VU, enregistrée le 5 mai 1987 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, la requête de la société Franc-comtoise de carburants et de combustibles, représentée par le président de son conseil d'administration, ladite requête tendant :
1°/ à l'annulation du jugement du 25 mars 1987 par lequel le tribunal administratif de BESANCON a rejeté sa demande de réduction de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie pour les années 1980 à 1982 dans les rôles de la ville de BAUME-LES-DAMES ;
2°/ à la décharge des impositions contestées ;
VU la décision en date du 2 janvier 1989 par laquelle le Président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, la requête présentée par la S.A. Franc-comtoise de carburants et de combustibles ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU le code civil ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 6 novembre 1990 :
- le rapport de Monsieur LEGRAS, Conseiller,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la société anonyme Franc-comtoise de carburants et de combustibles sollicite l'annulation du jugement du 25 mars 1987 par lequel le tribunal administratif de BESANCON a rejeté sa demande de réduction de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie, à la suite d'une vérification de comptabilité, au titre des exercices clos en 1980, 1981 et 1982 ;
En ce qui concerne le refus de l'administration d'admettre un amortissement dégressif pour des volucompteurs et le bâtiment les abritant :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 A 1° du code général des impôts : "l'amortissement des biens d'équipement ( ...) peut être calculé suivant le système d'amortissement dégressif" ( ...) 2° les dispositions du 1 sont applicables dans les mêmes conditions ( ** ) aux bâtiments industriels dont la durée normale d'utilisation n'excède pas quinze années ( ...)" ; que l'article 22 de l'annexe II audit code précise, pour l'application des dispositions qui précèdent que "- Les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux peuvent amortir suivant un système dégressif - dans les conditions fixées aux articles 23 à 25 - les immobilisations acquises ou fabriquées par elles à compter du 1er janvier 1960 et énumérées ci-après : Matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication, de transformation ou de transport ; Matériels de manutention ; Installations destinées à l'épuration des eaux et à l'assainissement de l'atmosphère ; Installations productrices de vapeur, chaleur ou énergie ; Installations de sécurité et installations à caractère médico-social ; Machines de bureau, à l'exclusion des machines à écrire ; Matériels et outillages utilisés à des opérations de recherche scientifique ou technique ; Installation de magasinage et de stockage sans que puissent y être compris les locaux servant à l'exercice de la profession ; Immeubles et matériels des entreprises hôtelières" ;
Considérant, en premier lieu, que les volucompteurs installés par la société requérante dans la station-service qu'elle exploite servant à la délivrance de carburants aux clients et ont pour objet, d'extraire le carburant des caves, ainsi que renseigner les clients sur la quantité d'essence ou de fioul prise par eux et sur le prix qu'ils doivent acquitter ; que ces équipements n'entrent dès lors dans aucune des catégories définies par l'article 22 sus-rappelé de l'annexe III du C.G.I. ; que leur fonction est distincte par sa nature de celle d'enregistrement des recettes et de mise à jour des stocks assurée par un pupitre électronique central, même si ledit pupitre est relié auxdits volucompteurs ; que le caractère de machine de bureau reconnu par l'administration à ce même pupitre ne peut ainsi avoir pour effet de conférer le même caractère auxdits volucompteurs ; que ces derniers, sont par suite insusceptibles de bénéficier d'un amortissement dégressif ;
Considérant, en deuxième lieu, en ce qui concerne la construction d'un auvent de protection, que si des matériaux légers ont été partiellement utilisés pour l'édifier, son usage, qui est d'abriter des intempéries les usagers des pompes et accessoirement d'en protéger ces dernières, ne permet pas de le regarder comme un "bâtiment industriel" au sens de l'art. 39 A-2 susmentionné du code général des impôts régissant la faculté de procéder à un amortissement dégressif en matière de bâtiments ; que la requérante ne saurait se prévaloir de l'interprétation administrative contenue dans une instruction administrative FE 40 22 12, aux termes de laquelle, notamment, "les bâtiments spécialement construits pour protéger et renfermer des matériels" peuvent bénéficier de l'amortissement dégressif, alors qu'il résulte clairement des termes de cette instruction qu'elle n'a pas entendu étendre cette faculté, à des bâtiments n'ayant pas un caractère industriel en raison de l'activité en vue de laquelle ils protègent ou renferment des matériels ;
Considérant qu'il suit de là que la société requérante ne pouvait prétendre au droit de pratiquer un amortissement dégressif ni pour les volupcompteurs qu'elle a installés, ni pour l'abri qu'elle a fait édifier ;
Sur la déduction fiscale au titre du soutien de l'investissement productif industriel :
Considérant que la loi 79-525 du 3 juillet 1979 qui a institué une déduction fiscale pour investissement industriel productif a limité, en son article 1, le bénéfice de cette déduction au cas où deux tiers au moins des immobilisations corporelles amortissables autres que les constructions sont amortissables selon le mode dégressif ; qu'il n'est pas contesté que cette proportion des deux tiers n'est pas atteinte en l'espèce, dès lors que les volucompteurs et l'auvent sont, comme énoncé ci-dessus, exclus dudit mode d'amortissement ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à solliciter l'application à son profit des dispositions sus-mentionnées ;
Sur l'amortissement de dépenses de réfection de la piste d'accès :
