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04/10/1994 | FRANCE | N°93NC00866

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 04 octobre 1994, 93NC00866


VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 septembre 1993, présentée pour M. Albert X..., demeurant ... (Moselle), par Me Y... et Me GUTTON, avocats au barreau de Nancy ;
M. X... demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement du 6 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 1981 au 30 avril 1985 ;
2°) - de prononcer la décharge de l'imposition litigieuse et des pénalités y afférentes ;
VU l'ord

onnance du président de la 2ème chambre de la Cour, portant clôture de l'instru...

VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 septembre 1993, présentée pour M. Albert X..., demeurant ... (Moselle), par Me Y... et Me GUTTON, avocats au barreau de Nancy ;
M. X... demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement du 6 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 1981 au 30 avril 1985 ;
2°) - de prononcer la décharge de l'imposition litigieuse et des pénalités y afférentes ;
VU l'ordonnance du président de la 2ème chambre de la Cour, portant clôture de l'instruction à compter du 4 juillet 1994 à 16 heures ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU la 6ème directive C.E.E. du 17 mai 1977 ;
VU le règlement C.E.E. 1224/80 du 28 mai 1980 ;
VU la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 1994 :
- le rapport de M. VINCENT, Conseiller ;
- les observations de Me GUTTON, avocat de M. X... ;
- et les conclusions de M. COMMENVILLE , Commissaire du Gouvernement ;

Sur les conclusions en décharge des redressements afférents aux "ventes non soumises à la taxe sur la valeur ajoutée" :
Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ..." ;
Considérant que, par notification en date du 11 septembre 1985, l'administration a effectué un redressement au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1984 portant sur des "ventes non soumises à la taxe sur la valeur ajoutée" ; que ladite notification qui se borne à faire mention du "montant hors taxe des ventes non soumises au taux de 18,6 %" et du calcul du montant de la taxe correspondante à verser, ne comporte aucun exposé des motifs de droit de nature à justifier le principe des redressements envisagés ; que l'imposition correspondante a ainsi été établie selon une procédure irrégulière ; que, par suite, M. X... est fondé à obtenir la décharge de la somme de 13 294 F de droits correspondant au redressement litigieux et des pénalités y afférentes et à demander la réformation du jugement attaqué en ce sens ;
Sur les conclusions en décharge des redressements afférents aux ventes en franchise de taxe à des résidents étrangers :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée" ;
Considérant que, dans sa réponse à la notification de redressements précitée, s'appliquant également aux ventes en franchise de taxe à des résidents étrangers, M. X... s'est notamment prévalu de l'accord tacite du service des douanes quant à cette pratique ; que, dans sa réponse à ces observations, l'administration a maintenu intégralement les redressements en se référant à la motivation figurant dans ladite notification et en indiquant entre autres précisions que la circonstance que les bordereaux de vente remis aux clients étrangers aient été signés par le service des douanes était sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition ; que l'administration a ce faisant suffisamment motivé sa réponse aux observations de M. X... ; que si elle n'a pas expressément répondu à l'argument invoqué par ce dernier selon lequel il ne saurait reverser à l'Etat une taxe qu'il n'avait pas encaissée, un tel argument était en l'espèce inopérant au regard des motifs des redressements, fondés sur la méconnaissance par le redevable des dispositions précitées de l'article 262-I du code général des impôts en tant que les biens vendus aux ressortissants étrangers étaient indûment exonérés de la taxe perçue par l'Etat français dès lors que leur valeur unitaire était inférieure aux seuils au-delà desquels ils sont soumis à la taxe lors de leur importation dans le pays de destination ; que l'administration n'était pas ainsi tenue de répondre à cet argument ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 262-I du code général des impôts : "Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée les exportations de biens meubles corporels ... Sont assimilées à des exportations de biens les livraisons de biens expédiés ou transportés hors de France par l'acheteur qui n'est pas établi en France ou pour son compte, à l'exclusion : ... b) des biens expédiés ou transportés par des personnes résidant dans un autre Etat membre de la Communauté économique européenne ou pour le compte de ces personnes, lorsque les biens bénéficient d'une franchise de la taxe sur la valeur ajoutée lors de leur importation dans cet Etat" ;
Considérant, d'une part, que les dispositions susénoncées ont pour objet d'exclure de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée dont bénéficient en règle générale les exportations effectuées vers un autre Etat membre de la Communauté économique européenne les exportations qui, eu égard notamment au prix unitaire des biens sur lesquelles elles portent, sont pratiquées en franchise de taxe lors de leur importation dans cet Etat ; qu'elles sont ainsi compatibles avec les objectifs généraux de la sixième directive visant à assurer la neutralité du système commun de taxes sur le chiffre d'affaires et, par suite, à exclure sauf exception toute absence de taxation ou double taxation ; que la seule circonstance que l'article 15 de ladite directive, qui fixe au demeurant pour objectif aux Etats membres de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels à l'occasion de l'exonération des opérations à l'exportation, n'édicte pas expressément l'exclusion mentionnée au b) de l'article 262-I précité ne saurait ainsi, eu égard à ce qui précède, établir l'incompatibilité des dispositions précitées avec les objectifs de la 6ème directive ;
Considérant, d'autre part, que M. X..., qui exploite un fonds de commerce de cycles à Sarreguemines, a vendu des bicyclettes à des ressortissants allemands venant à son magasin pour en prendre livraison et les exporter en Allemagne ; que M. X... a sciemment établi des factures et bordereaux de vente faisant état d'un prix inférieur au montant, fixé par directives de la Communauté économique européenne, en deçà duquel les biens concernés sont importés en franchise de taxe, afin de permettre à ses clients de bénéficier d'une telle franchise, alors qu'il est constant que le prix réellement acquitté était supérieur à ce seuil ;

