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06/11/1990 | FRANCE | N°89NC01161;89NC01164

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 06 novembre 1990, 89NC01161 et 89NC01164


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 14 avril 1989 sous le numéro 89NC01161, présentée pour le département du JURA, réprésenté par le Président en exercice du Conseil général. Le département du JURA demande à la Cour :
1) de réformer le jugement en date du 2 février 1989 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a condamné le syndicat d'électricité et d'équipement collectif du JURA (SIDEC) et la compagnie de l'Eau et de l'Ozone à lui verser chacun la somme de 170 962,60 F en réparation des dommages causés à la canalisation

d'eau installée à l'intérieur du Pont de la Pyle franchissant le lac de Vo...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 14 avril 1989 sous le numéro 89NC01161, présentée pour le département du JURA, réprésenté par le Président en exercice du Conseil général. Le département du JURA demande à la Cour :
1) de réformer le jugement en date du 2 février 1989 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a condamné le syndicat d'électricité et d'équipement collectif du JURA (SIDEC) et la compagnie de l'Eau et de l'Ozone à lui verser chacun la somme de 170 962,60 F en réparation des dommages causés à la canalisation d'eau installée à l'intérieur du Pont de la Pyle franchissant le lac de Vouglans ;
2) de condamner solidairement l'Etat, le SIDEC et la compagnie de l'Eau et de l'Ozone à lui verser une somme de 544 580,36 F avec intérêts de droit au titre du remplacement de l'ouvrage, une somme de 139 270,05 F au titre de la pose d'une canalisation provisoire et une somme de 10 000 F au titre des frais de procès non compris dans les dépens ;
3) condamne l'Etat à lui verser une somme de 140 896 F au titre du calorifugeage de ladite canalisation ;
Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 17 avril 1989 sous le numéro 89NC01164, présentée pour le syndicat d'électricité et d'équipement collectif du JURA, dont le siège est .... Le syndicat demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 2 février 1989 en tant que le Tribunal administratif de Besançon l'a condamné, ainsi que la compagnie de l'Eau et de l'Ozone, à verser au département du JURA la somme de 170 962,60 F en réparation des dommages causés à la canalisation d'eau installée à l'intérieur du Pont de la Pyle franchissant le lac de Vouglans ;
Vu le mémoire en défense et appel incident, enregistré le 2 avril 1990, présenté pour la compagnie de l'Eau et de l'Ozone. La compagnie conclut au rejet des requêtes du département du Jura et du SIDEC, à l'annulation du jugement du 2 février 1989 en tant qu'il l'a condamnée à verser au département du Jura la somme de 170 962,60 F, et à titre subsidiaire à ce que le SIDEC et l'Etat soient condamnés à la garantir des condamnations prononcées contre elle ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 23 octobre 1990 :
- le rapport de M. DAMAY, conseiller,
- les observations de Me X... de la SCP VIER-BARTHELEMY, avocat de la compagnie de l' Eau et de l'Ozone,
- et les conclusions de Mme FELMY, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les requêtes du département du JURA et du syndicat d'électricité et d'équipement collectif du JURA (SIDEC) sont dirigées contre le même jugement en date du 2 février 1989 du Tribunal administratif de Besançon ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
Considérant que par une convention en date du 2 décembre 1969, renouvelée le 12 septembre 1979, le département du JURA a confié au S.I.D.E.C. l'aménagement et l'équipement des abords du lac de Vouglans ; que ce syndicat, agissant en tant que maître d'ouvrage délégué, a passé un marché le 27 avril 1979 sous la maîtrise d'oeuvre des services techniques de l'Etat pour assurer le franchissement du pont de la Pyle par la canalisation d'eau potable desservant la rive gauche du lac ; que par une convention en date du 2 novembre 1981, le département du JURA a affermé à la compagnie de l'Eau et de l'Ozone l'exploitation du réseau de distribution publique d'eau potable des abords du lac de Vouglans ; qu'à la suite de la détérioration de la canalisation susmentionnée, constatée en avril 1985, le département du JURA a installé une conduite provisoire, puis a remplacé la canalisation située à l'intérieur du pont ; que le Tribunal administratif a condamné la compagnie de l'Eau et de l'Ozone et le S.I.D.E.C. à rembourser chacun au département du JURA une somme de 170 962,60 F correspondant au quart des dépenses exposées, à l'exclusion de la plus-value apportée par le calorifugeage de la nouvelle installation ;
En ce qui concerne les conclusions relatives à l'indemnisation du coût du remplacement à l'identique de la canalisation détériorée et de la pose d'une canalisation provisoire :
Sur la demande de condamnation solidaire :
Considérant que si le département du JURA demande à la Cour administrative d'appel de condamner solidairement la compagnie de l'Eau et de l'Ozone, le S.I.D.E.C. et l'Etat à lui payer une somme de 683 850,41 F, ces conclusions, en tant qu'elles tendent à une condamnation solidaire des éventuels débiteurs, n'ont pas été présentées devant le Tribunal administratif et constituent par suite une demande nouvelle qui n'est pas recevable en appel ;
Sur les responsabilités respectives de la compagnie de l'Eau et de l'Ozone, du SIDEC et de l'Etat vis-à-vis du département du JURA :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et en particulier du rapport de l'expertise ordonnée en référé que la cause exclusive de la détérioration de la canalisation d'eau installée à l'intérieur du pont de la Pyle réside dans le gel survenu au cours de l'hiver 1985 ; que les effets du gel n'auraient pu être évités qu'en procédant à la vidange de la canalisation qui ne desservait que des installations touristiques estivales, ou en maintenant un courant d'eau à l'intérieur de celle-ci ; que, compte tenu de la rigueur de l'hiver 1985, le calorifugeage de la conduite n'aurait pu que retarder le gel de la conduite si les précautions mentionnées ci-dessus n'avaient pas été prises ;

