Vu, enregistré le 30 décembre 1987 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat la requête de la société civile immobilière Canet Côte Vermeille, représentée par son gérant, tendant à ce que la Cour :
1°) annule le jugement du 3 novembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande de remboursement d'un crédit de TVA de 1 017 280 F ;
2°) rembourse ledit crédit de taxe ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 1989 par laquelle le Président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transféré à la Cour administrative d'appel le dossier de la requête sus-visée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 15 janvier 1991 :
- le rapport de M. Legras, Conseiller,
- les observations de M. X..., gérant de la SCI Canet Côte Vermeille,
- et les conclusions de Mme Felmy, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la société civile immobilière Canet Côte Vermeille conteste le refus de l'administration de lui rembourser un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 1 017 280 F ayant grevé l'acquisition de 58 studios sis au Canet (Pyrénées-Orientales) par la société anonyme Résidence Côte Vermeille, laquelle lui a transféré le crédit de taxe dont il s'agit par attestation du 17 mars 1981 ;
Considérant que les 58 studios mentionnés plus haut ont été garnis de meubles par les soins de la société anonyme Résidence Côte Vermeille qui, par acte du 15 mars 1981, les a mis à la disposition de la SCI Canet Côte Vermeille afin qu'elle en assure la gestion ; que la jouissance desdits studios est attribuée, pour des périodes annuelles déterminées, aux propriétaires des actions de la société anonyme Résidence Côte Vermeille selon la formule dite de multipropriété ; que les propriétaires de ces actions ont la faculté, soit d'utiliser eux-mêmes le temps de séjour dont ils sont bénéficiaires, soit de faire donner en location ce droit de séjour dans un studio par les soins de la SCI Canet Côte Vermeille ;
Sur la régularité du transfert par la SA Résidence Côte Vermeille à la SCI Canet Côte Vermeille d'un droit de remboursement d'un montant de TVA déductible sur le fondement d'une convention de mise à disposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : "La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret au Conseil d'Etat" ; qu'aux termes de l'article 216 bis de l'annexe II dudit code : "La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé certains biens constituant des immobilisations et utilisés pour la réalisation d'opérations ouvrant droit à déduction peut être déduite, dans les conditions et suivant les modalités prévues par les articles 216 ter et 216 quater, par l'entreprise utilisatrice qui n'en est pas elle-même propriétaire" ; que l'article 216 ter de la même annexe précise : "La taxe déductible est celle afférente ... 2°) aux immeubles édifiés par les sociétés de constructions dont les parts ou actions donnent vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une fraction d'immeuble" ; que le ministre chargé du budget ne conteste pas que la doctrine administrative a étendu ces dispositions à des sociétés qui acquièrent des immeubles déjà édifiés et dont les parts ou actions donnent vocation à l'attribution en jouissance d'une fraction de ces immeubles ; que les détenteurs d'actions qui se voient attribuer à ce titre le droit d'occupation d'un logement pour une période déterminée, doivent être regardés comme ayant la jouissance d'une fraction d'immeuble au sens des dispositions précitées ; que ces dernières ne prévoient par contre de déduction de la TVA ayant grevé la construction ou l'édification d'immeubles que pour les "seules entreprises utilisatrices qui ne sont pas elles-même propriétaires" ; qu'il y a lieu de ne regarder comme telles, au sens de ces dispositions, dont la légalité n'est pas contestée, dans le cas du 2° du l'article 216 ter, que les personnes détentrices de parts ou d'actions donnant vocation à l'utilisation desdits immeubles ;
