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26/09/1989 | FRANCE | N°89NC00017

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Pleniere, 26 septembre 1989, 89NC00017


VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 8 octobre 1986 et 9 février 1987 sous le numéro 82564 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 janvier 1989 sous le numéro 89NC00017, présentés pour la Chambre de Commerce et d'Industrie de LILLE-ROUBAIX-TOURCOING dont le siège est ..., tendant à ce que la Cour :
1) annule le jugement en date du 1er juillet 1986 par lequel le tribunal administratif de LILLE a rejeté sa demande tendant à ce que la société Menuiseries Métalliques du Nord, Messieurs C..., Y

... et A..., architectes, les sociétés SODETEG et COIGNET et le Ce...

VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 8 octobre 1986 et 9 février 1987 sous le numéro 82564 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 janvier 1989 sous le numéro 89NC00017, présentés pour la Chambre de Commerce et d'Industrie de LILLE-ROUBAIX-TOURCOING dont le siège est ..., tendant à ce que la Cour :
1) annule le jugement en date du 1er juillet 1986 par lequel le tribunal administratif de LILLE a rejeté sa demande tendant à ce que la société Menuiseries Métalliques du Nord, Messieurs C..., Y... et A..., architectes, les sociétés SODETEG et COIGNET et le Centre d'études et de prévention soient condamnés solidairement à réparer les conséquences dommageables résultant de désordres affectant les vitrages des murs rideaux de la construction dénommée "Centre tertiaire Mercure" à TOURCOING ;
2) condamne solidairement la société Menuiseries Métalliques du Nord, Messieurs C..., Y... et A... architectes, les sociétés SODETEG et COIGNET et le Centre d'études et de prévention à lui verser la somme de 3 089 973,28 Frs à titre de provision augmentée des intérêts légaux avec anatocisme de ceux échus depuis plus d'un an ;
3) ordonne une nouvelle expertise pour déterminer le montant total du préjudice subi ;
VU l'ordonnance du 1er décembre 1988 par laquelle le Président de la 4ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 12 septembre 1989 :
- le rapport de Monsieur FONTAINE, Conseiller ;
- les observations de Maître Z... de la SCP MASSE-DESSEN, GEORGES, avocat de la S.A. Menuiserie Métallique du Nord et de la Société SODETEG ;
- et les conclusions de Mme FRAYSSE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la mise en jeu de la responsabilité décennale des constructeurs :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en première instance, dont l'absence de caractère contradictoire à l'égard de la société SODETEG et du centre d'études et de prévention n'empêche pas son utilisation, en ce qui les concerne, comme élément d'information au même titre que les autres pièces du dossier, que l'immeuble à usage de bureaux que la Chambre de Commerce et d'Industrie de LILLE-ROUBAIX-TOURCOING a fait construire à TOURCOING, qui a fait l'objet d'une réception unique sans réserve le 1er septembre 1978, est affecté sur l'ensemble de ses façades en murs-rideaux de désordres touchant de nombreux volumes vitrés de type "polyglass" constitués de deux verres séparés par une lame d'air maintenue à l'aide d'un cadre intercalaire étanche ; que la déformation de ce cadre, qui est provoquée par les variations de pression subies par le vitrage et la lame d'air sous l'effet conjugué du vent et des changements de température, laisse pénétrer dans l'espace intercalaire de la vapeur d'eau qui corrode le cadre et embue progressivement la face interne du vitrage qu'un dépôt blanchâtre finit par rendre totalement opaque ; que si ce phénomène de viellissement précoce des murs-rideaux n'est pas susceptible d'affecter la solidité de l'immeuble, les désordres litigieux, qui engendrent notamment des pertes de luminosité et de vue empêchant l'utilisation des locaux dans des conditions normales, ont en raison de leur importance et de leur généralisation rendu cet immeuble impropre à sa destination et, par suite, sont de nature à donner lieu à la garantie décennale prévue par les articles 1792 et 2270 du code civil ;

Considérant que le procédé utilisé tant pour la conception des façades de l'immeuble en murs-rideaux que pour le choix des doubles-vitrages de grandes dimensions concourant à leur construction s'est révélé être la cause des désordres ; que sa mise en oeuvre, bien qu'elle ait été conforme aux normes techniques admises à l'époque, engage vis-à-vis du maître de l'ouvrage la responsabilité solidaire des architectes, MM. C..., Y... et A..., auxquels est imputable le choix du procédé, de la société anonyme Menuiseries Métalliques du Nord, titulaire du lot des murs-rideaux à laquelle est imputable le choix du matériau, de la société SODETEG qui assumait une mission de conception conjointement avec les architectes et qui, à ce titre, a donné son accord au projet de construction présenté par eux à la Chambre de Commerce et d'Industrie, ainsi que du centre d'études et de prévention auquel conférait la qualité de constructeur, au sens des dispositions des articles 1792 et 2270 du code civil dans leur rédaction applicable lors de la signature de son contrat, la mission de contrôle technique des procédés et matériaux mis en oeuvre que lui avait confiée le maître de l'ouvrage ; que, dès lors, ni la société Menuiseries Métalliques du Nord, ni la société SODETEG, ni le centre d'études et de prévention ne sont fondés à se prévaloir de l'imputabilité de tout ou partie des désordres litigieux à un ou plusieurs des constructeurs susmentionnés ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la Chambre de Commerce et d'Industrie de LILLE-ROUBAIX-TOURCOING est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 1er juillet 1986, le tribunal administratif de LILLE a rejeté sa demande de condamnation solidaire desdits constructeurs sur le fondement de leur responsabilité décennale ;
Considérant, par contre, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les désordres affectant les murs-rideaux des façades de l'immeuble soient en quelque matière imputables à la société Coignet qui a réalisé les travaux de gros-oeuvre et de maçonnerie ; que, par suite, la Chambre de Commerce et d'Industrie n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif n'a pas retenu la responsabilité décennale de la société COIGNET ;
Sur la réparation :
Considérant que le coût des travaux de réparation préconisés par l'expert s'élève à la somme de 2 852 510,27 F ; que, cependant, il résulte de l'instruction que les désordres affectant les murs-rideaux auxquels s'applique la garantie décennale se sont aggravés depuis le dépôt du rapport d'expertise au vu duquel le tribunal administratif a statué ; que la Chambre de Commerce et d'Industrie est recevable à demander en appel la réévaluation de l'indemnité dès lors que l'aggravation des dommages a la même origine ;

