Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 1993 présentée pour la société Central'Abat dont le siège social est ... - Le Creusot (71200), par Me X..., Avocat au barreau de Roanne ;
La société Central'Abat demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 27 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa requête tendant à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 1983, 1984, 1985 sous les articles 60 001, 60 002, 60 003 mis en recouvrement le 28 février 1989 ;
2°) d'accorder les décharges demandées ;
3°) d'accorder le remboursement des frais exposés tant en première instance qu'en appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 janvier 1995 :
- le rapport de Mme FELMY, Conseiller-rapporteur,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par un jugement du 14 juin 1983, le tribunal de commerce de Nancy a homologué le plan de redressement économique et financier et d'apurement du passif de la société Paris Sud Abat (P.S.A.) ; que ce plan, qui consistait en la reprise de ladite société par la société Michaux Bronchain, filiale de la société Unisabi, prévoyait notamment que les associés de la société P.S.A. céderaient leurs parts au repreneur pour le prix de 1 F et renonceraient à leurs créances sur ladite société ; qu'en exécution de ce jugement, la société Central'Abat, qui détenait 46 % des parts de P.S.A., a constaté en comptabilité en 1983 une perte de 542 377 F, montant de sa créance abandonnée ; que le vérificateur a regardé cet abandon comme constituant un acte anormal de gestion et en a rapporté le montant aux résultats de l'exercice 1983 ; que, ce redressement ayant annulé le report déficitaire déclaré par la société à la clôture dudit exercice, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été établies au titre des exercices 1983, 1984 et 1985 dont la société Central'Abat demande la décharge ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à la date de l'abandon de créance en litige, la société P.S.A. se trouvait dans une situation financière gravement obérée, caractérisée par la constatation, au 31 décembre 1982, d'un déficit de 1 789 900 F et d'une situation nette négative de 1 387 017 F, qui la contraignait à brève échéance à déposer son bilan ; que, selon les affirmations non contestées de la requérante, une telle issue était de nature à altérer ses propres relations avec ses fournisseurs et ses banquiers, communs à elle-même et à sa filiale ; que, dans ces circonstances, la décision de la société Central'Abat de souscrire aux conditions dictées par Unisabi, unique client et seul repreneur potentiel de ladite société, en vue d'éviter la liquidation de celle-ci ne saurait, par elle-même, être qualifiée d'un acte anormal de gestion, quand bien même le parti retenu comportait pour elle des conséquences financières identiques à celles qui auraient résulté d'un dépôt de bilan ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte clairement des dispositions du plan de redressement susmentionné que la cession des parts des associés pour un prix symbolique et l'abandon de leurs créances constituaient les conditions indivisibles de l'accord donné par Unisabi pour la reprise de P.S.A. par l'une de ses filiales ; que l'administration ne saurait dès lors, en dissociant ces deux clauses d'un arrangement global, soutenir que la société requérante a consenti un abandon de créance à une société qui, du fait de la cession de ses parts, lui était devenue étrangère ;
Considérant, en troisième lieu, que si l'administration soutient que la société Central'Abat aurait eu principalement en vue de protéger son dirigeant contre les risques financiers auxquels l'exposait la caution personnelle qu'il avait donnée à un emprunt conclu par la société P.S.A., il résulte en tout état de cause de l'instruction que cet engagement de caution a subsisté à la transaction intervenue et produisait encore ses effets en 1987 ;
Considérant, enfin, qu'en indiquant que ce même dirigeant a été ultérieurement recruté comme cadre salarié par une autre filiale d'Unisabi, l'administration ne rapporte pas la preuve que cet événement ait constitué la contrepartie directe de l'abandon de créance en litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Central'Abat est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a refusé de faire droit à sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés ayant résulté de la réintégration de la somme de 542 377 F dans ses résultats de l'exercice 1983 ; qu'il y a lieu, en conséquence d'accorder à la société Central' Abat les dégrèvements correspondants ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que la société requérante s'est abstenue de chiffrer ses prétentions ; que sa demande ne peut dès lors qu'être rejetée ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 27 octobre 1992 est annulé.
Article 2 : La base de l'impôt sur les sociétés assignée à la société Central'Abat au titre de l'exercice 1983 est réduite d'une somme de 542 377 F.
Article 3 : La société Central'Abat est déchargée de la fraction des droits et pénalités d'impôts sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices 1983, 1984 et 1985 formant surtaxe en exécution de l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions de la société Central'Abat tendant au remboursement des frais exposés tant en première instance qu'en appel sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Central'Abat et au ministre du budget.