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24/10/1989 | FRANCE | N°89NC00044

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Pleniere, 24 octobre 1989, 89NC00044


Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 16 juin 1986 sous le n° 79478 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 02 janvier 1989 sous le n° 89NC00044, présentée par le ministre de l'éducation nationale, tendant à ce que la Cour :
1°) annule le jugement en date du 17 avril 1986 par lequel le tribunal administratif de STRASBOURG a rejeté partiellement sa demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire de l'entreprise SARTORE et de MM. Y..., GOURDON et MEYER, architectes, à réparer les conséquences dommageables des désordres

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Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 16 juin 1986 sous le n° 79478 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 02 janvier 1989 sous le n° 89NC00044, présentée par le ministre de l'éducation nationale, tendant à ce que la Cour :
1°) annule le jugement en date du 17 avril 1986 par lequel le tribunal administratif de STRASBOURG a rejeté partiellement sa demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire de l'entreprise SARTORE et de MM. Y..., GOURDON et MEYER, architectes, à réparer les conséquences dommageables des désordres affectant les bâtiments du lycée d'enseignement professionnel "Georges X..." à CREUTZWALD ;
2°) condamne conjointement et solidairement l'entreprise et les architectes à lui verser une indemnité de 809 854 F majorée des intérêts au taux légal, et à lui rembourser les frais d'expertise d'un montant de 22 092 F ;
Vu l'ordonnance du 1er décembre 1988 par laquelle le Président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
Vu l'ordonnance du 11 mai 1989 par laquelle le Président de la Cour administrative d'appel a rouvert l'instruction ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 10 octobre 1989 :
- le rapport de M. FONTAINE, Conseiller ;
- et les conclusions de Mme FRAYSSE, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, saisi d'une demande du ministre de l'éducation nationale tendant à la condamnation solidaire de MM. Y..., GOURDON et MEYER, architectes, et de l'entreprise SARTORE au paiement de la somme de 909 393 F en réparation des désordres affectant les bâtiments du lycée d'enseignement professionnel "Georges X..." à CREUTZWALD, le tribunal administratif de STRASBOURG a, par le jugement en date du 17 avril 1986, condamné, d'une part, les architectes au versement de la somme de 134 971 F en réparation des désordres affectant les façades et, d'autre part, conjointement et solidairement, les architectes et l'entreprise SARTORE au paiement de la somme de 99 539 F au titre de la réfection des toitures-terrasses ; que le ministre de l'éducation nationale fait appel de ce jugement en demandant sa réformation et la condamnation solidaire de l'entreprise SARTORE et des architectes, sur le fondement de la garantie contractuelle, au versement d'une indemnité de 809 854 F au titre de la réfection des façades, ainsi qu'au paiement des frais d'expertise et au versement des intérêts de droit à compter de la date de dépôt de son recours ; que les architectes demandent le rejet du recours et, par voie incidente, l'annulation dudit jugement et le rejet de la requête du ministre devant le tribunal administratif ;
Sur le régime de responsabilité :
Considérant que les travaux litigieux ont fait l'objet d'une réception provisoire avec réserves le 29 février 1972 ; que l'expiration du délai de garantie de un an prévu par les documents contractuels ne pouvait, en l'absence de stipulations expresses en ce sens, valoir réception définitive des ouvrages et permettait seulement aux constructeurs de demander la réception définitive ; qu'en l'absence d'initiative prise dans ce sens, aucune réception définitive, même tacite, ne peut être regardée comme ayant eu lieu, alors même que le maître de l'ouvrage a pris possession des ouvrages achevés en 1971 ; qu'il suit de là qu'il n'avait pas été mis fin aux liens contractuels entre l'Etat, d'une part, les architectes et l'entrepreneur d'autre part, lorsque le ministre a déposé sa requête au tribunal administratif ; qu'ainsi, seule la responsabilité contractuelle des constructeurs pouvait être mise en jeu ;
Sur les conclusions dirigées contre les architectes :

