Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 29 février 1988 sous le n° 95685 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 16 février 1989 sous le n° 89NC01017, présentée pour le centre hospitalier de Mulhouse, sis ... à 68051 Mulhouse, représenté par son directeur en exercice ;
Le centre hospitalier demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 23 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à Mlle X... la somme de 550 000 F avec les intérêts de droit en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite de la faute commise lors de son hospitalisation en 1972 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) subsidiairement, de limiter sa condamnation à la somme de 80 000 F pour l'ensemble des chefs de préjudice allégués ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 23 mai 1990, présenté pour Mlle X... ; Mlle X... persiste à conclure au rejet de la requête ; elle demande en outre la capitalisation des intérêts échus ;
Vu l'ordonnance du 10 février 1989 par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 20 janvier 1989 ordonnant le sursis à l'exécution du jugement attaqué en tant qu'il a condamné le centre hospitalier de Mulhouse à verser à Mlle X... une somme supérieure à 50 000 F ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la caisse primaire d'assurance maladie de Mulhouse a été mise en cause ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 22 janvier 1991 :
- le rapport de M. Fontaine, Conseiller,
- les observations de Me Y..., de la SCP Delaporte-Briard, avocat du centre hospitalier de Mulhouse et de Me Z..., de la SCP Lyon-Caen - Fabiani - Z... avocat de Mlle X...,
- et les conclusions de Mme Fraysse, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que Mlle X... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg, le 4 septembre 1976, d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Mulhouse à lui verser une indemnité provisionnelle de 50 000 F en réparation du préjudice qu'elle se réservait de chiffrer définitivement après expertise et qui résultait pour elle d'une erreur de traitement lors de son hospitalisation en 1972 ; que par un jugement en date du 16 octobre 1980, le tribunal administratif a rejeté cette demande au fond ; que, par une décision du 12 décembre 1984, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé ledit jugement et retenu la responsabilité du centre hospitalier ; qu'estimant que le préjudice subi par Mlle X... pouvait être évalué à un montant au moins égal à la somme réclamée en première instance et qui n'avait pas été modifiée après expertise, il a, d'une part, rejeté comme irrecevables les conclusions de la requérante tendant à l'allocation d'une indemnité de 800 000 F qui constituait une demande nouvelle en appel et, d'autre part, condamné le centre hospitalier à verser à Mlle X... une indemnité de 50 000 F avec les intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 1976 ; qu'il suit de là que le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé sur le bien-fondé des prétentions de Mlle X... en tant quelles excèdent le montant de 50 000 F ; que, dès lors, l'exception de la chose jugée ne peut être opposée à la nouvelle demande présentée par elle devant le tribunal administratif de Strasbourg le 27 septembre 1985 et tendant à la condamnation du centre hospitalier de Mulhouse à lui verser une indemnité de 750 000 F, compte-tenu de la somme de 50 000 F déjà allouée ; que, par suite, le centre hospitalier de Mulhouse n'est pas fondé à soutenir que cette demande n'était pas recevable ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert commis par le tribunal administratif que Mlle X..., âgée de dix huit ans à la date de son accident de cyclomoteur survenu le 18 juin 1972, reste atteinte d'une incapacité permanente partielle de 80 % qui aurait été limitée à 40 % si le centre hospitalier de Mulhouse avait diagnostiqué la fracture du col du fémur dont elle souffrait ; que son incapacité temporaire totale a été prolongée de deux ans et demi alors qu'elle aurait été limitée à une année si les soins que nécessitait son état lui avaient été prodigués ; qu'elle a enduré des souffrances physiques qualifiées d'importantes par l'expert ; qu'enfin, elle est affectée d'une importante claudication et souffre d'obésité du fait d'une longue immobilisation ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, les premiers juges ont fait une juste appréciation de la réparation due à Mlle X... en l'évaluant à la somme de 600 000 F de laquelle il convenait de déduire les 50 000 F déjà alloués en application de la décision du Conseil d'Etat du 12 décembre 1984 ; que, par suite, le centre hospitalier de Mulhouse n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à Mlle X... une indemnité de 550 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 1985 ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que Mlle X... a demandé le 23 mai 1990 la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité que le tribunal administratif de Strasbourg lui a accordée ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : La requête de centre hospitalier de Mulhouse est rejetée.
Article 2 : Les intérêts afférents à l'indemnité de 550 000 F que l'Etat a été condamné à verser à Mlle Monique X... par jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 23 décembre 1987 et échus le 23 mai 1990 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Mulhouse, à Mlle X... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Mulhouse.