit aux conclusions susénoncées de France Télécom, le tribunal administratif de Strasbourg a opposé à la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG les stipulations de la convention précitée conclue entre France Télécom et la Compagnie des transports strasbourgeois ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par France Télécom devant le tribunal administratif de Strasbourg et devant la cour ;
Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition de la convention précitée du 23 avril 1991 que la Compagnie des transports strasbourgeois se serait engagée à prendre définitivement à sa charge le coût de transfert des réseaux de France Télécom ; qu'au surplus, ladite convention est postérieure à celle susmentionnée conclue entre la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG et la Compagnie des transports strasbourgeois ; que, par suite, France Télécom ne saurait sérieusement alléguer que ladite Compagnie aurait sciemment méconnu le prétendu engagement définitif qu'elle aurait souscrit à son égard en demandant à la communauté urbaine le remboursement des frais exposés et en mettant ainsi celle-ci à même, par l'effet d'une "tierce complicité", de lui en réclamer le remboursement ; qu'à la supposer établie, une éventuelle faute quasi-délictuelle de la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG aurait d'ailleurs pour seule conséquence d'engager sa responsabilité vis-à-vis de France Télécom et demeurerait ainsi en tout état de cause sans incidence sur le bien-fondé du titre de recette litigieux ; que, par suite, France Télécom n'est pas fondée à soutenir que ledit titre de recette devrait être annulé en tant que procédant d'une faute quasi-délictuelle de la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet des demandes de France Télécom devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur les conclusions tendant au versement des intérêts afférents aux sommes mises en recouvrement et à la capitalisation desdits intérêts :
Considérant que la présente décision a pour effet de lever l'opposition formée par France Télécom à l'encontre du titre exécutoire émis par la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG pour avoir recouvrement de la somme précitée de 32 085 297,25 F ; qu'il appartient à celle-ci, si elle s'y croit fondée, d'émettre un nouveau titre exécutoire aux fins de versement des intérêts au taux légal ayant couru depuis la notification dudit titre exécutoire, lesdits intérêts étant eux-mêmes capitalisés ; que, par suite, les conclusions susénoncées ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions en garantie formées par France Télécom et dirigées contre la Compagnie des transports strasbourgeois :

Considérant que, comme il vient d'être dit, il ne résulte d'aucune disposition de la convention susmentionnée du 23 avril 1991 que la Compagnie des transports strasbourgeois se serait engagée à prendre définitivement à sa charge le coût de transfert des réseaux de télécommunications ; qu'ainsi la décision de la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG d'émettre à l'encontre de France Télécom un titre de recette aux fins de recouvrement de la somme correspondant au coût de transfert des réseaux de télécommunications ne procède pas d'une prétendue méconnaissance par la Compagnie des transports strasbourgeois des obligations qu'elle a contractées vis-à-vis de France Télécom ; que, par suite, les conclusions de celle-ci tendant à ce que la Compagnie des transports strasbourgeois soit condamnée à lui rembourser les sommes qu'elle doit verser à la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG sur le fondement des "principes dont s'inspirent les articles 1134,1135 et 1175 du code civil" ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner France Télécom à verser distinctement à la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG et à la Compagnie des transports strasbourgeois une somme de 20 000 francs au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG et la Compagnie des transports strasbourgeois, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, soient condamnées à verser à France Télécom la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 9 mai 2000 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par France Télécom devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : France Télécom versera distinctement à la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG et à la Compagnie des transports strasbourgeois une somme de 20 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG est rejeté.
Article 5 : le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG, à France Télécom et à la Compagnie des transports strasbourgeois.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 00NC00821
Date de la décision : 27/09/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPTABILITE PUBLIQUE - CREANCES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - RECOUVREMENT - PROCEDURE - ETAT EXECUTOIRE.

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - REGIME - OCCUPATION - UTILISATIONS COMMUNES.

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - REGIME - CONSEQUENCES DU REGIME DE LA DOMANIALITE PUBLIQUE SUR D'AUTRES LEGISLATIONS.

POSTES ET TELECOMMUNICATIONS - TELECOMMUNICATIONS.

TRANSPORTS - TRANSPORTS ROUTIERS - TRANSPORTS EN COMMUN DE VOYAGEURS.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code de la voirie routière L115-1
Code des postes et télécommunications L47, L47-1, L113-3, L113-2
Code général des collectivités territoriales L5215-20


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. VINCENT
Rapporteur public ?: M. ADRIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2001-09-27;00nc00821 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award