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09/07/1991 | FRANCE | N°90NC00020

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 09 juillet 1991, 90NC00020


Vu le recours enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel le 9 janvier 1990 sous le n° 90NC00020, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du budget ;
Le ministre de l'économie, des finances et du budget demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 6 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif de LILLE l'a condamné à payer : - à la société LEFEBVRE Frère et Soeur, la somme de 3 502,16 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 1986, la somme de 8 594,50 F augmentée des intérêts au taux légal à comp

ter du 8 décembre 1986 et la somme de 31 347 F augmentée des intérêts au taux...

Vu le recours enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel le 9 janvier 1990 sous le n° 90NC00020, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du budget ;
Le ministre de l'économie, des finances et du budget demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 6 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif de LILLE l'a condamné à payer : - à la société LEFEBVRE Frère et Soeur, la somme de 3 502,16 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 1986, la somme de 8 594,50 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1986 et la somme de 31 347 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 février 1988 ; - à la société FRANCOR, la somme de 3 313,11 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 1986 et la somme de 8 395,27 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1986 ; - à la société SOLY Imports, la somme de 2 984,25 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 1986 et la somme de 8 394,37 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1986 ;
- à la société Murisserie du Centre, la somme de 3 472,24 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 1986, la somme de 8 454,84 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1986 et la somme de 10 901,72 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 février 1988 ; - à la société GINER, la somme de 28 320,15 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 février 1988 ; - à la société Murisserie Française, la somme de 21 957,26 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 février 1988 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la société des Etablissements LEFEBVRE, la SARL FRANCOR, la SARL Murisserie du Centre, la SA Etablissements SOLY Import, la société GINER, la société Murisserie Française devant le tribunal administratif de LILLE ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté Economique Européenne ;
Vu la troisième convention ACP/CEE signée à LOME le 8 décembre 1984 et le protocole n° 4 relatif aux bananes ;
Vu le règlement CEE 288/82 du 5 février 1982 relatif au régime commun applicable aux importations ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juillet 1991:
- le rapport de M. JACQ, Conseiller,
- et les conclusions de Mme FRAYSSE, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que l'administration des douanes française a refusé à la société LEFEBVRE Frère et Soeur, à la société FRANCOR, à la société SOLY Import, à la société Murisserie du Centre, à la société GINER et à la société Murisserie Française, par des décisions en date des 29 août 1986, 17 octobre 1986, 3 mars, 5 mars, 26 mars et 16 avril 1987, l'autorisation d'importer en France des bananes vertes achetées en libre pratique sur le marché belge auprès de la société STARFRUIT ; que, par un jugement dont le ministre de l'économie, des finances et du budget fait appel, le tribunal administratif de LILLE, estimant que les décisions susmentionnées étaient contraires aux dispositions du traité de Rome, a condamné l'Etat à verser aux sociétés susvisées la somme de 139 636,87 F augmentée des intérêts de droit ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du protocole n° 4 relatif aux bananes annexé à la troisième convention ACP/CEE signée à LOME le 8 décembre 1984 : "Pour ses exportations de bananes vers les marchés de la Communauté, aucun Etat ACP n'est placé, en ce qui concerne l'accès à ses marchés traditionnels et ses avantages sur ces marchés dans une situation moins favorable que celle qu'il connaissait antérieurement ou qu'il connaît actuellement" ;
Considérant que, pour justifier les refus opposés aux demandes de licences d'importation de bananes sollicitées par les sociétés susmentionnées, le ministre de l'économie, des finances et du budget, qui ne reprend plus en appel les moyens relatifs à l'organisation nationale du marché de la banane, soutient, d'une part, que la troisième convention ACP/CEE signée à LOME le 8 décembre 1984 et le protocole n° 4 qui lui est annexé soumettent le commerce de la banane à un régime juridique particulier en autorisant des restrictions quantitatives à l'importation et en permettant d'établir à partir de critères historiques une discrimination entre les Etats A.C.P., que, d'autre part, en accordant à la France à partir du 8 mai 1987 le bénéfice de l'article 115 du Traité de Rome, la commission a confirmé de manière explicite l'existence en France d'un régime dérogatoire ; qu'enfin le règlement CEE 288/82 du 5 février 1982 relatif au régime commun applicable aux importations justifie en l'espèce le refus opposé aux demandes d'importation ;
Considérant, en premier lieu, que, si le protocole n° 4 précité a pour objet de fixer la situation des Etats A.C.P. par rapport aux membres de la Communauté Economique Européenne et de définir les objectifs pour améliorer les conditions de production et de commercialisation des bananes produites dans les Etats C.A.P. en les faisant bénéficier de certains avantages, ledit protocole n'est pas applicable aux bananes provenant des Etats A.C.P. entrées dans la Communauté Economique Européenne et qui sont soumises au principe de libre circulation des marchandises résultant de l'article 30 du Traité de Rome ;

