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27/12/1990 | FRANCE | N°89NC00524

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 27 décembre 1990, 89NC00524


Vu, enregistrée le 28 décembre 1988 au greffe de la Cour la requête présentée pour Mme veuve X..., tendant :
1°) à l'annulation du jugement du 16 novembre 1988 du tribunal administratif de LILLE rejetant sa demande d'indemnité ;
2°) à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 2 310 000 F en réparation du préjudice causé par l'arrêté du 23 décembre 1981 par lequel le préfet du Nord a mis fin aux fonctions de médecin électroradiologiste que son mari, décédé depuis lors, exerçait à l'hôpital de WATTRELOS ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 74-393 du 3 mai 1974 ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Vu l...

Vu, enregistrée le 28 décembre 1988 au greffe de la Cour la requête présentée pour Mme veuve X..., tendant :
1°) à l'annulation du jugement du 16 novembre 1988 du tribunal administratif de LILLE rejetant sa demande d'indemnité ;
2°) à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 2 310 000 F en réparation du préjudice causé par l'arrêté du 23 décembre 1981 par lequel le préfet du Nord a mis fin aux fonctions de médecin électroradiologiste que son mari, décédé depuis lors, exerçait à l'hôpital de WATTRELOS ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 74-393 du 3 mai 1974 ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 18 décembre 1990 :
- le rapport de M. LEGRAS, Conseiller,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que Mme X... demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de LILLE rejetant sa demande d'indemnité et sollicite la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 2 310 000 F en réparation du préjudice causé par la décision du préfet du Nord mettant fin aux fonctions de médecin électroradiologiste exercées à l'hôpital de WATTRELOS par le mari de la requérante, ultérieurement décédé ;
Sur la saisine de la commission d'experts médicaux :
Considérant que le décret n° 74-393 du 3 mai 1974, modifié par le décret n° 76-651 du 9 juillet 1976, relatif au recrutement, à la nomination et au statut des praticiens à temps partiel des établissements d'hospitalisation publics autres que les centres hospitaliers régionaux faisant partie de centres hospitaliers et universitaires et les hôpitaux locaux, dispose en son article 10, traitant des droits à congé de maladie des praticiens à temps partiel : "Si à l'issue de six mois de congé de maladie, l'intéressé n'est pas en mesure de reprendre son service, il est placé en disponibilité. Si, après avis de la commission d'experts médicaux prévue à l'article 21 du décret du 24 août 1961 il est reconnu inapte, il est mis fin à ses fonctions" ; que le même article dispose ensuite, après avoir traité des droits à congé de maternité et des conditions de délivrance des décisions de congé, "en cas de besoin il est fait appel à l'avis de la commission d'experts médicaux" ; qu'il résulte de ces dispositions que le praticien qui est reconnu définitivement inapte en raison de son état physique peut faire l'objet d'une mesure de cessation de fonction dès lors que cette inaptitude a été constatée par une commission d'experts ; qu'une telle mesure n'est pas subordonnée à l'épuisement préalable du droit à congé de maladie dans la mesure où l'intéressé n'a pas demandé à bénéficier de tels congés ; qu'ainsi, la décision du 3 janvier 1980 par laquelle le préfet du Nord avait constitué une commission d'experts médicaux aux fins de statuer sur l'aptitude du docteur X... à exercer ses fonctions et l'arrêté du 23 décembre 1981 du même préfet mettant fin aux fonctions de M. X... ne présentaient pas un caractère irrégulier, alors même que ce dernier n'avait pas épuisé les congés de maladie auxquels il aurait pu éventuellement prétendre ;
Sur l'irrégularité alléguée de la réunion des experts :
Considérant que l'arrêté du 23 décembre 1981 par lequel le préfet du Nord a mis fin aux fonctions hospita-lières du docteur X... vise "les conclusions du rapport des experts médicaux déposé le 7 août 1981" par la commission d'experts médicaux ; que la requérante expose que son mari n'avait pas été prévenu de la tenue d'une réunion sur son cas à cette date et n'a donc pu être présent, ni se faire assister d'un médecin de son choix ;

