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23/04/1991 | FRANCE | N°89NC01353

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 23 avril 1991, 89NC01353


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 20 juillet 1989 sous le numéro 89NC01353, présentée pour le Centre hospitalier de SAINT DIZIER, dont le siège est rue Godard Jeanson à SAINT DIZIER ;
Le Centre hospitalier demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 9 mai 1989 par lequel le tribunal administratif de CHALONS SUR MARNE a rejeté sa requête tendant à la condamnation conjointe et solidaire de l'entreprise LAPORTE, de M. X..., architecte et du bureau VERITAS à l'indemniser des préjudices qu'il a subi, en raison des désordres

affectant le pavillon de médecine-cardiologie ;
2°) de condamner l'...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 20 juillet 1989 sous le numéro 89NC01353, présentée pour le Centre hospitalier de SAINT DIZIER, dont le siège est rue Godard Jeanson à SAINT DIZIER ;
Le Centre hospitalier demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 9 mai 1989 par lequel le tribunal administratif de CHALONS SUR MARNE a rejeté sa requête tendant à la condamnation conjointe et solidaire de l'entreprise LAPORTE, de M. X..., architecte et du bureau VERITAS à l'indemniser des préjudices qu'il a subi, en raison des désordres affectant le pavillon de médecine-cardiologie ;
2°) de condamner l'entreprise LAPORTE, M. X... et le bureau VERITAS à lui payer une provision de 800 000 F à parfaire au vu d'un complément d'expertise ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 1989, présenté pour M. Jean X..., architecte ; M. X... conclut au rejet de la requête, et à titre subsidiaire à ce qu'il soit garanti de toute condamnation prononcée contre lui tant par l'entreprise LAPORTE que par le bureau VERITAS ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 23 février 1990, présenté pour le Centre hospitalier de SAINT DIZIER ; il conclut aux mêmes fins que la requête et à la condamnation des différents constructeurs à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article R.222 ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 mars 1990, présenté pour M. X... ; M. X... conclut aux mêmes fins que la requête et à la condamnation du Centre hospitalier de SAINT DIZIER à lui verser une somme de 5 000 F au titre de l'article R.222 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviose an VIII ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 1991 :
- le rapport de M. DAMAY, Conseiller,
- les observations de Me GUY-VIENOT, avocat du bureau VERITAS,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant d'une part que les conclusions de la requête et du mémoire présentés par le Centre hospitalier de SAINT DIZIER devant le tribunal administratif tendaient à la condamnation des constructeurs du pavillon de médecine-cardiologie à réparer les désordres apparus dans l'étanchéité des terrasses, les revêtements de sols et les volets roulants ; que ces conclusions qui ne mentionnaient aucun fondement contractuel et qui tendaient à ce que les premiers juges donnent acte au centre hospitalier de ce qu'il entendait interrompre la prescription décennale ont pu être raisonnablement interprétées par le tribunal comme se situant sur le terrain des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil et non sur le terrain de la responsabilité contractuelle ; que celle-ci n'étant pas d'ordre public, le tribunal administratif n'était pas tenu d'examiner d'office si la responsabilité des constructeurs était engagée sur le terrain contractuel ; qu'ainsi en se situant uniquement sur le terrain de la garantie décennale, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'une omission à statuer ;
Considérant d'autre part qu'en vertu de l'article 4 de la loi du 28 pluviose an VIII le juge administratif est compétent pour se prononcer sur les difficultés s'élevant entre les entrepreneurs de travaux publics et l'administration concernant le sens et l'exécution des clauses de leurs marchés ; qu'en application de ces dispositions il appartient à la juridiction administrative de connaître des actions en garantie décennale engagées à l'encontre des constructeurs liés par un contrat de droit public au maître d'ouvrage ; que nonobstant la circonstance que la convention passée entre le centre hospitalier de SAINT DIZIER et le bureau VERITAS ne comportait pas de clauses exorbitantes au droit commun et ne faisait pas participer le cocontractant au service public, cette convention était relative au contrôle technique de travaux présentant le caractère de travaux publics ; que dès lors, c'est en méconnaissance de l'article 4 de la loi du 28 pluviose an VIII que le tribunal administratif de NANCY a décliné la compétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions du centre hospitalier de SAINT DIZIER dirigées contre le bureau VERITAS ;
Sur la compétence territoriale du tribunal administratif :
Considérant qu'en vertu de l'article R.55 alinéa 1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel les litiges relatifs aux marchés, contrats ou concessions relèvent de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel ces marchés, contrats ou concessions sont exécutés ; que l'alinéa 2 du même article précise : "Toutefois, si l'intérêt public ne s'y oppose pas, les parties peuvent, soit dans le contrat primitif, soit dans un avenant antérieur à la naissance du litige, convenir que leurs différends seront soumis à un tribunal administratif autre que celui qui serait compétent en vertu des dispositions de l'alinéa précédent" ;