Considérant, en deuxième lieu, que le ministre ne saurait utilement invoquer la décision C (87) 870 du 8 mai 1987, qui est postérieure à la date de réalisation des opérations d'importation et par laquelle la commission des communautés européennes a, en application de l'article 115 du Traité de Rome, autorisé la France à prendre les mesures de protection nécessaires en ce qui concerne ledit marché de la banane ;
Considérant, en troisième lieu, que le ministre n'est pas davantage fondé à se prévaloir du règlement CEE n° 288/82 du 5 février 1982 relatif au régime commun applicable aux importations des Etats membres, dès lors que celui-ci ne s'applique qu'aux produits provenant des pays tiers entrant dans la CEE, et non aux produits qui s'y trouvent déjà en libre pratique ;
Considérant que les décisions par lesquelles le ministre de l'économie, des finances et du budget a, dans le but de protéger les fournisseurs A.C.P. traditionnels, refusé aux sociétés susmentionnées des licences d'importation de bananes en provenance de Belgique, ont fait obstacle à l'application des articles 30 et 33 du Traité instituant la Communauté Economique Européenne, qui interdisent les restrictions quantitatives à l'importation au delà de la période de transition ; que ces agissements sont constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers les sociétés requérantes à raison du préjudice subi du fait des pertes commerciales et des frais supplémentaires ;
Sur la réparation :
Considérant qu'un tel préjudice résultant directement des actes de ladite administration est établi en l'espèce ; que le tribunal administratif a fait une exacte appréciation de ce préjudice en retenant la différence entre le prix d'achat des bananes achetées en France et le prix d'achat résultant des factures des fournisseurs belges, à laquelle ont été ajoutés les frais annexes et une part correspondant au préjudice commercial ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et du budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé dès lors que, comme le soutient le ministre, le tribunal administratif a "implicitement" mais nécessairement répondu aux moyens relatifs aux objectifs et aux effets des dispositions de l'article 1er du protocole n° 4 annexé à la troisième convention ACP/CEE ainsi que de l'article 227 alinéa 1er et 2 du Traité de Rome, le tribunal administratif de LILLE l'a condamné à verser la somme de 139 636,87 F à la société LEFEBVRE Frère et Soeur, à la société FRANCOR, à la société SOLY Import, à la société Murisserie du Centre, à la société GINER et à la société Murisserie Française ;
Article 1 : Le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et du budget, à la société LEFEBVRE Frère et Soeur, à la société FRANCOR, à la société SOLY Import, à la société Murisserie du Centre, à la société GINER et à la société Murisserie Française.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 90NC00020
Date de la décision : 09/07/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - TRAITES ET DROIT DERIVE - DROIT COMMUNAUTAIRE (VOIR COMMUNAUTES EUROPEENNES) - TRAITES - Articles 30 à 33 - Violation par le refus de licence d'importation de bananes de Belgique.

01-04-01-01-01, 14-07-01, 15-07, 60-02-02-02 Si le protocole n° 4 relatif aux bananes annexé à la troisième convention ACP/CEE signé à Lomé le 8 décembre 1984 a pour objet de fixer la situation des Etats A.C.P. par rapport aux membres de la Communauté économique européenne et de définir les objectifs pour améliorer les conditions de production et de commercialisation des bananes produites dans les Etats A.C.P. en les faisant bénéficier de certains avantages, ledit protocole n'est pas applicable aux bananes provenant des Etats A.C.P. entrées dans la Communauté économique européenne et qui sont soumises au principe de libre circulation des marchandises résultant de l'article 30 du Traité de Rome. Dès lors, les décisions par lesquelles le ministre de l'économie, des finances et du budget a, dans le but de protéger les fournisseurs A.C.P. traditionnels, refusé à diverses sociétés des licences d'importation de bananes en provenance de Belgique, ont fait obstacle à l'application des articles 30 et 33 du traité instituant la Communauté économique européenne, qui interdisent les restrictions quantitatives à l'importation au-delà de la période de transition. Ces agissements sont constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers les sociétés requérantes à raison du préjudice subi du fait des pertes commerciales et des frais supplémentaires.

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - COMMERCE EXTERIEUR - IMPORTATIONS - Importations soumises à autorisation - Refus de licence d'importation de bananes de Belgique - Violation des articles 30 à 33 du traité de Rome.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - RESPONSABILITE DE L'ETAT POUR MANQUEMENT AU DROIT COMMUNAUTAIRE - Faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat - Violation des articles 30 et 33 du Traité de Rome par le refus de licences d'importation de bananes de Belgique.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES ECONOMIQUES - SERVICE DES DOUANES - Existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat - Refus de licence d'importation de bananes de Belgique - Violation des articles 30 à 33 du Traité de Rome.


Références :

CEE Règlement 288-82 du 05 février 1982 Conseil
Convention ACP/CEE du 08 décembre 1984 Lomé Protocole n° 4 art. 1
Traité du 25 mars 1957 Rome art. 115, art. 30, art. 33, art. 227


Composition du Tribunal
Président : M. Verot
Rapporteur ?: M. Jacq
Rapporteur public ?: Mme Fraysse

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1991-07-09;90nc00020 ?
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