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05/12/1989 | FRANCE | N°89NC00103

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Pleniere, 05 décembre 1989, 89NC00103


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 février et 16 juin 1987 sous le n° 85243 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 janvier 1989 sous le n° 89NC00103, présentés pour M. Michel X..., demeurant ... à 80700 Roye, tendant à ce que la Cour :
- annule le jugement en date du 9 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1976

et 1977 dans les rôles de la commune de Roye et, subsidiairement, à la...

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 février et 16 juin 1987 sous le n° 85243 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 janvier 1989 sous le n° 89NC00103, présentés pour M. Michel X..., demeurant ... à 80700 Roye, tendant à ce que la Cour :
- annule le jugement en date du 9 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1976 et 1977 dans les rôles de la commune de Roye et, subsidiairement, à la désignation d'un expert ;
- lui accorde la réduction demandée ;
Vu l'ordonnance du 1er décembre 1988 par laquelle le Président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
Vu l'ordonnance du 15 juin 1989 par laquelle le Président de la Cour administrative d'appel a rouvert l'instruction ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 21 novembre 1989 :
- le rapport de M. Fontaine, Conseiller ;
- et les conclusions de Mme Fraysse, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier de première instance que, contrairement à ce que soutient le requérant, la minute du jugement attaqué mentionne dans ses visas les conclusions et moyens présentés par les parties ; qu'il satisfait ainsi aux prescriptions de l'article R.172 du code des tribunaux administratifs ; que la circonstance que l'expédition dudit jugement qui lui a été notifiée n'ait reproduit que ses conclusions est sans influence sur la régularité de ce jugement ;
Sur la régularité de la procédure de vérification :
Considérant que par application de l'article 81-III de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986, dans sa rédaction issue de l'article 93 de la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987, M. X... est recevable à soulever pour la première fois en appel des moyens relatifs à la procédure de vérification tirés de la violation des articles L.47 et R.75-1 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, d'une part, que si le requérant soutient que l'administration doit justifier qu'elle lui a adressé un avis préalable conformément aux exigences de l'article L.47 du L.P.F., il résulte de l'instruction qu'il a accusé réception le 21 mars 1978 de l'avis de vérification qui lui avait été envoyé la veille par l'administration ; qu'ainsi le moyen manque en fait ;
Considérant, d'autre part, que s'il soutient que la notification de redressements qui lui a été adressée le 7 novembre 1978 ne comporte pas le visa de l'inspecteur principal conformément aux dispositions de l'article R.75-1 susvisé, l'administration affirme le contraire ; que, dans ces conditions, en l'absence de production du document qu'il a reçu, le requérant doit être regardé comme n'apportant pas la preuve de l'irrégularité alléguée ; que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que la procédure de vérification est irrégulière ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article 99 du code général des impôts : "les contribuables soumis obligatoirement au régime de la déclaration contrôlée ... sont tenus d'avoir un livre-journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes et de leurs dépenses professionnelles. Ils doivent en outre tenir un document appuyé des pièces justificatives correspondantes comportant la date d'acquisition ou de création et le prix de revient des éléments d'actif affectés à l'exercice de leur profession, le montant des amortissements effectués sur ces éléments ainsi qu'éventuellement le prix et la date de cession de ces mêmes éléments ..." ;