Considérant toutefois qu'il résulte du dossier que si le médecin-inspecteur régional a transmis au préfet le 7 août 1981 l'avis de la commission d'experts, cet avis faisait suite à une réunion de ladite commission tenue le 22 septembre 1980 ; qu'il résulte du texte dudit avis, produit au dossier de première instance, que le docteur X... était présent le 22 septembre 1980 et qu'il était assisté du docteur Y... ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation de la commission d'experts en raison de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure manque en fait ;
Sur l'aptitude du docteur X... à exercer ses fonctions hospitalières :
Considérant qu'il résulte de l'avis formulé par les experts, à l'issue de l'examen de M. X... auquel ils ont procédé le 22 septembre 1980, que si l'aptitude intellec-tuelle du docteur X... est demeurée intacte pour interpréter des clichés radiographiques, celui-ci était cependant atteint d'une affection neurologique ayant entraîné un très important déficit moteur, rendant ses mouvements difficiles et nécessitant le recours à l'aide d'une tierce personne pour effectuer la plupart des actes ordinaires de la vie ;
Considérant que, même si les fonctions de chef du service de radiodiagnostic qui étaient celles du docteur X... à l'hôpital de WATTRELOS ne comportaient pas de manière habituelle l'exécution d'opérations manuelles, compte tenu de la présence de manipulatrices au sein dudit service, des situations d'urgence survenant la nuit ou au cours de jours fériés pouvaient exiger qu'il exécute lui-même ou participe à l'exécution de certains examens ; que l'impossibilité physique où il se trouvait de répondre aux nécessités du service était de nature à porter préjudice au bon fonctionnement du service hospitalier ; que, dans ces conditions, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur d'appréciation en décidant de mettre fin aux fonctions de l'intéressé ;
Sur le refus de communiquer au docteur X... l'avis émis par les experts :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 relative notamment à l'accès aux documents administratifs : "Sous réserve des dispositions de l'article 6, les documents administratifs sont de plein droit communicables aux personnes qui en font la demande, qu'ils émanent des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes, fussent-ils de droit privé, chargés de la gestion d'un service public" ; que l'article 6 bis de la même loi précise : "Les personnes qui le demandent ont droit à la communication, par les administrations mentionnées à l'article 2, des documents de caractère nominatif les concernant, sans que des motifs tirés du secret de la vie privés, du secret médical ou du secret en matière commerciale et industrielle, portant exclusivement sur des faits qui leur sont personnels, puissent leur être opposés. Toutefois, les informations à caractère médical ne peuvent être communiquées à l'intéressé que par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne à cet effet" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en date du 5 février 1982 M. X... avait demandé au préfet du Nord communication du rapport d'expertise établi par la commission mentionnée ci-dessus ; que ce document, qui concernait personnellement l'intéressé, relevait de l'application des dispositions sus-mentionnées de la loi du 17 juillet 1978 ; que son caractère médical pouvait justifier qu'il ne soit communiqué qu'à un praticien, mais ne pouvait justifier un refus de communication ; que dès lors le refus de communication opposé le 4 mai 1982 est entaché d'illégalité ; que si ledit refus n'est pas de nature à affecter la décision ayant mis fin aux fonctions de M. X..., laquelle lui est antérieure, il a causé à M. X... un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en attribuant à sa veuve la somme de 20 000 F ; que celle-ci est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de LILLE a rejeté intégralement sa demande d'indemnité ;
Sur les intérêts de la somme de 20 000 F :
Considérant que les intérêts au taux légal ont été demandés le 16 décembre 1985 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant d'autre part que la capitalisation des intérêts a été demandée le 22 octobre 1987 et le 28 décembre 1988 ; qu'à chacune de ces deux dates il était dû plus d'un an d'intérêts ; qu'il y a lieu de faire droit à ces deux demandes ; qu'en revanche, la demande de capitalisation formulée le 20 décembre 1989 doit être rejetée dès lors qu'il était dû à cette dernière date moins d'un an d'intérêts ;
Article 1 : Le jugement attaqué du tribunal administratif de LILLE est annulé.
Article 2 : L'Etat (ministre de la santé) est condamné à payer à Mme veuve X... la somme de 20 000 F.
Article 3 : Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 1985. Ces intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter du 22 octobre 1987 et du 28 décembre 1988.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme veuve X... et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 89NC00524
Date de la décision : 27/12/1990
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CESSATION DE FONCTIONS - RADIATION DES CADRES - INAPTITUDE PHYSIQUE - Procédure - Consultation de la commission d'experts médicaux sur l'aptitude physique d'un praticien à temps partiel des hôpitaux publics (article 10 du décret du 3 mai 1974 modifié) - Consultation antérieure à l'épuisement des droits à congé de maladie - Régularité en l'espèce.

36-10-09-01, 61-06-03-01-04 Les dispositions réglementaires relatives au statut des praticiens à temps partiel des établissements d'hospitalisation publics ne font pas obstacle à ce que la commission d'experts médicaux prévue à l'article 21 du décret du 24 août 1961 soit invitée par le préfet, conformément aux dispositions de l'article 10 du décret du 3 mai 1974 modifié par le décret du 9 juillet 1976, à se prononcer sur l'aptitude physique d'un de ces praticiens, même si ce dernier n'a pas préalablement épuisé ses droits à congé de maladie, dès lors qu'il n'a pas demandé à en bénéficier.

SANTE PUBLIQUE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - PERSONNEL - PERSONNEL MEDICAL - PRATICIENS A TEMPS PARTIEL - Radiation des cadres pour inaptitude physique - Procédure - Consultation de la commission d'experts médicaux (article 10 du décret du 3 mai 1974 modifié) - Consultation antérieure à l'épuisement par un praticien agent du service public hospitalier de ses droits à congé de maladie - Régularité en l'espèce.


Références :

Décret 74-393 du 03 mai 1974
Décret 76-651 du 09 juillet 1976 art. 10
Loi 78-753 du 17 juillet 1978 art. 2, art. 6 bis


Composition du Tribunal
Président : M. Woehrling
Rapporteur ?: M. Legras
Rapporteur public ?: Mme Felmy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1990-12-27;89nc00524 ?
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