Considérant que la SCI Canet Côte Vermeille prétend bénéficier de la faculté de transfert à son profit de la TVA déductible ayant grevé l'acquisition de 59 studios par la SA Résidence Côte Vermeille sur le fondement d'une convention en date du 15 mars 1981 en vertu de laquelle cette dernière société, qui demeure propriétaire desdits studios, les a mis "à la disposition" de la SCI requérante, en vue de leur gestion ; qu'en admettant même que cette convention permettait de qualifier ladite SCI d'utilisatrice des biens immobiliers en cause, cette faculté d'utilisation ne résulte pas, comme le prévoit l'article 216 ter du 2° d'un droit de jouissance sur ces biens en vertu de parts ou d'actions détenues par elle dans le capital de la SA Résidence Côte Vermeille ; qu'en effet, ainsi qu'il résulte de l'article 14 des statuts de la société anonyme Résidence Côte Vermeille, la jouissance des studios revient aux seuls détenteurs d'actions, à l'égard desquels, en fait, la société requérante ne joue qu'un rôle de gestionnaire et éventuellement d'intermédiaire en vue de la location de ces studios ; que dès lors, la SCI requérante n'est pas fondée à prétendre bénéficier, en application des articles 216 bis et ter de l'annexe II du code général des impôts, du transfert de TVA sus-évoqué, en vertu de la convention qu'elle a conclue avec la SA Côte Vermeille ;
Sur le transfert par la SA Résidence Côte Vermeille à la SCI Canet Côte Vermeille d'un droit à remboursement de TVA déductible sur le fondement des droits de jouissance appartenant à la SCI dans les biens immobiliers concernés :
Considérant que, d'une part, lorsqu'un crédit de TVA a été transféré en application des dispositions des articles 216 bis et 216 ter du C.G.I. à une entreprise ou une personne utilisatrice de biens immobiliers, le droit à remboursement de TVA est subordonné aux règles fiscales régissant l'activité de cette entreprise ou de cette personne ; que, d'autre part, aux termes de l'article 233-1 de l'annexe II du C.G.I., dans sa rédaction applicable au litige : "Les loueurs en meublé ou en garni peuvent déduire la taxe ayant grevé les biens constituant des immobilisations de la taxe due sur les recettes de locations. En aucun cas cette déduction ne peut donner lieu à remboursement. Il en est de même de ceux qui, ayant acheté ou construit un immeuble en vue de sa vente, le donnent en location sous quelque forme que se soit" ;
Considérant que, pour autant que la SCI requérante est elle-même propriétaire d'actions de la SA Résidence Côte Vermeille et a ainsi directement la jouissance d'un certain nombre de studios dont elle est utilisatrice au sens des dispositions de l'article 216 bis du C.G.I., le fait de les donner en location la place dans la situation de loueur en meublé au sens des dispositions sur-rappelées de l'article 233-1 de l'annexe II du C.G.I., même si elle n'est propriétaire que de parts sociales lui ouvrant droit à la jouissance de studios et non directement propriétaire desdits studios ; qu'une telle situation est exclusive du droit à remboursement d'un crédit de taxe déductible en application des dispositions dudit article 233-1 ;
Sur le bénéfice des dispositions transitoires prévues à l'article 89 de la loi des finances pour 1982 :
Considérant que la loi du 30 décembre 1981 portant loi des finances pour 1982 dispose en son article 89 : " ... II - Lorsqu'elle est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, de plein droit ou sur option, la location d'un local meublé ou nu dont la destination finale est le logement meublé est toujours considérée comme une opération de fourniture de logement meublé quelles que soient l'activité du preneur et l'affectation qu'il donne à ce local. III - Les dispositions du II ci-dessus sont applicables à compter du 1er janvier 1982. Toutefois, pour la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des locaux d'habitation destinés à l'hébergement des touristes et mis durablement, en vertu d'un contrat d'une durée d'au moins six ans, à la disposition d'un organisme de gestion hôtelière ou parahôtelière, le crédit de taxe déductible constaté au terme de l'année 1982 peut être remboursé" ;
Considérant qu'en admettant que la SCI requérante ait le caractère d'un organisme de gestion parahôtelière, il résulte de l'instruction que la convention de mise à disposition du 15 mars 1981 sus-évoquée stipule en son article 6 : "Le présent contrat est valable tant qu'il n'aura pas été révoqué par le Conseil d'administration de la SA Résidence Côte Vermeille ou que la SCI Canet Côte Vermeille n'aura pas donné sa démission avec les délais nécessaires et d'usage." ; que ce contrat n'avait donc pas une durée d'au moins six ans comme l'exige l'article 89 sus-rappelé de la loi de finances pour 1982 ; qu'ainsi la société requérante ne peut, en tout état de cause, se prévaloir du bénéfice des dispositions transitoires définies par ledit article ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société civile immobilière Canet Côte Vermeille n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Article 1 : La requête susvisée est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Canet Côte Vermeille et au ministre délégué au budget.