Vu, enregistrée le 29 août 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 101499 la requête présentée par M. Maurice CHAYS tendant :
1°) à l'annulation du jugement du 30 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de BESANCON a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires auxquelles il a été assujetti sur ses revenus des années 1977 à 1980 ;
2°) à la décharge desdites impositions ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 1989 par laquelle le Président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANCY le dossier de la requête de M. CHAYS ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 1991:
- le rapport de M. LEGRAS, Conseiller,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la recevabilité :
Considérant que si les copies du mémoire introductif d'appel de M. CHAYS n'ont été enregistrées au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat que le 21 novembre 1988, l'original dudit mémoire y avait été enregistré dès le 29 août 1988 ; que, par suite, la requête dirigée contre le jugement du 30 juin 1988 du tribunal administratif de BESANCON n'est pas tardive ; Sur la régularité de la procédure de redressement :
Considérant, que seuls peuvent être assujettis à une vérification de comptabilité des contribuables qui ont l'obligation de tenir des documents comptables ; qu'il en est ainsi des exploitants agricoles soumis au régime du bénéfice réel mais non de ceux relevant du régime du forfait ; que pour entreprendre régulièrement une vérification de comptabilité d'un exploitant agricole dont les bénéfices ont été déclarés suivant le régime du forfait, l'administration doit être en mesure de justifier qu'avant la mise en oeuvre de ce contrôle elle disposait d'éléments précis lui permettant de penser que l'intéressé relevait d'un régime d'imposition dans le cadre duquel il avait l'obligation de tenir une comptabilité ;
Considérant que, pour les années en litige, les bénéfices agricoles de M. CHAYS avaient été, compte tenu du chiffre d'affaires de son exploitation et de son absence d'option pour le régime du bénéfice réel, déterminés suivant le régime du forfait et se trouvaient ainsi en dehors du champ d'application de la procédure de la vérification de comptabilité ; qu'en se fondant sur la réalisation par le requérant d'opérations d'achat et de revente d'animaux de boucherie, l'administration a estimé que le requérant avait exercé à ce titre une activité de nature commerciale et qu'il relevait, dès lors, en application de l'article L.69-C du code général des impôts, du régime de déclaration des bénéfices réels, tant pour ce qui est de ses revenus agricoles que pour ses revenus industriels et commerciaux, et qu'à ce titre, il pouvait faire l'objet d'une vérification de comptabilité ;
Considérant toutefois, d'une part, que l'administration se borne à faire valoir que la vérification de comptabilité à laquelle elle a procédé aurait été "concomitante de la découverte d'anomalies constatées lors de l'intervention de la brigade de contrôle et recherches" ; qu'une telle allégation, qui n'est assortie d'aucune précision, ne peut être regardée comme établissant que l'administration disposait, avant la mise en oeuvre de la vérification de comptabilité contestée, d'éléments précis lui permettant de penser que le requérant relevait d'un régime d'imposition emportant pour lui l'obligation de tenir des documents comptables ;
Considérant qu'il ne résulte, d'autre part, pas du dossier que l'existence de bénéfices industriels et commerciaux tirés de l'activité d'achat et de vente d'animaux de boucherie, entraînant pour le requérant l'obligation de se soumettre au régime du bénéfice réel et de tenir une comptabilité, aurait été découverte à partir d'autres sources que les documents recueillis au cours de la vérification de comptabilité à laquelle M. CHAYS a été assujetti alors qu'elle n'est pas prévue par le code général des impôts en matière de bénéfices agricoles forfaitaires ;
Considérant que pour ce seul motif, les redressements concernant les bénéfices commerciaux perçus par M. CHAYS doivent être regardés comme irréguliers ;
Considérant qu'il suit de là que M. CHAYS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de BESANCON a rejeté sa demande ;
Article 1 : Le jugement du 30 juin 1988 du tribunal administratif de BESANCON est annulé.
Article 2 : Il est accordé décharge à M. Maurice CHAYS des cotisations supplémentaires d'impôt sur ses revenus des années 1977 à 1980 mises à sa charge dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Maurice CHAYS et au ministre délégué au budget.