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28/10/1999 | FRANCE | N°95NC00543

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 28 octobre 1999, 95NC00543


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 31 mars 1995 sous le n 95NC00543, présentée pour M. Z... demeurant ... (Bas-Rhin) par Me Y..., avocat ;
M. Z... demande à la Cour :
1 - d'annuler le jugement n 891101 en date du 3 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des pénalités auxquels il a été assujetti au titre des années 1981, 1982, 1983 et 1984 ;
2 - de prononcer la décharge demandée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
V

u le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des t...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 31 mars 1995 sous le n 95NC00543, présentée pour M. Z... demeurant ... (Bas-Rhin) par Me Y..., avocat ;
M. Z... demande à la Cour :
1 - d'annuler le jugement n 891101 en date du 3 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des pénalités auxquels il a été assujetti au titre des années 1981, 1982, 1983 et 1984 ;
2 - de prononcer la décharge demandée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 1999 :
- le rapport de M. PAITRE, Président,
- et les conclusions de M. STAMM, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité d'un cabinet comptable que M. X... déclarait exploiter à titre individuel avec la collaboration de M. Z..., l'administration, estimant que le cabinet était en réalité exploité par une société de fait formée entre MM. X... et Z..., a réintégré dans les résultats de ladite société les sommes qui avaient été déduites en tant que salaires versés à M. Z... durant les années 1981 à 1984, et les a qualifiées de bénéfices industriels et commerciaux, imposables en totalité comme revenus catégoriels de M. Z... ; que ce redressement a fait l'objet, le 11 juin 1985, de deux notifications, l'une adressée à la société de fait, l'autre à M. Z..., la seconde étant motivée par référence à la première ; que les compléments d'impôt sur le revenu assignés à M. Z... ayant été dégrevés à la suite d'une irrégularité ayant affecté la procédure postérieure aux notifications, les redressements ont fait l'objet, le 15 mai 1987, de deux nouvelles notifications, également adressées à la société de fait et à M. Z..., et les compléments d'impôt sur le revenu assignés à M. Z... ont été mis en recouvrement le 31 août 1988 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de décharge de ces compléments d'impôt sur le revenu dont l'avait saisi M. Z..., après avoir accueilli une demande de substitution de base légale de l'administration tendant à ce que les revenus en litige soient imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;
Sur la prescription des compléments d'impôt assignés au titre des années 1981 et 1982 :
Considérant, d'une part, qu'en application des dispositions, applicables en l'espèce, du 1 de l'article 1966 du code général des impôts et, à compter du 1er janvier 1982, de l'article L.169 du livre des procédures fiscales, pour l'impôt sur le revenu, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la quatrième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, et qu'aux termes des dispositions, elles aussi applicables en l'espèce, de l'article L.189 du même livre : "La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressements" ; que l'interruption de la prescription par une notification de redressement conforme, en cas de mise en oeuvre de la procédure contradictoire, aux prescriptions de l'article L.57 du livre des procédures fiscales, reste acquise à l'administration, même dans le cas où, après avoir mis en recouvrement des impositions établies sur la base du redressement notifié, elle en prononce ultérieurement d'office le dégrèvement ; que, par suite, l'administration reste en droit de procéder à une nouvelle imposition, dans la limite du redressement antérieurement notifié, jusqu'à l'expiration du nouveau délai de répétition qui a recommencé à courir à compter de la notification ;
Considérant, d'autre part, qu'une notification de redressement peut valablement se référer à la motivation d'une autre notification, dès lors que celle-ci peut être regardée comme adressée au même contribuable ;

