Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 juillet 1986 sous le numéro 80218 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 janvier 1989, présentée par la société anonyme Automotor dont le siège social est ... à Magenta (Marne) et tendant à ce que la Cour :
1) annule le jugement en date du 9 mai 1986 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande en décharge d'une somme de 78 216 F correspondant à l'imposition d'une plus-value au titre de l'exercice 1978 ;
2) lui accorde la décharge demandée ;
Vu l'ordonnance du 1er décembre 1988 par laquelle le Président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 21 novembre 1989 :
- le rapport de M. JACQ, conseiller,
- et les conclusions de Mme FRAYSSE, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1966-1 du C.G.I. reprises à l'article L. 169 du L.P.F. "Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la quatrième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due" ; que, selon l'article 365 de l'annexe III au C.G.I., pris pour l'application de l'article 1668 du C.G.I., "1 - La liquidation de l'impôt est faite par la société et le montant, arrondi au franc inférieur, en est versé par elle sans avis d'imposition sous déduction des accomptes déjà réglés, au plus tard le jour de l'expiration du délai fixé pour la remise de la déclaration prévue à l'article 223-1 du C.G.I.. Ce versement est effectué à la caisse du comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs ... Il est accompagné du bordereau-avis utilisé au cours de l'exercice ... 4 - Le recouvrement du solde de liquidation ou fraction du solde ... est poursuivi, le cas échéant, en vertu d'un titre de perception rendu exécutoire par le trésorier-payeur-général ... 5 - Les omissions totales ou partielles constatées dans l'établissement des titres de perception ... visés ci-dessus, ainsi que les erreurs commises dans le calcul du solde de liquidation ... peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le versement du solde était exigible " ; qu'aux termes de l'article 366 de ladite annexe, pris pour l'application de l'article 1668 du C.G.I., "Le complément d'impôt à verser qui apparaît, le cas échéant, à la suite du contrôle de la liquidation effectué par le service des impôts est recouvré par voie de rôles et exigible, en totalité, dès la mise en recouvrement du rôle ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, d'une part, qu'une omission totale ou partielle constatée dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés peut être réparée, par voie de rôle, par l'administration des impôts jusqu'à la fin de la quatrième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due et, d'autre part, qu'une omission totale ou partielle constatée dans le recouvrement de l'impôt peut être réparée par le service du recouvrement en établissant un titre de perception rendu exécutoire par le trésorier-payeur-général avant l'expiration de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle les sommes à recouvrer étaient exigibles ;
Considérant que, dans la déclaration des résultats de l'exercice 1978 qu'elle a souscrite le 20 avril 1979, la société anonyme Automotor a fait état d'une plus-value à long terme qu'elle a réalisée en 1978 à l'occasion de la cession d'un immeuble inscrit à son bilan ; qu'elle ne conteste pas le montant de 78 216 F de l'impôt sur les sociétés en résultant ; que, dans la mesure où elle a entendu soutenir qu'elle s'est acquittée de cette imposition auprès du comptable du trésor conformément au 1 de l'article 365 précité de l'annexe II au C.G.I., elle n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, d'un paiement effectif ; que la circonstance que le service du recouvrement n'aurait pu produire le bordereau-avis de l'exercice, prévu par le 1 de l'article 365, n'est en tout état de cause pas de nature à la dispenser d'apporter la preuve dont elle a la charge ; que ni l'inscription au poste "réserve spéciale" du bilan de l'entreprise du montant net "après impôt" de cette plus-value, ni la déclaration de ladite plus-value ne lui permettent d'apporter cette preuve ;
Considérant, cependant, qu'il résulte de l'instruction que le service du recouvrement s'est abstenu d'établir, en vue de poursuivre le recouvrement de cette imposition, un titre de perception rendu exécutoire par le trésorier-payeur-général, comme il est prévu au 4 de l'article 365 précité de l'annexe III au C.G.I. ; que, dès lors, l'administration ne peut utilement invoquer, pour soutenir qu'aucune prescription n'est intervenue, les dispositions susmentionnées du 5 dudit article 365 qui ne trouvent à s'appliquer qu'en cas d'omissions totales ou partielles dans l'établissement des titres de perception visés au 4 du même article ; qu'en outre, lorsque le service d'assiette a, le 20 juin 1983, adressé à la société requérante une notification de redressement l'informant de son intention de mettre en recouvrement l'impôt sur les sociétés dû sur la base de sa déclaration de ladite plus-value, laquelle était imposable au titre de l'année 1978 au cours de laquelle elle a été réalisée, le délai de répétition prévu par l'article 1966-1 du C.G.I. repris à l'article L. 169 du L.P.F. était expiré et la prescription était acquise à la contribuable ; que cette notification n'ayant donc pu interrompre le cours de la prescription, l'imposition litigieuse était prescrite lorsque le service des impôts l'a mise en recouvrement le 7 décembre 1983 par voie de rôle ; que, par suite, la société Automotor est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, en date du 6 mai 1986, du Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne et la décharge, à concurrence de la somme de 78 216 F, de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1978 ;
Article 1 : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne, en date du 6 mai 1986, est annulé.
Article 2 : La société anonyme Automotor est déchargée, à concurrence de la somme de 78 216 F, de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1978 ;
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Automotor et au ministre délégué, chargé du budget.