Vu la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 22 octobre 1987 sous le n° 92161 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 janvier 1989 sous le n° 89NC00095, présentée par le ministre chargé du Budget et tendant à ce que la Cour :
1) annule le jugement en date du 9 juillet 1987 par lequel le Tribunal administratif de LILLE a déchargé M. X... André de l'impôt sur le revenu et de la majoration pour défaut de déclaration préalable auxquels il a été assujetti au titre des années 1977 et 1978,
2) remette intégralement l'imposition contestée à la charge de M. X...,
Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le Président de la 7ème sous-section de la section du Contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
- Vu le jugement attaqué ;
- Vu les autres pièces du dossier ;
- Vu le Code général des impôts ;
- Vu le Code des Tribunaux administratifs et des Cours administratives d'appel ;
- Vu la loi 77.1488 du 30 décembre 1977 ;
- Vu la loi 87.1127 du 31 décembre 1987 ;
- Vu les décrets 88.707 du 9 mai 1988 et 88.906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 7 mars 1989 :
- le rapport de M. JACQ, Conseiller,
- et les conclusions de Mme FRAYSSE, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 69A du C.G.I., applicable au présent litige, "I. lorsque les recettes d'un exploitant agricole, pour l'ensemble de ses exploitations, dépassent une moyenne de 500.000 frs mesurée sur deux années consécutives, l'intéressé est obligatoirement imposé d'après son bénéfice réel, à compter de la deuxième de ces années ..." ; que selon l'article 59 du même code, applicable au présent litige, "peuvent être évalués d'office : 1° le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant ... d'exploitations agricoles lorsque ces contribuables sont imposables selon un régime de bénéfice réel et que la déclaration annuelle des résultats n'a pas été déposée dans le délai légal" ;
Considérant que le ministre peut, à tout moment de la procédure, invoquer tout moyen nouveau de nature à faire reconnaître la régularité et le bien-fondé des impositions contestées ; que, dans sa réclamation du 15 janvier 1981 au directeur des services fiscaux, M. X..., exploitant agricole, a formellement admis que "compte tenu du chiffre d'affaires réalisé" il relevait "du régime du bénéfice réel simplifié pour la première fois en 1977 et pour la seconde fois en 1978" ; que cet aveu, dont les termes ont été repris intégralement dans la requête introductive d'instance, impliquait nécessairement la reconnaissance par le contribuable de la réalisation de recettes ayant dépassé une moyenne annuelle de 500 000 Frs sur les années 1976 et 1977 d'une part, sur les années 1977 et 1978 d'autre part ; que, dans la mesure où le requérant a entendu revenir partiellement sur cet aveu, il n'apporte aucun élément permettant d'établir que la moyenne des recettes des années 1976 et 1977 n'aurait pas dépassé la limite de 500 000 Frs ; qu'il suit de là que M. X... ne pouvait bénéficier du forfait collectif agricole au titre des années 1977 et 1978 ; que la déclaration des bénéfices imposables de l'exploitation agricole n'ayant pas été souscrite pour ces deux années, l'administration était en droit d'évaluer d'office le montant de ces bénéfices en vertu de l'article 59 précité ; que, s'il a été procédé auparavant à une vérification de la comptabilité du contribuable et à une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble, les irrégularités qui auraient entaché ces vérifications sont, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition et, dès lors, n'étaient pas de nature à entraîner la décharge de l'impôt sur le revenu des années 1977 et 1978 ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de LILLE a déchargé M. X... des impositions litigieuses ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X... à l'appui de sa demande en décharge devant le Tribunal administratif ;
Sur le bien fondé de l'imposition :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 181-B du C.G.I. reprises à l'article 193 du L.P.F., le requérant ne peut obtenir la décharge ou la réduction des impositions qu'il conteste qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;
Considérant que la méthode de reconstitution suivie par le vérificateur ne peut être regardée comme sommaire et imprécise dès lors que les recettes retenues ne sont pas contestées et qu'ont été admises en déduction toutes les charges assorties de justifications ; que les frais de sous-location de terres sur lesquelles M. X... s'est livré à la culture des endives, et dont il demande la déduction, ne font l'objet d'aucune justification ; que la circonstance que les sommes admises en déduction au titre des frais de main-d'oeuvre correspondent à une faible fraction de ses recettes ne constitue pas la preuve qui incombe au requérant ; que, si ce dernier prétend qu'il a supporté des frais de main-d'oeuvre plus importants pour la production et la commercialisation des endives, il ne produit aucune pièce justificative ; que ne sauraient en tenir lieu ni les calculs théoriques fondés sur une décomposition des différentes tâches relatives à cette culture, ni les indications de la comptabilité tenue par la société civile agricole d'exploitation qu'il a constituée avec ses deux fils postérieurement aux années en litige ;
Considérant que l'instruction ministérielle du 4 août 1976 qui invite les vérificateurs, lorsqu'ils procèdent à une reconstitution des bases imposables, à recouper par une autre méthode les résultats ainsi obtenus, ainsi que la documentation administrative de base recommandant aux agents de reconstituer un bénéfice imposable qui ne soit pas exagéré, ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale qui puisse être opposée à l'administration sur le fondement de l'article 1649 quinquies E du C.G.I., applicable en l'espèce ; que la note du 9 novembre 1978 ne peut, en tout état de cause, être utilement invoquée dès lors lors qu'elle ne concerne que les achats sans facture ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé du Budget est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en date du 9 juillet 1987 et le rétablissement de M. X... au rôle de l'impôt sur le revenu des années 1977 et 1978 à raison des droits et pénalités mis à sa charge sous les articles 7003 et 7004 ;
Article 1 : Le jugement du Tribunal administratif de LILLE en date du 9 juillet 1987 est annulé.
Article 2 : L'impôt sur le revenu auquel M. A. X... a été assujetti au titre des années 1977 et 1978, dans les rôles de la commune de CHERENG sous les articles 7003 et 7004, est remis intégralement à sa charge.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre chargé du Budget et à M. X....