Considérant que M. X... ne tenait pas de livre-journal enregistrant au jour le jour ses recettes et dépenses ni de journal des immobilisations et des amortissements, mais simplement un livre de dépenses où étaient inscrits tant des achats concernant son activité professionnelle que des dépenses personnelles et un livre de recettes reprenant approximativement les relevés de ses comptes bancaires et postaux ; que ces graves lacunes ôtaient toute valeur probante à sa comptabilité ; que M. X..., chirurgien-dentiste, ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article 1649 quinquies E du C.G.I., de l'instruction du 7 février 1972 qui dispense, sous certaines conditions, les médecins conventionnés de tenir un livre-journal ; qu'il suit de là que l'administration était en droit de rectifier d'office les bénéfices imposables de M. X... qui ne peut obtenir la décharge ou la réduction des impositions qu'il conteste qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases retenues ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que l'administration qui, en l'absence de comptabilité régulière et probante, pouvait procéder à la reconstitution des recettes professionnelles de M. X..., au titre des années litigieuses 1976 et 1977, n'était pas tenue d'effectuer le contrôle des factures établies par les prothésistes dont il était client ; qu'elle a reconstitué ces recettes à partir des relevés des honoraires indiqués par le praticien sur les feuilles de maladie, qui ont été établis par les organismes de sécurité sociale ; que les montants ainsi retenus ont été partagés entre les travaux de prothèse, à concurrence de 25 %, et les soins, à concurrence de 75 % ; qu'il a été tenu compte des dépassements de tarifs par application à ces montants de coefficients multiplicateurs ; que cette méthode de reconstitution ne peut, dans les circonstances de l'affaire, être regardée comme excessivement sommaire ;
Considérant, en premier lieu, que l'appréciation portée par le tribunal de grande instance d'AMIENS, dans son jugement en date du 24 février 1982, sur les relevés d'honoraires établis par les organismes de sécurité sociale ne liant pas le juge administratif, le requérant ne peut utilement s'en prévaloir pour critiquer la méthode retenue ; que s'il soutient que ces relevés comportent des erreurs ainsi que des recettes encaissées au cours des années antérieures, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ces allégations ; qu'il fait valoir, sans fournir d'éléments chiffrés, que lesdits relevés inclueraient des recettes se rapportant à l'activité de collaborateurs travaillant, pour leur compte, à son cabinet ; que cette circonstance ne saurait être regardée comme établie par la seule production d'une lettre, dont les termes sont très généraux et dépourvus de précisions, émanant du directeur d'une caisse primaire d'assurance maladie ; qu'enfin, les conditions de remboursement des honoraires par la sécurité sociale sont sans influence sur le montant des recettes tel qu'il a été reconstitué par le service des impôts ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X... offre d'établir la preuve de l'exagération des recettes retenues par la production des cahiers qu'il a établis à partir du fichier de ses clients, dans le cadre d'une procédure pénale, et qui, selon lui, reprennent notamment le nom des patients et le montant des honoraires perçus ; que les dispositions de l'article 378 du code pénal s'opposant à ce que le contribuable fasse connaître à des tiers, en l'espèce à l'administration fiscale, le nom des personnes qui ont eu recours à ses soins, l'exploitation de ces cahiers serait de nature à entraîner la divulgation d'un secret professionnel ; que, dès lors, le requérant ne peut se prévaloir de la production de documents comportant le nom de ses clients pour apporter la preuve qui lui incombe ; que cette circonstance, qui ne fait pas obstacle à l'utilisation de tout autre moyen de preuve de son choix, n'est pas, par elle-même, susceptible de le priver du "droit à ce que sa cause soit entendue équitablement" au sens des dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ;
Considérant, en troisième lieu, que dans la mesure où le requérant a entendu proposer une autre méthode d'évaluation de ses recettes par application aux dépenses du cabinet d'un coefficient usuellement utilisé dans la profession, une telle proposition, qui n'est assortie d'aucune justification chiffrée, ne lui permet pas d'établir que cette méthode serait plus pertinente que celle retenue par l'administration ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que M. X... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des bases d'imposition litigieuses ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, entrée en vigueur le 11 janvier 1980," ... doivent être motivées les décisions qui ... infligent une sanction ..." ;
Considérant que les pénalités prévues par le C.G.I. sont au nombre des sanctions auxquelles s'appliquent les dispositions précitées ; qu'il est constant que les pénalités litigieuses ont été mises en recouvrement le 1er février 1980, sans avoir fait l'objet de la motivation prévue par l'article 1er précité de la loi du 11 juillet 1979 en vigueur depuis le 11 janvier 1980 ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que ces pénalités ont été établies sur une procédure irrégulière et à en demander la décharge ; qu'il y a lieu, cependant, d'y substituer, dans la limite du montant desdites pénalités, l'intérêt de retard prévu à l'article 1728 du C.G.I. et de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Article 1 : Dans la limite du montant des pénalités primitivement assignées à M. Michel X..., le complément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1976 et 1977 est assorti de l'intérêt de retard prévu à l'article 1728 du C.G.I.
Article 2 : M. Michel X... est déchargé de la différence entre le montant des pénalités qui lui ont été appliquées au titre des années 1976 et 1977 et celui de l'intérêt de retard résultant de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre délégué, chargé du Budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 89NC00103
Date de la décision : 05/12/1989
Sens de l'arrêt : Réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-05-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES NON COMMERCIAUX - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT -Procédure d'imposition - Redressement - Preuve - Preuve de l'exagération des recettes reconstituées par l'administration - Secret professionnel - Le contribuable ne peut se prévaloir de la production de documents comportant le nom de ses clients.

19-04-02-05-03 Le requérant offre d'établir la preuve de l'exagération des recettes reconstituées par l'administration à partir des relevés des honoraires établis par les organismes de sécurité sociale par la production des cahiers qu'il a établis à partir du fichier de ses clients, dans le cadre d'une procédure pénale, et qui, selon lui, reprennent notamment le nom des patients et le montant des honoraires perçus. Les dispositions de l'article 378 du code pénal s'opposant à ce que le contribuable fasse connaître à des tiers, en l'espèce à l'administration fiscale, le nom des personnes qui ont eu recours à ses soins, l'exploitation de ces cahiers serait de nature à entraîner la divulgation d'un secret professionnel ; dès lors, le requérant ne peut se prévaloir de la production de documents comportant le nom de ses clients pour apporter la preuve qui lui incombe.


Références :

CGI 99, 1649 quinquies E, 1728
CGI Livre des procédures fiscales L74, R75-1
Code des tribunaux administratifs R172
Code pénal 378
Convention européenne du 04 novembre 1950 sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6
Instruction du 02 février 1972
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1
Loi 87-1060 du 30 décembre 1987 art. 93 Finances pour 1988
Loi 87-1061 du 30 décembre 1987 art. 81 par. III Finances rectificative pour 1987


Composition du Tribunal
Président : M. Jacquin-Pentillon
Rapporteur ?: M. Fontaine
Rapporteur public ?: Mme Fraysse

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1989-12-05;89nc00103 ?
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