Considérant qu'il appartenait à la compagnie de l'Eau et de l'Ozone, chargée du bon entretien des ouvrages en cause, dont elle avait accepté l'incorporation dans un réseau qu'elle exploitait en vertu de la convention d'affermage conclu avec le département du JURA, de prendre toutes dispositions pour éviter le gel des canalisations d'eau au cours de l'hiver 1985 ; qu'en s'abstenant de prendre les précautions nécessaires, elle a commis une faute qui engage sa responsabilité contractuelle vis-à-vis du maître d'ouvrage ; qu'elle ne saurait s'exonérer de cette responsabilité, ni en soutenant qu'elle devait un service continu aux usagers, alors que l'alimentation hivernale des communes de la rive gauche était assurée par un réseau distinct, ni en affirmant qu'elle ne pouvait maintenir le débit nécessaire pour éviter le gel sans déséquilibrer son bilan d'exploitation, dès lors qu'elle n'a pas saisi le maître d'ouvrage des difficultés qu'elle aurait pu rencontrer à cet égard ; qu'elle ne peut davantage invoquer la circonstance qu'elle ne pouvait accéder à la galerie fermée à clé où se trouvait la canalisation, dès lors que cette clé pouvait être mise à sa disposition et que les précautions rappelées ci-dessus pouvaient être prises sans pénétrer dans cette galerie ;
Considérant que les stipulations de l'article de la convention déléguant au SIDEC la maîtrise d'ouvrage des travaux d'équipement des abords du lac de Vouglans prévoyaient que le concessionnaire participerait à la réception des travaux et serait appelé à présenter des observations ; que l'article 16 prévoyait que la remise des ouvrages au concessionnaire était subordonnée à son acceptation et à son engagement d'assurer l'entretien des ouvrages en bon état de marche ; que, pour ce faire, le maître d'ouvrage devait lui remettre tous les documents nécessaires à l'exploitation rationnelle des ouvrages ; qu'en ne respectant pas ces obligations alors qu'il avait établi pour la réalisation et l'exploitation de l'ouvrage un programme impliquant la vidange hivernale des canalisations, le SIDEC , d'une part, a omis de fournir au concessionnaire des informations essentielles pour le bon entretien des canalisations et qui auraient été de nature à attirer son attention sur les contraintes de leur utilisation durant l'hiver et, d'autre part, n'a pas mis ledit concessionnaire en mesure de présenter des observations ou des réserves ; que le SIDEC a dès lors commis dans l'exécution de son contrat une faute qui a participé à la réalisation du dommage ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le gel de la canalisation d'eau traversant le pont de la Pyle survenu au cours de l'hiver 1985 soit en relation avec son absence de calorifugeage et soit, par suite, imputable à la conception de l'ouvrage par les services techniques de l'Etat, lesquels avaient en tout état de cause soumis au maître d'ouvrage délégué le choix du mode de protection des ouvrages contre le gel ; que par suite, il y a lieu, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions du département du JURA dirigées contre l'Etat, de mettre ce dernier hors de cause ;

