VU la requête, enregistrée le 6 août 1992 au greffe de la Cour, présentée par Madame Thérèse X..., demeurant ... 65 (Allemagne) ;
Madame X... demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement du 14 avril 1992 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête tendant à condamner l'administration à lui payer une somme de 290 000 F en réparation des préjudices subis à raison de l'avis à tiers détenteur émis le 16 octobre 1984 et des actes de poursuite subséquents dont elle a fait l'objet ;
2°) - de déclarer l'Etat responsable de son préjudice à raison de la faute lourde qu'il a commise en lui adressant un avis à tiers détenteur ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 1995 :
- le rapport de M. VINCENT, Conseiller ;
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article L.274 du livre des procédures fiscales : "Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre ans par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous ... actes interruptifs de la prescription" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X... a été recherchée en paiement de sommes dues par son conjoint à raison notamment de compléments d'impôt sur le revenu au titre des années 1974 et 1975 et de la taxe d'habitation de l'année 1975 ; que les cotisations d'impôt sur le revenu ont été mises en recouvrement le 28 février 1977 ; qu'il n'est pas établi que la date de mise en recouvrement de la taxe d'habitation serait postérieure à l'année 1975 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la prescription ayant ainsi couru ait été interrompue avant le 20 février 1981, date à laquelle a été prononcée la liquidation de biens de l'entreprise de M.
X...
; que, par suite, l'action en recouvrement de la taxe d'habitation doit être regardée comme prescrite à cette dernière date ; que si, en revanche, le cours du délai de prescription de quatre ans n'était alors pas expiré en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et a été suspendu jusqu'au jugement de clôture pour insuffisance d'actif prononcé le 14 septembre 1984, date à laquelle le comptable du Trésor a retrouvé son droit de poursuite individuelle, il ressort de ce qui précède que ce délai était expiré lorsque le percepteur de Bohain a décerné le 16 octobre 1984 un avis à tiers détenteur à l'encontre de la société E.G.R., ancien employeur de M. X... et dont la requérante était alors gérante ; qu'aucun des autres actes notifiés à Mme X... en 1984 en tant que solidairement responsable des dettes fiscales de son mari ne constitue un acte de poursuite et n'a pu, par suite, interrompre la prescription ; que, dès lors, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la prescription de l'action en recouvrement du comptable du Trésor était acquise à l'égard des impositions en cause lorsque Mme X... a fait l'objet d'un commandement de payer en date du 15 novembre 1985 ;
Considérant qu'en poursuivant le recouvrement d'impositions après expiration du délai de prescription prévu à cet effet , les services du Trésor n'ont pas fait un usage régulier des pouvoirs qui leur sont dévolus et ont ainsi commis une faute ; que toutefois, eu égard aux circonstances de l'espèce et notamment aux difficultés pouvant s'attacher au décompte du délai de prescription en raison de la liquidation de biens de M. X..., ni la notification de l'avis à tiers détenteur précité, ni celle du commandement de payer ainsi que de la saisie-exécution et de la vente mobilière qui l'ont suivie ne peuvent être regardées comme constitutives d'une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à condamner l'Etat à lui verser une somme de 290 000 F à raison des préjudices qu'elle déclare avoir subis ;
Sur l'obligation de payer les impositions en cause :
Considérant que les conclusions de Mme X... formulées dans la présente instance tant devant le tribunal administratif d'Amiens que dans sa requête d'appel devant la Cour tendaient uniquement à engager la responsabilité de l'Etat à raison des actes de poursuite notifiés à son encontre pour avoir paiement des impositions précitées dues par M. X... ; que les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer lesdites impositions, formulées pour la première fois dans le mémoire complémentaire enregistré le 16 février 1995 au greffe de la Cour, constituent une demande nouvelle en appel, qui n'est pas recevable ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais d'instance :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que l'Etat n'est pas partie perdante dans la présente instance ; que, par suite, les conclusions de Mme X... tendant à ce que lui soient remboursés les frais exposés par elle et non compris dans les dépens, au demeurant non chiffrés, ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées ;
Article 1 : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X... et au ministre de l'économie et des finances.