Vu la requête et le mémoire enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel les 30 janvier 1990 et 20 avril 1990 sous le numéro 90NC00069, présentés pour l'association Léopold X..., dont le siège est ... VIIIème ;
L'association demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif d'AMIENS l'a condamnée à payer à la SNCF la somme de 1 013 353,60 F avec intérêts de droit à compter du 28 mars 1989 ;
2°) de rejeter le déféré du Préfet de l'OISE en date du 22 mars 1989 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 15 juillet 1845 ;
Vu le décret du 22 mars 1942 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 1991 :
- le rapport de M. DAMAY, Conseiller,
- les observations de Me TETAUD, avocat de l'association Léopold X..., et de Me VILMIN, avocat de la SNCF,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 15 janvier 1986 à l'encontre de l'association Léopold X... du fait de dépôts de terre sur l'emprise de la SNCF et de dégradations du talus de déblai de la ligne PONTOISE-GISORS ; que l'association Léopold X... a été condamnée par le tribunal administratif d'AMIENS au paiement d'une somme de 1 013 353,60 F correspondant pour 614 680,42 F aux frais de remise en état de la plate-forme ferroviaire et pour 398 673,18 F aux frais de surveillance et d'expertise rendus nécessaires par les déformations géométriques apparues dans le talus ;
En ce qui concerne les frais de remise en état de la plate-forme ferroviaire et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête relatifs à cette partie de la condamnation :
Considérant que le procès-verbal de contravention de grande voirie en date du 15 janvier 1986, déféré au tribunal administratif d'AMIENS le 28 mars 1989 par le Préfet de l'OISE, ne mentionne aucun désordre affectant la plate-forme ferroviaire ; qu'en condamnant l'association Léopold X... à payer à la SNCF une somme de 614 680,42 F correspondant aux frais de remise en état des voies, d'un caniveau, d'une caténaire et du ballast, le tribunal administratif a statué au-delà des conclusions dont il était saisi par le procès-verbal qui lui était déféré ; que l'association Léopold X... est dès lors fondée à demander l'annulation sur ce point du jugement attaqué ;
En ce qui concerne les frais d'expertise et de contrôle technique des mouvements du talus :
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que par son jugement en date du 28 novembre 1989, le tribunal administratif d'AMIENS a donné comme fondement légal aux poursuites ayant fait l'objet d'un procès-verbal de contravention de grande voirie en date du 15 janvier 1986 les dispositions de l'article 73 du décret du 22 mars 1942 qui interdisent à toute personne de dégrader les talus de la voie ferrée, et non les dispositions des articles 2 et 8 de la loi du 15 juillet 1845 qui interdisent les dépôts de matériaux sur l'emprise de la SNCF ; que le tribunal administratif a pu par suite, sans entacher son jugement d'insuffisance de motivation, s'abstenir de répondre au moyen soulevé par l'association Léopold X... tiré de ce que les dépôts de terres n'avaient pas été effectués sur l'emprise de la SNCF, lequel était inopérant au regard du fondement juridique des poursuites retenu par le tribunal ;
Sur la régularité des poursuites :
Considérant que le délai de 10 jours prévu à l'article L.13 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel pour la notification des procès-verbaux de contravention de grande voirie n'est pas prescrit à peine de nullité ; que la circonstance que le procès-verbal établi le 15 janvier 1986 n'a été notifié à l'association Léopold X... que le 16 février 1989, après que la SNCF a obtenu la désignation d'un expert par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de PARIS, est resté en l'espèce sans incidence sur la régularité des poursuites engagées contre ladite association, dès lors que la tardiveté de cette notification n'a pas préjudicié aux droits de la défense et que l'association Léopold X... a été appelée à participer aux opérations d'expertise ; que si l'expert a été commis par une juridiction incompétente pour connaître de poursuites en matière de contravention de grande voirie, le rapport qu'il a établi peut néanmoins constituer une pièce du dossier soumis au juge administratif ;
Considérant par ailleurs que l'association Léopold X... qui dispose d'une voie de recours contre son entrepreneur devant les tribunaux de l'ordre judiciaire ne saurait se plaindre de ce qu'elle ne dispose pas de la possibilité de l'appeler en garantie devant le juge de la répression des contraventio ns de grande voirie ;
Sur le bien-fondé des poursuites :
Considérant qu'aux termes de l'article 73 du décret du 22 mars 1942 : "Il est défendu à toute personne : -1° De modifier ou déplacer sans autorisation et de dégrader, déranger la voie ferrée, les talus ..." ; qu'il résulte de l'instruction que les désordres apparus dans le déblai de la voie ferrée PONTOISE-GISORS au droit de la propriété de l'association Léopold X... sont imputables à la présence de dépôts de terre sur ladite propriété, lesquels ont provoqué une surcharge du terrain et déclenché un glissement de la couche sableuse sur la couche argileuse ; que ces faits constituent une infraction à l'article 73 du décret du 22 mars 1942 précité ; que la circonstance que ces désordres ont été favorisés par les pluies abondantes d'avril 1985 et l'instabilité de la structure géologique à cet emplacement n'est pas assimilable à un cas de force majeure, de nature à avoir mis l'association dans l'impossibilité de prévenir le dommage ;
Considérant que les frais de sondage et de contrôle des mouvements du sol ainsi que les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de PARIS ont été rendus nécessaires par le glissement du sol provoqué par la surcharge du terrain de l'association Léopold X... et ont été exposés dans l'intérêt de la conservation du domaine public ; que ces dépenses peuvent dès lors être mises à la charge de cette association dans le cadre d'une procédure de contravention de grande voirie ; que par contre, la SNCF n'apporte aucun élément de justification à la majoration de 12 % pour frais généraux qu'elle a appliquée à ces sommes ; qu'ainsi cette majoration ne peut être regardée comme présentant un caractère normal dans les circonstances de l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Léopold X... est seulement fondée à demander la réduction à 355 958,20 F du montant des réparations dues à la SNCF, y compris les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de PARIS ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif d'AMIENS en date du 28 novembre 1989 est annulé en tant qu'il a condamné l'association Léopold X... à verser à la SNCF une somme de 614 680,42 F au titre de la remise en état de la plate-forme ferroviaire.
Article 2 : La somme de 398 673,18 F que l'association Léopold X... a été condamnée à payer à la SNCF par ledit jugement au titre des frais d'expertise et de contrôle technique des mouvements du talus est ramenée à 355 958,20 F, y compris les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de PARIS.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'AMIENS du 29 novembre 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association Léopold X... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer, à l'association Léopold X... et à la SNCF.