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14/11/1991 | FRANCE | N°90NC00473

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 14 novembre 1991, 90NC00473


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 20 août 1990 sous le numéro 90NC00473, présentée pour Mme Edith X..., demeurant résidence Westminster, avenue du Verger au TOUQUET (Pas-de-Calais), tant en son nom personnel qu'au nom de son époux Jean-Claude X..., pour M. Dominique X..., demeurant ... et pour M. Jean-François X..., demeurant ... ;
Les consorts X... demandent à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 8 juin 1990 par lequel le tribunal administratif d'AMIENS a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier universita

ire régional d'AMIENS soit condamné à les indemniser des conséquen...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 20 août 1990 sous le numéro 90NC00473, présentée pour Mme Edith X..., demeurant résidence Westminster, avenue du Verger au TOUQUET (Pas-de-Calais), tant en son nom personnel qu'au nom de son époux Jean-Claude X..., pour M. Dominique X..., demeurant ... et pour M. Jean-François X..., demeurant ... ;
Les consorts X... demandent à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 8 juin 1990 par lequel le tribunal administratif d'AMIENS a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire régional d'AMIENS soit condamné à les indemniser des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime M. Jean-Claude X... au cours d'une intervention chirurgicale le 15 août 1982,
2°/ de condamner le centre hospitalier universitaire régional d'AMIENS à verser à Mme X... une somme de 100 000 F, et à chacun de ses enfants une somme de 80 000 F,
3°/ d'ordonner une expertise pour apprécier les autres chefs de préjudice.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 octobre 1991 :
- le rapport de Monsieur DAMAY, Conseiller,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en dehors des cas de force majeure où, en raison de l'urgence, l'intervention de l'interne s'impose en l'absence du chef de service et de ses assistants, ceux-ci ne peuvent régulièrement se décharger sur leurs internes de l'obligation qui incombe à ces praticiens d'accomplir personnellement les actes médicaux requis par l'état des malades que lorsqu'une telle délégation n'est pas exclue par la gravité de l'acte et qu'ils se sont, d'autre part, assurés au préalable, dans chaque cas et sous leur responsabilité, que l'autorisation exceptionnelle ainsi donnée à leurs collaborateurs n'est susceptible de porter aucune atteinte aux garanties médicales que les malades sont en droit d'attendre d'un service hospitalier public ;
Considérant que M. Jean-Claude X... qui s'était blessé au pied droit le 14 août 1982 avec une tondeuse à gazon a été opéré sous anesthésie générale la nuit même au centre hospitalier régional d'AMIENS ; que l'intéressé, qui avait fait état lors de son admission d'antécédents allergiques, a été victime de lésions cérébrales graves et définitives dues à la survenance d'un bronchospasme en cours d'opération ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'interne de garde qui a procédé à l'anesthésie de M. X... en a déterminé elle-même les modalités sans consulter préalablement le médecin anesthésiste présent sur place alors que la victime présentait des risques connus d'accident allergique et que l'état de ses blessures ne nécessitait pas le recours à l'anesthésie générale et ne présentait pas un caractère d'urgence absolue ; que ladite interne, qui s'est déterminée en faveur d'une anesthésie générale parce qu'elle estimait mieux maîtriser cette technique et non en fonction de la situation particulière du malade, a privé M. X... des garanties médicales qu'il était en droit d'attendre des services d'urgence d'un centre hospitalier régional et lui a fait courir un risque inutile qui est la cause directe des lésions cérébrales dont il reste atteint ; que ces circonstances traduisent une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier de nature à entraîner la responsabilité du centre hospitalier régional d'AMIENS ; que les consorts X... sont dès lors fondés à demander l'annulation du jugement attaqué qui a rejeté leur demande ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme Edith X... et ses enfants Dominique et Jean-François X... en condamnant le centre hospitalier régional d'AMIENS à verser la somme de 100 000 F à Mme X... et la somme de 80 000 F à chacun de ses deux enfants ;
Considérant qu'il n'apparaît pas nécessaire de recourir à une nouvelle expertise pour apprécier la gravité et les conséquences des lésions dont est atteint M. Jean-Claude X... ; qu'il y a dès lors lieu d'inviter Mme X... à chiffrer avec tous justificatifs à l'appui le préjudice économique qu'elle invoque et, agissant au nom de son époux, à chiffrer le préjudice corporel subi par celui-ci ; qu'il y a de même lieu d'inviter la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme à chiffrer le montant de ses débours ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif d'AMIENS en date du 8 juin 1990 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier régional d'AMIENS est déclaré responsable des lésions cérébrales dont est atteint M. Jean-Claude X....
Article 3 : Le centre hospitalier régional d'AMIENS est condamné à verser à Mme X... la somme de 100 000 F et à chacun de ses deux enfants la somme de 80 000 F en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi.
Article 4 : Mme X... est invitée à chiffrer, dans un délai de deux mois, le préjudice économique qu'elle invoque et le préjudice corporel de son époux ;
Article 5 : La caisse primaire d'assurance maladie de la Somme est invitée à chiffrer dans un délai de deux mois les débours qu'elle a exposés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié aux consorts X..., au centre hospitalier régional d'AMIENS et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 90NC00473
Date de la décision : 14/11/1991
Sens de l'arrêt : Annulation indemnités
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE -Défaut de consultation par l'interne de garde du médecin anesthésiste présent sur place avant que cet interne n'ait recours en dehors de toute urgence à une anesthésie générale qui n'était pas nécessaire et présentait des risques connus.

60-02-01-01-01-01 La circonstance qu'une interne de garde a recouru à une anesthésie générale qui n'était pas nécessaire eu égard à la nature des blessures de la victime, laquelle présentait des risques connus d'accident allergique, sans consulter le médecin anesthésiste présent sur place, constitue en dehors de toute urgence absolue une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à entraîner la responsabilité du service public hospitalier.


Composition du Tribunal
Président : M. Woehrling
Rapporteur ?: M. Damay
Rapporteur public ?: Mme Felmy

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1991-11-14;90nc00473 ?
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