Considérant que le département du JURA n'a pas manqué à ses obligations contractuelles vis-à-vis de son fermier, dès lors que celui-ci ne l'a saisi d'aucune difficulté qui serait apparue dans le suivi du chantier ou lors de la remise de l'ouvrage par le SIDEC et ne l'a pas informé des problèmes posés par la persistance de températures rigoureuses ; qu'il n'a pas non plus manqué à ses obligations contractuelles vis-à-vis du maître d'ouvrage délégué, dès lors que les stipulations de la convention passée avec le SIDEC prévoyaient que le syndicat était seul chargé de la conduite des travaux, de leur réception et de la remise des ouvrages au concessionnaire ;
Considérant que compte tenu de leur faute respective et de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer à 50 % la part des responsabilités respectives du SIDEC et de la compagnie de l'Eau et de l'Ozone dans la survenance du dommage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que c'est à tort que le Tribunal administratif a laissé à la charge du département du Jura le tiers des frais exposés pour remplacer la canalisation endommagée et imputé à l'Etat une part des responsabilités encourues, et d'autre part, que la compagnie de l'Eau et de l'Ozone et le syndicat d'électricité et d'équipement collectif du Jura (SIDEC) doivent être déclarés responsables vis à vis du département du Jura, chacun pour moitié de la détérioration de la canalisation d'eau située à l'intérieur du pont de la Pyle ; que le préjudice subi par le département du Jura au titre de la pose d'une canalisation provisoire et du remplacement à l'identique de la canalisation endommagée s'élèvant au montant non contesté de 683 850,41 F, il y a lieu de porter à 341 925,20 F le montant des indemnités que le SIDEC et la compagnie de l'Eau et de l'Ozone doivent chacun être condamnés par le jugement attaqué à payer au département du Jura ;
Sur les appels en garantie de la compagnie de l'Eau et de l'Ozone à l'encontre du SIDEC et de l'Etat :
Considérant que compte tenu du rejet des conclusions tendant à une condamnation solidaire et du partage de responsabilité auquel il a été ci-dessus procédé, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel en garantie présentées par la compagnie de l'Eau et de l'Ozone à l'encontre du SIDEC et de l'Etat ;
En ce qui concerne la plus-value résultant du calorifugeage de la nouvelle canalisation :
Considérant que le département du Jura n'a pas présenté devant le Tribunal administratif de conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui rembourser la plus-value apportée à la nouvelle canalisation par son calorifugeage ; que de telles conclusions sont dès lors irrecevables devant le juge d'appel ;
Sur les frais de procès non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article R.222 et de condamner le SIDEC et la compagnie de l'Eau et de l'Ozone à payer chacun au département du Jura une somme de 3 000 F au titre des frais de procès non compris dans les dépens ;
Article 1 : L'indemnité que la compagnie de l'Eau et de l'Ozone a été condamnée par le jugement attaqué du 2 février 1989 à verser au département du Jura est portée de 170 962,60 F à 341 925,20 F.
Article 2 : L'indemnité que le syndicat d'électricité et d'équipement collectif du Jura a été condamné à verser au département du Jura est portée de 170 962,60 F à 341 925,20 F.
Article 3 : Le surplus de la requête du département du Jura, la requête du SIDEC, le recours incident de la compagnie de l'Eau et de l'Ozone, l'appel provoqué de ladite compagnie dirigé contre le SIDEC et son appel provoqué dirigé contre l'Etat sont rejetés.
Article 4 : Le syndicat d'électricité et d'équipement collectif du Jura et la compagnie de l'Eau et de l'Ozone verseront chacun au département du Jura une somme de 3 000 F au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 2 février 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au département du Jura, au ministre de l'Agriculture et de la Forêt, au syndicat d'électricité et d'équipement collectif du Jura et à la compagnie de l'Eau et de l'Ozone.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 89NC01161;89NC01164
Date de la décision : 06/11/1990
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-07 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RESPONSABILITE DU MAITRE DE L'OUVRAGE DELEGUE A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE -Responsabilité contractuelle - Champ d'application - Responsabilité pour les fautes commises à l'occasion de la réception des travaux et de la remise des ouvrages.

39-07 La responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage délégué peut être engagée à l'égard du maître d'ouvrage, après la réception définitive et la prise de possession des ouvrages par le concessionnaire exploitant, pour les fautes commises par le maître d'ouvrage délégué lors des opérations de réception des travaux et de remise des ouvrages au concessionnaire.


Composition du Tribunal
Président : M. Woehrling
Rapporteur ?: M. Damay
Rapporteur public ?: Mme Felmy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1990-11-06;89nc01161 ?
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