Considérant que si la notification de redressement adressée le 11 juin 1985 à M. Z... est exclusivement motivée par référence à la motivation de la notification de redressement adressée le même jour à la société de fait Marcel X... - Jean-Claude Z..., celle-ci comporte l'indication des motifs pour lesquels l'administration estimait que les rémunérations perçues par M. Z... en contrepartie de son activité dans le cabinet comptable avaient le caractère de bénéfices industriels et commerciaux ; que s'il résulte des termes de la convention intervenue le 15 avril 1976 entre MM. Z... et X... que ce dernier n'avait aucune réelle participation à la direction et au contrôle du cabinet, les honoraires forfaitairement fixés qui devaient lui être annuellement versés ne pouvant par ailleurs être regardés comme une participation aux bénéfices et aux pertes de l'exploitation, et si, dès lors, il n'existait pas de société de fait entre MM. Z... et X..., la notification de redressement adressée à la prétendue société de fait peut être regardée comme adressée, notamment, à M. Z..., en tant qu'exploitant individuel réel du cabinet ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient M. Z..., cette notification, qui comportait les précisions exigées par l'article L.57 du livre des procédures fiscales, a interrompu la prescription à son égard, en ce qui concerne, en particulier, les impositions assignées au titre des années 1981 et 1982 ; que cette interruption est restée acquise à l'administration, alors même qu'elle a, le 21 février 1987, prononcé d'office le dégrèvement des impositions supplémentaires qui avaient été mises en recouvrement sur la base des redressements notifiés ; qu'elle restait ainsi en droit de procéder, dans la limite de ces redressements, à l'établissement de nouvelles impositions jusqu'à l'expiration du délai de répétition qui avait recommencé à courir le 11 juin 1985 ; qu'il s'ensuit qu'à la date du 15 mai 1987, à laquelle l'administration a, de nouveau, notifié à M. Z... les redressements intéressant l'impôt sur le revenu des années 1981 et 1982, le délai dans lequel pouvait s'exercer le droit de reprise de l'administration en ce qui concerne ces impositions n'était pas expiré ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la motivation des notifications de redressement du 15 mai 1987 :

Considérant que si la notification de redressement adressée le 15 mai 1987 à M. Z... est exclusivement motivée par référence à la motivation de la notification de redressement adressée le même jour à la société de fait Marcel X... - Jean-Claude Z..., celle-ci comporte l'indication des motifs pour lesquels l'administration estimait que les rémunérations perçues par M. Z... en contrepartie de son activité dans le cabinet comptable avaient le caractère de bénéfices industriels et commerciaux ; que si, ainsi qu'il a déjà été dit ci-dessus, il n'existait pas de société de fait entre MM. Z... et X..., la notification de redressement adressée à la prétendue société de fait peut être regardée comme adressée, notamment, à M. Z..., en tant qu'exploitant individuel réel du cabinet ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient M. Z..., la notification qui lui a été adressée à titre personnel, motivée par référence à la notification adressée à la prétendue société de fait, comportait les précisions exigées par l'article L.57 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne le recours à la procédure d'évaluation d'office :
Considérant qu'aux termes de l'article L.73 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : "Peuvent être évalués d'office : ... 2 Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés, quel que soit leur régime d'imposition, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 ou à l'article 101 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ..." ; qu'il résulte des dispositions du II de l'article 81 de la loi n 86-1317 du 30 décembre 1986 que la procédure d'évaluation d'office n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure ; que si l'article 108 de la loi n 92-1376 du 30 décembre 1992 dispose que : "I Sauf disposition contraire, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de mise en recouvrement des impositions. II. Les dispositions du I s'appliquent aux formalités accomplies avant la publication de la présente loi", ces dispositions n'ont pas eu pour objet d'obliger l'administration, lorsqu'une loi nouvelle subordonne l'évaluation d'office de bénéfices pour défaut de déclaration à l'envoi d'une mise en demeure d'effectuer ladite déclaration, à procéder à l'accomplissement de cette formalité dans le cas où la situation d'évaluation d'office était acquise antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi ; qu'ainsi, dans le cas où le délai légal dans lequel un contribuable est tenu de déposer ses déclarations de bénéfices non commerciaux est venu à expiration avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 81 de la loi du 30 décembre 1986, l'administration a pu régulièrement procéder, y compris après l'entrée en vigueur de ces dispositions, à l'évaluation d'office desdits bénéfices, sans mettre en demeure l'intéressé de déposer sa déclaration ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Z... n'a pas effectué dans les délais fixés par le code général des impôts la déclaration des bénéfices non commerciaux dégagés par son activité au sein du cabinet durant les années 1981 à 1984 ; que ces délais sont venus à expiration avant l'entrée en vigueur des dispositions susmentionnées de l'article 81-II de la loi du 30 décembre 1986 ; que, par suite, l'administration pouvait évaluer d'office lesdits bénéfices, sur le fondement de l'article L.73 du livre des procédures fiscales, alors même qu'elle n'avait pas préalablement adressé à M. Z... une mise en demeure d'établir ses déclarations ;
En ce qui concerne la privation alléguée d'une garantie liée à la mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit :
Considérant que si l'administration remet en cause la qualification de salaires des sommes versées à M. Z... durant les années en litige en rémunération de son activité au sein du cabinet, elle ne conteste pas la sincérité, la nature ou le caractère de la convention intervenue le 15 avril 1976 entre MM. Z... et X..., laquelle, si elle définit en particulier les modalités suivant lesquelles M. Z... exerce son activité au sein du cabinet, et mentionne que M. Z... prendra provisoirement le statut de salarié de M. X..., ne présente pas le caractère d'un contrat de travail, dont l'administration devrait être regardée comme ayant mis en cause la sincérité à l'occasion de la requalification susmentionnée ; qu'ainsi, le requérant ne peut utilement faire valoir que les compléments d'impôt assignés en conséquence du redressement ont été mis en recouvrement, le 30 août 1988, sans qu'il ait bénéficié des garanties prévues par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L.64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de l'article 14 de la loi n 87-502 du 8 juillet 1987 ;
En ce qui concerne la motivation des pénalités :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient M. Z..., les pénalités dont ont été assortis les droits en litige ont fait l'objet d'une motivation, par lettre dont il a accusé réception le 27 janvier 1988 ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. Z... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des pénalités auxquels il a été assujetti au titre des années 1981, 1982, 1983 et 1984 ;
Sur les conclusions de M. Z... tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. Z... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. Z... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Z..., et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95NC00543
Date de la décision : 28/10/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - TEXTE APPLICABLE (DANS LE TEMPS ET DANS L'ESPACE) - Loi nouvelle subordonnant l'évaluation d'office de bénéfices pour défaut de déclaration à l'envoi d'une mise en demeure d'effectuer ladite déclaration - Applicabilité dans le cas où les délais de déclaration sont venus à expiration avant l'entrée en vigueur de la loi - Absence - nonobstant les dispositions de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992.