Considérant que l'état du dossier ne permet pas d'évaluer le montant actuel du préjudice indemnisable ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner une expertise complémentaire à l'effet de déterminer si, eu égard à la nature et à l'importance actuelle des désordres, il est nécessaire de procéder au remplacement des volumes polyglass dans leur ensemble ou de procéder au seul remplacement des volumes atteints à la date de la présente expertise et, pour chacune de ces hypothèses, d'évaluer à cette date le coût de ces travaux ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'accorder à la Chambre de Commerce et d'Industrie une provision de 2 852 510,27 F sur le montant des sommes qui sont susceptibles de lui être allouées ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 1982, date de la requête introductive d'instance ; que la capitalisation des intérêts a été demandée les 8 octobre 1986, 9 février 1987, 9 décembre 1987 et 15 septembre 1988 ; qu'à la première et à la troisième de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces deux demandes et de rejeter les autres demandes présentées les 9 février 1987 et 15 septembre 1988 .
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de LILLE en date du 1er juillet 1986 est annulé, excepté en ce qu'il concerne la société COIGNET.
Article 2 : La société Menuiseries métalliques du Nord, MM. C..., Y... et A..., la société SODETEG et le Centre d'études et de prévention sont condamnés solidairement à verser une indemnité provisionnelle de 2 852 510,27 F à la Chambre de Commerce et d'Industrie de LILLE-ROUBAIX-TOURCOING. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 1982. les intérêts échus les 8 octobre 1986 et 9 décembre 1987 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêt.
Article 3 : Il sera, avant de statuer définitivement sur la requête de la Chambre de Commerce et d'Industrie tendant à la réparation des désordres affectant les volumes vitrés des murs-rideaux du "centre tertiaire Mercure" à TOURCOING, procédé à une expertise en vue de déterminer si, eu égard à la nature et à l'importance actuelle des désordres, il est nécessaire de procéder au remplacement des volumes polyglass dans leur ensemble ou de procéder au seul remplacement des volumes atteints au jour de la présente expertise et d'évaluer à la même date le coût des travaux pour chacune de ces deux hypothèses.
Article 4 : L'expertise est confiée à MM. Pierre X... et Michel B... demeurant respectivement ...
... qui procéderont dans les conditions prévues aux articles R.119 et suivants du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la Cour administrative d'appel en 9 exemplaires dans le délai de 3 mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la Chambre de Commerce et d'Industrie de LILLE ROUBAIX TOURCOING, à la société Menuiseries métalliques du Nord, à MM. C..., Y... et A..., à la société SODETEG, au centre d'études et de prévention, à la Société COIGNET et à MM. X... et B..., experts.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 89NC00017
Date de la décision : 26/09/1989
Sens de l'arrêt : Annulation partielle indemnité expertise
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-03-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - ONT CE CARACTERE -Désordres de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination - Défauts d'étanchéité - Opacification des façades vitrées d'un immeuble de bureaux.

39-06-01-04-03-02 Immeuble à usage de bureaux affecté sur l'ensemble de ses façades en murs-rideaux de désordres touchant de nombreux volumes vitrés de type "polyglass" constitués de deux verres séparés par une lame d'air maintenue à l'aide d'un cadre intercalaire étanche. La déformation de ce cadre, qui est provoquée par les variations de pression subies par le vitrage et la lame d'air sous l'effet conjugué du vent et des changements de température, laisse pénétrer dans l'espace intercalaire de la vapeur d'eau qui corrode le cadre et embue progressivement la face interne du vitrage qu'un dépôt blanchâtre finit par rendre totalement opaque. Si ce phénomène de vieillissement précoce des murs-rideaux n'est pas susceptible d'affecter la solidité de l'immeuble, les désordres litigieux, qui engendrent notamment des pertes de luminosité et de vue empêchant l'utilisation des locaux dans des conditions normales, ont, en raison de leur importance et de leur généralisation, rendu cet immeuble impropre à sa destination et, par suite, sont de nature à donner lieu à la garantie décennale prévue par les articles 1792 et 2270 du code civil.


Références :

Code civil 1792, 2270, 1154


Composition du Tribunal
Président : M. Jacquin-Pentillon
Rapporteur ?: M. Fontaine
Rapporteur public ?: Mme Fraysse

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1989-09-26;89nc00017 ?
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