Considérant que l'administration, qui n'était au demeurant pas en mesure de déterminer le prix exact versé par l'acquéreur, est fondée à établir l'imposition sur la base de la situation apparente créée par le redevable ; que dès lors qu'eu égard au prix déclaré, les bicyclettes transportées à l'étranger étaient appelées à y être importées en franchise de taxe sur la valeur ajoutée, ces opérations ne sauraient, au sens des dispositions de l'article 262-I du code général des impôts, être assimilées au regard du vendeur à des exportations exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée perçue par l'Etat français ; que c'est par suite à bon droit que l'administration a assujetti les ventes litigieuses à la taxe sur la valeur ajoutée sur la base du prix facturé ; que, pour revendiquer le bénéfice de l'exonération attachée aux opérations d'exportation, le requérant ne saurait utilement se prévaloir ni de la sortie effective du territoire des biens en cause, ni de la définition de la valeur en douane des marchandises par le règlement C.E.E. 1224/80 du 28 mai 1980, étranger à la législation fiscale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que les opérations litigieuses auraient été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 262-I du code général des impôts ;
En ce qui concerne les pénalités :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.250 du livre des procédures fiscales, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a compétence pour connaître des majorations appliquées par l'administration en cas de mauvaise foi que dans le cadre d'une demande de remise gracieuse de ces pénalités ; qu'il est constant que M. X... n'a pas formulé une telle demande ; que c'est par suite à bon droit que la commission départementale des impôts de la Moselle s'est déclarée incompétente pour se prononcer sur la qualification de mauvaise foi invoquée par l'administration ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des termes de la lettre du 24 décembre 1985 adressée par l'administration à M. X... que les redressements en cause ont été assortis de l'amende prévue en cas de mauvaise foi par les dispositions alors applicables de l'article 1731 du code général des impôts ; que ces pénalités ont été motivées, d'une part par le non-respect des directives du ministre des finances relatives à la procédure des bordereaux de vente, d'autre part par la minoration du montant porté sur les factures remises aux clients étrangers ; que cette motivation doit être regardée comme suffisante ; qu'il ne ressort pas des termes de la notification précitée que les redressements afférents à la période postérieure au 1er juillet 1984 reposeraient sur des motifs distincts de ceux énoncés à l'appui des redressements concernant la période antérieure ; que, par suite, l'amende précitée n'avait pas pour cette seule période à faire l'objet d'une motivation différente de celle ci-dessus rappelée ;

Considérant en dernier lieu que, tout en minorant sciemment la valeur des marchandises en vue de faire obtenir aux acheteurs allemands la franchise de taxe à l'importation, M. X..., qui ne pouvait ignorer que les deux régimes sont exclusifs l'un de l'autre, a également établi des bordereaux de vente destinés, après visa par le service allemand des douanes, à lui permettre d'obtenir le bénéfice de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée à l'exportation ; qu'il a ce faisant cherché à éluder la taxe due en France à raison des opérations litigieuses qui, comme il a été dit ci-dessus, ne pouvaient être assimilées à une exportation au sens de l'article 262-I du code général des impôts ; qu'eu égard par ailleurs à l'ampleur des irrégularités constatées, concernant plusieurs centaines de bordereaux, c'est à bon droit que l'administration a assorti les droits notifiés à l'intéressé de l'amende fiscale prévue en cas de mauvaise foi ; que la conclusion d'une transaction avec le service des douanes est sans incidence sur la faculté pour l'administration fiscale d'assortir les redressements notifiés de l'amende précitée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg ne lui a pas accordé la décharge, en droits et pénalités, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre des ventes non soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Article 1 : M. X... est déchargé des droits et pénalités afférents à la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1984, à concurrence d'un montant de 13 294 F en droits.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 6 juillet 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre du budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93NC00866
Date de la décision : 04/10/1994
Sens de l'arrêt : Décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

COMMUNAUTES EUROPEENNES - REGLES APPLICABLES - FISCALITE - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - Exonérations - Compatibilité avec la 6ème directive de l'article 262-I-b ancien du C - G - I.

15-05-11-01 Les dispositions de l'article 262-I-b du code général des impôts dans leur rédaction antérieure à la loi 92-677 du 17 juillet 1992, excluant de l'exonération de TVA les exportations de biens expédiés ou transportés par des résidents d'un Etat membre de la C.E.E. lorsque ces biens bénéficient d'une franchise de la taxe sur la valeur ajoutée lors de leur importation dans cet Etat, sont compatibles avec les objectifs de la 6ème directive.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - EXEMPTIONS ET EXONERATIONS - Exportations - Exonération des exportations - Exclusion des biens transportés à l'étranger par des résidents d'un Etat membre de la C - E - E - lorsque ces biens bénéficient d'une franchise de taxe sur la valeur ajoutée lors de leur importation dans cet Etat (article 262-I-b ancien du C - G - I - ) - Possibilité pour l'administration de se référer au montant inexactement facturé à l'acheteur.

19-06-02-02 Alors même que le prix réellement acquitté par un acheteur étranger, ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne, était supérieur au seuil au-delà duquel les biens sont exportés en franchise de taxe, l'administration est fondée à se prévaloir de l'apparence créée par l'assujetti qui, sciemment, a délivré à l'acheteur une facture d'un montant inférieur à ce seuil en vue de lui permettre d'échapper à la taxe dans son pays d'origine, pour soumettre cette livraison à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 262-I-b du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992.


Références :

CGI 262, 1731
CGI Livre des procédures fiscales L57, L250


Composition du Tribunal
Président : M. Léger
Rapporteur ?: M. Vincent
Rapporteur public ?: M. Commenville

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1994-10-04;93nc00866 ?
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