19-01-01-02, 19-04-02-05-03 L'article 108 de la loi du 30 décembre 1992 dispose que : "I. Sauf disposition contraire, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de mise en recouvrement des impositions. II. Les dispositions du I s'appliquent aux formalités accomplies avant la publication de la présente loi". Ces dispositions n'ont pas eu pour objet d'obliger l'administration, lorsqu'une loi nouvelle subordonne l'évaluation d'office de bénéfices pour défaut de déclaration à l'envoi d'une mise en demeure d'effectuer ladite déclaration, à procéder à l'accomplissement de cette formalité dans le cas où la situation d'évaluation d'office était acquise antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi. Ainsi, dans le cas où le délai légal dans lequel un contribuable est tenu de déposer ses déclarations de bénéfices non commerciaux est venu à expiration avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 81 de la loi du 30 décembre 1986, qui a subordonné l'application de la procédure d'évaluation d'office à l'absence de régularisation par le contribuable de sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure, l'administration a pu régulièrement procéder, y compris après l'entrée en vigueur de ces dispositions, à l'évaluation d'office desdits bénéfices, sans mettre en demeure l'intéressé de déposer sa déclaration.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - NOTIFICATION DE REDRESSEMENT - MOTIVATION - Motivation d'une notification de redressement par référence à une autre notification pouvant être regardée comme adressée au même contribuable - Caractère suffisant.

19-01-03-02-02-01 Une notification de redressement peut valablement se référer à la motivation d'une autre notification, dès lors que celle-ci peut être regardée comme adressée au même contribuable. Application à une notification de redressement adressée à X, motivée par référence à la motivation de la notification de redressement adressée le même jour à une société de fait qu'auraient formée Y et X pour exploiter un cabinet comptable. Alors même que cette société de fait n'existe pas, la notification de redressement qui lui a été adressée peut être regardée comme visant, notamment, X, en tant qu'exploitant individuel réel du cabinet. Dès lors la notification adressée à titre personnel à X, motivée par référence à la motivation, suffisante, de la notification adressée à la prétendue société de fait, comportait les précisions exigées par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES NON COMMERCIAUX - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - Loi nouvelle subordonnant l'évaluation d'office des bénéfices non commerciaux pour défaut de déclaration à l'envoi d'une mise en demeure d'effectuer ladite déclaration - Applicabilité dans le cas où les délais de déclaration sont venus à expiration avant l'entrée en vigueur de la loi - Absence - nonobstant les dispositions de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992.


Références :

CGI 1966
CGI Livre des procédures fiscales L169, L189, L57, L73, L64
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 86-1317 du 30 décembre 1986 art. 81
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 14
Loi 92-1376 du 30 décembre 1992 art. 108


Composition du Tribunal
Président : Mme Simon
Rapporteur ?: M. Paitre
Rapporteur public ?: M. Stamm

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1999-10-28;95nc00543 ?
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