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06/07/1995 | FRANCE | N°93NC01169

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 06 juillet 1995, 93NC01169


Vu le recours, enregistré le 30 novembre 1993 au greffe de la Cour, présenté au nom de l'Etat par le MINISTRE DU BUDGET ;
Le ministre demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du 29 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a accordé à M. X... la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1987 et 1988 ;
2° de rétablir M. X... au rôle de l'impôt sur le revenu à raison de l'intégralité des droits résultant de la réintégration des frais de repas déduits au titre des années 1987 e

t 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le l...

Vu le recours, enregistré le 30 novembre 1993 au greffe de la Cour, présenté au nom de l'Etat par le MINISTRE DU BUDGET ;
Le ministre demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du 29 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a accordé à M. X... la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1987 et 1988 ;
2° de rétablir M. X... au rôle de l'impôt sur le revenu à raison de l'intégralité des droits résultant de la réintégration des frais de repas déduits au titre des années 1987 et 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 1995 :
- le rapport de M. VINCENT, Conseiller,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la recevabilité du recours du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales : "A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ... qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre" ; qu'aux termes de l'article R.229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le délai d'appel est de deux mois ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, sauf au cas où le jugement attaqué a été signifié au ministre chargé du budget, celui-ci dispose pour faire appel d'un délai de quatre mois à compter de la notification dudit jugement au directeur des services fiscaux ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le jugement attaqué ait été signifié au MINISTRE DU BUDGET ; que ledit jugement a été notifié au directeur des services fiscaux de la Haute-Marne le 1er août 1993 ; que le recours du MINISTRE DU BUDGET dirigé contre ce jugement a été enregistré au greffe de la Cour le 30 novembre 1993, soit avant l'expiration du délai de quatre mois imparti en l'espèce au ministre pour faire appel ; que, par suite, ledit recours est recevable ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts, relatif à la détermination des bénéfices imposables des professions non commerciales : 1 "Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ..." ; que les frais de toute nature, et notamment les frais de transport et les frais supplémentaires de repas qu'exposent les contribuables à l'occasion des déplacements entre leur domicile et leur lieu de travail sont, en règle générale, nécessités par l'exercice de la profession et doivent donc, à ce titre, être admis en déduction en vertu des dispositions précitées de l'article 93 du code général des impôts lorsque leur réalité est établie ; qu'il en va toutefois autrement lorsque, eu égard aux circonstances de l'espèce, l'installation ou le maintien du domicile dans un lieu différent du lieu de travail présente un caractère anormal ;
Considérant que M. X..., qui était domicilié lors des années d'imposition litigieuses à Monsaon, localité distante de 10 km de Chaumont, où il exerce la profession d'avocat, a porté dans ses charges professionnelles au titre des déclarations afférentes aux années 1982 et 1983 des frais de transport correspondant à un aller et retour quotidien entre sa résidence et son lieu de travail ainsi que les frais supplémentaires de repas de midi pris à Chaumont ;

Considérant que le maintien du domicile de M. X... à 10 km de son lieu de travail ne présente pas un caractère anormal ; qu'il s'ensuit que les frais supplémentaires de repas exposés par l'intéressé en raison de l'éloignement de son domicile présentent, au même titre que les frais de transport, qui ont d'ailleurs été admis en l'espèce par l'administration, le caractère de dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ; que le ministre ne saurait se prévaloir de sa propre doctrine pour s'opposer à cette déduction ; que la nécessité de la dépense étant, aux termes des dispositions précitées, la seule condition à laquelle est subordonné le principe même de sa déductibilité, la seule circonstance que le requérant ne soit pas, contrairement aux salariés, dans une situation de subordination vis à vis d'un employeur, est sans influence sur la qualification des frais de repas au regard desdites dispositions ; que par suite, le moyen tiré de ce que les frais supplémentaires de repas exposés par M. X... ne seraient pas déductibles en tant qu'ils présenteraient le caractère de dépenses personnelles doit être rejeté ;
Considérant toutefois que, conformément aux dispositions de l'article L.199-C du livre des procédures fiscales, l'administration peut à tout moment, y compris devant le juge d'appel, invoquer tout moyen nouveau de nature à justifier l'imposition ; que l'administration ne saurait être tenue en pareil cas d'adresser préalablement au contribuable une notification de redressements se substituant à la précédente et fondant l'imposition sur ce nouveau moyen, dès lors que celle-ci a été déjà mise en recouvrement ;
Considérant que le MINISTRE DU BUDGET soutient à bon droit que la déduction forfaitaire des frais supplémentaires de repas ne peut être admise, conformément aux dispositions de l'article 93 du code général des impôts, qu'à la condition que la réalité des dépenses correspondantes soit établie ; que si M. X... fait valoir qu'une telle substitution de motifs ne pourrait être opérée en l'espèce, dès lors que la commission départementale des impôts, dont la saisine a été refusée au motif que le litige relatif au principe même de la déductibilité posait une question de droit, aurait été en revanche compétente pour se prononcer sur le litige tel qu'issu du nouveau motif invoqué par l'administration, l'intéressé ne conteste pas avoir déterminé de manière forfaitaire ses frais supplémentaires de repas et ne produit devant la Cour aucune pièce justifiant la réalité de ces frais ; que, dans ces conditions, le moyen invoqué par le ministre ne pose aucune question de fait relevant de la compétence de la commission départementale ; que la substitution de motifs proposée à titre subsidiaire par le MINISTRE DU BUDGET peut en conséquence être accueillie sans porter atteinte aux garanties procédurales accordées par la loi au contribuable ;
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, M. X... ne justifie pas la réalité des frais supplémentaires de repas qu'il a déduits de ses bénéfices imposables au titre des années 1987 et 1988 ; que, par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de rétablir M. X... au rôle de l'impôt sur le revenu à raison des droits résultant de la réintégration des frais litigieux dans les bases imposables desdites années ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 29 juin 1993 est annulé.
Article 2 : L'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre des années 1987 et 1988 est remis à sa charge à raison de l'intégralité des droits résultant de la réintégration des frais de repas déduits au titre desdites années.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES et à M. X....


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93NC01169
Date de la décision : 06/07/1995
Sens de l'arrêt : Annulation droits maintenus
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-05-02,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES NON COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE IMPOSABLE -Dépense nécessitée par l'exercice de la profession - Existence - Frais supplémentaires de repas de midi d'un avocat lorsque l'installation du domicile dans un lieu différent du lieu de travail ne présente pas un caractère anormal (1).

19-04-02-05-02 Les frais de transport qu'exposent les titulaires de bénéfices non commerciaux pour aller prendre leurs repas de midi à leur domicile, lorsque celui-ci est éloigné de leur lieu de travail, sont nécessités par l'exercice de la profession et peuvent ainsi, à condition que le contribuable en justifie la réalité, être admis en déduction en vertu de l'article 93 du code général des impôts lorsque l'installation ou le maintien du domicile dans un lieu différent du lieu de travail ne présente pas un caractère anormal.


Références :

CGI 93
CGI Livre des procédures fiscales R200-18, L199 C
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R229

1.

Cf. CE, 1990-01-17, Mme Boudillon-Chabanier, T. p. 734


Composition du Tribunal
Président : M. Léger
Rapporteur ?: M. Vincent
Rapporteur public ?: M. Commenville

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1995-07-06;93nc01169 ?
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