Considérant que MM. Y..., GOURDON et MEYER, défendeurs en première instance sont recevables à invoquer pour la première fois en appel les stipulations de l'article 10 du contrat passé avec l'Etat ; qu'aux termes dudit article "pour toutes les difficultés que pourrait soulever l'application des dispositions du présent contrat, il est expressement convenu entre les parties de solliciter les avis du chef de service constructeur et du conseil régional de l'ordre des architectes avant d'engager toute action judiciaire" ; que cette disposition était opposable à la demande formée par le ministre de l'éducation nationale devant le tribunal administratif de STRASBOURG et qui tendait à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle desdits architectes à raison des désordres constatés ; qu'il suit de là que cette demande, qui n'avait pas été précédée de la double consultation prévue par la clause précitée, ne pouvait être accueillie par le tribunal administratif ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et, statuant par voie d'évocation, de rejeter comme irrecevables les conclusions du ministre de l'éducation nationale dirigées contre les architectes ;
Sur les conclusions dirigées contre l'entrepreneur :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les cloisons extérieures des panneaux de façades du lycée d'enseignement professionnel de CREUTZWALD comportent de très nombreuses fissures et, sur la façade sud-ouest, des éclatements et des infiltrations d'eau ; que ces désordres, qui sont apparus à partir de 1976, et qui ont été provoqués par les contraintes dues à des variations dimensionnelles des cloisons d'origine thermique, sont imputables au procédé de construction des panneaux de façades dit "Costamagna" qui a été agréé et imposé par le ministère de l'éducation nationale ; qu'ils sont également imputables tant à la faute commise par l'entrepreneur, qui a mis en oeuvre un procédé de construction défectueux sans émettre de réserve, qu'à la faute des architectes, qui n'ont pas attiré l'attention du maître de l'ouvrage sur les difficultés de mise en oeuvre de ce procédé et les risques qu'il présentait ; que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une exacte appréciation de la responsabilité de l'Etat en fixant celle-ci à 20 % ; que la faute de l'entreprise SARTORE et celle des architectes ont l'une et l'autre concouru à la réalisation de 80 % du dommage ; qu'en conséquence, les conclusions du ministre dirigées contre les architectes étant ci-dessus déclarées irrecevables, il convient de condamner l'entreprise SARTORE à réparer 80 % du préjudice résultant des désordres susmentionnés ;

Considérant qu'il résulte du rapport de l'expertise ordonnée en référé, le 03 mai 1982, par le président du tribunal administratif de STRASBOURG que le coût des travaux de réparation nécessaires, qui consistent en la mise en oeuvre d'un "épiderme armé" sur la totalité des façades fissurées et éclatées, s'élève à la somme non contestée de 809 854 F ; que ces travaux auront seulement pour effet de rendre les façades du lycée conformes à leur destination, sans apporter d'amélioration au regard des prévisions du marché ; qu'il y a lieu, toutefois, de réduire ladite somme de 25 % en raison de la vétusté de l'ouvrage ; qu'ainsi, compte tenu du partage de responsabilité fixé ci-dessus, l'entreprise SARTORE sera condamnée à payer à l'Etat la somme de 485 912,40 F ; que cette somme portera intérêts, comme il est demandé, à compter du 16 juin 1986, date d'enregistrement de la requête du ministre au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il convient d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a omis de statuer sur les frais de l'expertise ordonnée en référé, le 03 mai 1982, par le président du tribunal administratif ; que, statuant par voie d'évocation, il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre ces frais d'expertise à la charge de l'entreprise SARTORE ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de STRASBOURG en date du 17 avril 1986 est annulé en tant, d'une part, qu'il prononce des condamnations à l'encontre de MM. Y..., GOURDON et MEYER, architectes et, d'autre part, qu'il a omis de statuer sur les frais d'expertise.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par le ministre de l'éducation nationale devant le tribunal administratif de STRASBOURG et dirigées contre MM. Y..., GOURDON et MEYER sont rejetées.
Article 3 : L'entreprise SARTORE est condamnée à verser à l'Etat la somme de 485 912,40 F avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 1986 ;
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de STRASBOURG en date du 17 avril 1986 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Les frais d'expertise ordonnée en référé, le 03 mai 1982, par le président du tribunal administratif de STRASBOURG sont mis à la charge de l'entreprise SARTORE.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'éducation nationale est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale, à l'entreprise SARTORE et à MM. Y..., GOURDON et MEYER.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 89NC00044
Date de la décision : 24/10/1989
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-07-01 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - CONDAMNATION SOLIDAIRE -Responsabilité solidaire de l'entrepreneur et des architectes - Irrecevabilité des conclusions du maître d'ouvrage contre les architectes - Réparation supportée entièrement par l'entrepreneur.

39-06-01-07-01 La responsabilité contractuelle des constructeurs était mise en jeu. Dans les circonstances de l'affaire, la faute de l'entrepreneur et celle des architectes avaient concouru à la réalisation de 80 % du dommage, 20 % restant à la charge du maître d'ouvrage. Les conclusions du ministre dirigées contre les architectes étant déclarées irrecevables en l'absence de la double consultation prévue par le contrat passé avec l'Etat, l'entreprise est condamnée à réparer seule le préjudice résultant des désordres constatés.


Composition du Tribunal
Président : M. Jacquin-Pentillon
Rapporteur ?: M. Fontaine
Rapporteur public ?: Mme Fraysse

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1989-10-24;89nc00044 ?
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