Considérant que les travaux de réfection de l'enrobage de la piste d'accès desservant la station-service exploitée par la requérante ne peuvent, nonobstant la circonstance que cette dernière en ait inscrit le montant à l'actif de son bilan, être regardés comme correspondant à une immobilisation amortissable sur 10 ans ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu des caractéristiques de l'installation en cause, de ramener à cinq ans la durée de l'amortissement correspondant ; que, par suite, la société Franc-comtoise de carburants et de combustibles est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté intégralement sa demande sur ce point ; qu'il y a lieu d'ordonner une décharge partielle des redressements contestés correspondant à la prise en compte d'un amortissement sur 5 ans des travaux de réfection sus-invoqués ;
Sur la réintégration d'une partie de la provision pour hausse de prix :
Considérant que le montant contesté de ladite provision se rattache à un achat de 700 m3 de fioul effectué à la fin de septembre 1982 auprès de la société WALLACH, suivi d'une revente à la même société un mois plus tard ; que l'administration a estimé que la marchandise correspondante, dès lors qu'elle n'a jamais été livrée, ne pouvait figurer dans les stocks de la requérante ;
Considérant d'une part qu'en vertu de l'article 39-1-5° (4ème alinéa) du code général des impôts, des entreprises peuvent sous certaines conditions pratiquer en franchise d'impôt une provision pour hausse de prix lorsque, pour une matière ou un produit donné, il est constaté, au cours d'une période ne pouvant excéder deux exercices successifs clos postérieurement à cette date, une hausse de prix supérieure à 10 % ; qu'en application de l'article 10 nonies de l'annexe III du même code, le montant maximal de la dotation pouvant être porté en compte "provisions pour hausse des prix" est déterminé à la clôture de chaque exercice en partant de la quantité de matière ou de produit concerné existant en stock à la date de clôture ; que, d'autre part, aux termes de l'article 38 ter de l'annexe III au code général des impôts : "Le stock est constitué par l'ensemble des marchandises ( ...) qui sont la propriété de l'entreprise à la date de l'inventaire" ; qu'enfin, aux termes de l'article 1585 du code civil "lorsque des marchandises ne sont pas vendues en bloc, mais au poids, au compte ou à la mesure, la vente n'est point parfaite, en ce sens que les choses vendues sont aux risques du vendeur jusqu'à ce qu'elles soient pesées, comptées ou mesurées ; mais l'acheteur peut en demander ou la délivrance ou des dommages-intérêts, s'il y a lieu, en cas d'inexécution de l'engagement" ; que ces dernières dispositions ne sauraient permettre d'exclure du montant du stock dont un contribuable est propriétaire, au sens de l'article 38 ter sus-rappellé de l'annexe III du C.G.I. des quantités de fuel non encore livrées dès lors qu'elles présentent un caractère supplétif et qu'elles ne limitent pas le caractère parfait de la vente qu'en ce qui concerne la responsabilité du vendeur à l'égard des choses vendues ;
Considérant que si l'achat sus-invoqué de 700 m3 de fioul n'a été ni livré, ni payé, il a cependant fait l'objet d'une commande et d'une facture régulièrement comptabilisée ; qu'il y avait ainsi accord tant sur la chose que sur le prix ; que l'administration, qui fait valoir que cette marchandise était placée en entrepôt sous douane, ne conteste pas en tout état de cause que l'identification du fioul ainsi acheté par la requérante avait été opérée par les services des douanes conformément à l'arrêté du 30 avril 1974 fixant les obligations des importateurs distributeurs et revendeurs de certains fuel-oils ; que, par suite, bien que cette marchandise fût demeurée stockée dans les cuves de la société qui l'avait vendue, la vente devait être regardée comme effective, conformément aux usages de la profession, sans qu'y fasse obstacle ni les dispositions sus-rappelées de l'article 1585 du code civil, ni la circonstance que le paiement ne soit pas intervenu ; que la société requérante avait ainsi la qualité de propiétaire du carburant dont il s'agit, au sens de l'article 38 ter précité de l'annexe III au code général des impôts, et était par suite en droit de faire figurer dans ses stocks et de porter dans ses écritures une provision pour hausse des prix constatée en tenant compte de l'achat sus-évoqué de 700 m3 de fioul ; qu'elle est par suite fondée à demander une décharge partielle correspondante ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, d'une part, la société franc-comtoise de carburants et de combustibles est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de BESANCON a refusé de la décharger des impositions correspondant à la prise en compte d'une durée d'amortissement de 5 ans pour les travaux de réfection sus-évoqués et de l'inclusion dans ses stocks d'un achat de 700 m3 de fioul et que, d'autre part, il y a lieu de rejeter le surplus de la requête ;
Article 1 : il est accordé une décharge partielle à la société Franc-comtoise de carburants et de combustibles des redressements dont elle a fait l'objet en matière d'impôt sur les sociétés en principal et en pénalités, correspondant, d'une part, à la réduction de dix ans à cinq ans de la durée d'amortissement des travaux de réfection de la piste d'accès à la station-service qu'elle exploite et, d'autre part, à la prise en compte de la provision pour hausse des prix constituée à la suite d'un achat de 700 m3 de fioul effectué le 29 septembre 1982. La société requérante est renvoyée devant la direction des services fiscaux pour le calcul du montant de cette décharge.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de BESANCON du 25 mars 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Franc-comtoise de carburants et de combustibles et au ministre délégué, chargé du Budget.