Considérant que la convention passée par le bureau VERITAS avec le Centre hospitalier de SAINT DIZIER prévoit que les litiges auxquels peut donner lieu son application doivent être portés devant le tribunal administratif de PARIS ; que l'intérêt public d'une bonne administration de la justice s'oppose toutefois en l'espèce à l'application de cette dérogation aux règles de compétence dès lors qu'elle ferait obstacle à ce que la même juridiction puisse conserver la responsabilité de l'ensemble des constructeurs et à ce qu'une condamnation solidaire puisse le cas échéant être prononcée entre le bureau VERITAS et les autres constructeurs ; que le bureau VERITAS ne pouvait dès lors se prévaloir des stipulations du contrat pour décliner la compétence du tribunal administratif de NANCY ;
Considérant que dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer afin de statuer immédiatement sur les conclusions du centre hospitalier de SAINT DIZIER dirigées contre le bureau VERITAS présentées devant le tribunal administratif de NANCY et d'examiner par la voie de l'effet dévolutif sur les autres conclusions présentées devant ce tribunal par ledit centre hospitalier ;
Sur la mise en jeu de la responsabilité décennale des constructeurs :
Considérant que la réception provisoire des travaux de construction d'un pavillon de cardiologie de 120 lits au centre hospitalier de SAINT DIZIER a été prononcée le 15 mars 1977 avec d'importantes réserves concernant les volets roulants et les revêtements de sol ; que si le procès-verbal de réception provisoire prévoyait que la réception définitive serait prononcée à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la réception provisoire, il résulte de l'instruction qu'à cette date étaient apparues des infiltrations d'eau en provenance des terrasses de l'immeuble et que les réserves concernant les revêtements de sol et les volets roulants n'avaient pas été levées ; qu'ainsi à l'expiration du délai de douze mois suivant la réception provisoire, l'ouvrage n'était pas en état d'être reçu ; que le Centre hospitalier n'établit pas qu'une réception définitive serait ultérieurement intervenue ou que les ouvrages auraient été mis en état d'être reçus ; qu'ainsi, il n'avait pas été mis fin aux relations contractuelles du centre hospitalier de SAINT DIZIER avec l'entreprise LAPORTE, M. X..., architecte, et le bureau VERITAS à la date à laquelle le centre hospitalier a intenté son action ; que par suite l'action engagée par celui-ci sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil n'est pas recevable ;
Sur la mise en jeu de la garantie contractuelle des constructeurs :
En ce qui concerne l'entreprise LAPORTE et M. X... :
Considérant que les conclusions du centre hospitalier de SAINT DIZIER tendant à mettre en jeu la responsabilité contractuelle de l'entreprise LAPORTE, de M. X..., architecte et du bureau VERITAS ont été présentées directement devant le juge d'appel et reposent sur une cause juridique distincte de celle sur laquelle se fondait la demande présentée devant le tribunal administratif ; qu'elles sont par suite irrecevables ;
En ce qui concerne le bureau VERITAS :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, les conclusions de la requête du centre hospitalier de SAINT DIZIER dirigées contre l'entreprise LAPORTE et contre M. X..., architecte, et les conclusions de la demande dirigées devant le tribunal administratif de CHALONS SUR MARNE contre le bureau VERITAS ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais de procès non compris dans les dépens :
Considérant que dans les circonstances de l'affaire, il n'y a pas lieu de faire application de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que les conclusions tendant, d'une part, à ce que le centre hospitalier de SAINT DIZIER soit condamné à verser à M. X... une somme de 5 000 F, et, d'autre part, celles tendant à ce que M. X..., l'entreprise LAPORTE et la SA Bureau VERITAS soient condamnés à verser au centre hospitalier de SAINT DIZIER une somme de 10 000 F sont à rejeter ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de CHALONS SUR MARNE en date du 9 mai 1989 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions du centre hospitalier de SAINT DIZIER dirigées contre le bureau VERITAS.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de SAINT DIZIER à l'encontre de l'entreprise LAPORTE, de M. X... et du bureau VERITAS et les conclusions du Centre hospitalier de SAINT DIZIER présentées devant le tribunal administratif à l'encontre du bureau VERITAS sont rejetées.
Article 3 : La demande présentée par M. X... tendant à la condamnation du centre hospitalier de SAINT DIZIER à lui verser une somme de 5 000 F au titre des frais de procès non compris dans les dépens est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise LAPORTE, à M. X..., au bureau VERITAS et au centre hospitalier de SAINT DIZIER.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 89NC01353
Date de la décision : 23/04/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPETENCE - COMPETENCE A L'INTERIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPETENCE EN PREMIER RESSORT DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS - COMPETENCE TERRITORIALE - Litiges relatifs aux marchés et contrats (actuel article R - 55) - Dérogation conventionnelle - Intérêt public s'opposant à une dérogation - Existence - Dérogation faisant obstacle à une condamnation solidaire.

17-05-01-02, 39-08-005-03 L'impossibilité dans laquelle serait le juge administratif de prononcer une condamnation solidaire contre des constructeurs s'il admettait pour l'un deux une dérogation conventionnelle aux règles de compétence territoriale constitue un motif d'intérêt public, au sens de l'article R. 55, alinéa 2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, justifiant l'opposition à une telle dérogation.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - COMPETENCE - COMPETENCE AU SEIN DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - Compétence en premier ressort - Compétence territoriale en premier ressort du tribunal administratif - Dérogation conventionnelle (article R - 55 - alinéa 1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel) - Intérêt public s'y opposant - Notion - Dérogation faisant obstacle à une condamnation solidaire.


Références :

Code civil 1792, 2270
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R55, R222


Composition du Tribunal
Président : M. Woehrling
Rapporteur ?: M. Damay
Rapporteur public ?: Mme Felmy

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1991-04-23;89nc01353 ?
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