VU, enregistrée le 28 janvier 1989 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 104346 et le 29 mars 1989 au greffe de la Cour administrative d'appel de NANCY sous le n° 89NC00929, la requête de la société anonyme HOURIEZ-CRESSIN représentée par son président-directeur général, ladite requête tendant :
1°/ à l'annulation du jugement du 30 novembre 1988 par lequel le tribunal administratif de LILLE a rejeté sa demande de décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie pour les années 1980 à 1983 ;
2°/ à la décharge des impositions contestées ;
3°/ à ce qu'il soit soit sursis à l'exécution du jugement attaqué jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le fond du litige ;
VU l'ordonnance du 27 janvier 1989 par laquelle le Président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 15 janvier 1991 :
- le rapport de Monsieur LEGRAS, Conseiller,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la société anonyme HOURIEZ-CRESSIN demande, d'une part, l'annulation du jugement du 30 novembre 1988 par lequel le tribunal administratif de LILLE a rejeté sa demande de décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie pour l'année 1983 pour un montant en principal de 103 460 F dans les rôles de la ville de CAUDRY, et, d'autre part, la décharge de l'imposition ainsi contestée ;
Considérant que le supplément d'imposition litigieux résulte de la réintégration, à la suite d'une vérification de comptabilité, dans l'actif immobilisé de la société des frais de conception et de réalisation des rouleaux de carton perforés utilisés pour la fabrication des broderies mécaniques qu'elle produit, alors que lesdits frais avaient été comptabilisés par elle comme des charges immédiatement déductibles des résultats de chacun des exercices auxquels elles se rapportaient ;
Sur le caractère des charges déductibles des frais susmentionnés :
Considérant que le code général des impôts dispose en son article 39 : "I. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire" ; que doivent être regardés comme des charges déductibles du résultat annuel brut de l'entreprise au sens de ces dispositions le coût d'acquisition ou de réalisation de moyens de production qui ne peuvent être regardés comme entraînant une augmentation de l'actif figurant au bilan et donc de la valeur patrimoniale de l'entreprise ou utilisés pendant une durée qui n'est pas sensiblement supérieure à celle de l'exercice au cours duquel ils ont été acquis ou réalisés ;
Considérant que si les services fiscaux affirment que les dirigeants de la société HOURIEZ-CRESSIN et Fils auraient donné leur accord à une estimation selon laquelle 70 % des cartons perforés réalisés en vue de la production des broderies mécaniques dans la société faisaient l'objet d'une utilisation effective pendant une durée moyenne de cinq années, la réalité d'un tel accord est formellement contestée par la société requérante, laquelle fait valoir qu'en raison notamment de l'évolution rapide de la mode, de la concurrence des pays étrangers et des copies faites par les entreprises concurrentes des modèles les plus appréciés par la clientèle, seul un très faible nombre de ces objets sont mis en oeuvre durant une période supérieure à un an ; qu'à l'appui de cette argumentation, ladite société a versé au dossier un tableau, résumant la durée d'utilisation des modèles et rouleaux et au terme duquel seulement 3 % des créations sont exploités pendant plus d'une année ; que faute d'avoir discuté de manière circonstanciée cet élément de justification, l'administration, qui n'apporte aucun élément précis susceptible de démontrer l'exactitude de sa propre évaluation, ne peut être regardée comme établissant le bien-fondé des rehaussements de base imposable auxquelles elle a procédé du fait de l'exclusion des frais correspondant à la réalisation de ces objets des charges de l'année litigieuse ;
Considérant qu'il suit de là que la société HOURIEZ-CRESSIN est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de LILLE a rejeté sa requête ;
Sur les conclusions aux fins de sursis :
Considérant que la requérante avait formulé des conclusions aux fins de sursis à l'exécution du jugement attaqué ; que ces conclusions sont devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;
Article 1 : Le jugement attaqué du tribunal administratif de LILLE est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la société HOURIEZ-CRESSIN décharge du supplément d'impôt sur les sociétés dont elle a fait l'objet au titre de l'année 1983.
Article 3 : Il n'y a lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société HOURIEZ-CRESSIN et Fils et au ministre délégué au Budget.