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28/05/2025 | FRANCE | N°25MA00847

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 28 mai 2025, 25MA00847


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... G... a demandé au tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2025 par lequel le ministre de l'intérieur lui a interdit de se déplacer en dehors du territoire de la commune de Marseille, l'a obligé à se présenter tous les jours à dix-sept heures au commissariat de police du quinzième arrondissement de Marseille et lui a interdit de se trouver en r

elation avec huit personnes nommément désignées, ce à compter du 4 janvier 2025 ou, à ti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... G... a demandé au tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2025 par lequel le ministre de l'intérieur lui a interdit de se déplacer en dehors du territoire de la commune de Marseille, l'a obligé à se présenter tous les jours à dix-sept heures au commissariat de police du quinzième arrondissement de Marseille et lui a interdit de se trouver en relation avec huit personnes nommément désignées, ce à compter du 4 janvier 2025 ou, à titre subsidiaire, d'annuler la décision en tant qu'elle fixe à dix-sept heures l'obligation de se présenter tous les jours au commissariat du quinzième arrondissement.

Par un jugement n° 2501050 du 3 février 2025, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 29 janvier 2025.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 28 mars 2025, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. G....

Il soutient que :

- M. G... soutient l'idéologie djihadiste ;

- des éléments nouveaux justifient le renouvellement de la mesure de surveillance.

Le ministre de l'intérieur a également produit des éléments qui n'ont pas été soumis au contradictoire en application de l'article L. 773-11 du code de justice administrative. Il a été pris connaissance de ces éléments, dont il n'est pas tenu compte par le présent arrêt.

Vu :

- la décision du 6 février 2025 par laquelle le président de la Cour a désigné X présidente par intérim de la chambre ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de X, rapporteur,

- et les conclusions de X, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 mai 2024, le ministre de l'intérieur a édicté, à l'encontre de M. G..., ressortissant français né le 20 novembre 2004, une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) lui faisant interdiction de se déplacer en dehors du territoire de la commune de Marseille, lui faisant obligation de se présenter une fois par jour, à dix-sept heures, au commissariat de police du quinzième arrondissement de Marseille, en lui faisant interdiction de paraître dans les secteurs concernés par les festivités et épreuves liées aux Jeux Olympiques de 2024 et, enfin, en lui faisant interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes, au motif que l'intéressé adhérait à des thèses djihadistes et qu'il existait des raisons sérieuses de penser que son comportement constituait une menace pour l'ordre public. Par un arrêté du 22 juillet 2024, le ministre a décidé, compte tenu du contexte de menace terroriste, de prolonger la mesure édictée le 3 mai 2024 pour une durée de trois mois. Par un arrêté du 27 octobre 2024, a renouvelé cette mesure pour une nouvelle durée de trois mois, en estimant qu'il existait des éléments nouveaux et complémentaires. Enfin, par un ultime arrêté en date du 29 janvier 2025, le ministre a renouvelé la mesure pour une nouvelle durée de trois mois, en étendant l'interdiction d'entrée en relation à cinq nouvelles personnes. M. G... a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement attaqué, à l'encontre duquel le ministre forme un recours, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté, au motif que le ministre ne faisait pas état d'éléments nouveaux de nature à justifier une prolongation de la mesure.

2. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre. ". Aux termes de l'article L. 228-2 du même code : " Le ministre de l'intérieur peut (...) faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune (...) / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour (...) / 3° Déclarer et justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de lieu d'habitation (...) / Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites / Toute décision de renouvellement des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article est notifiée à la personne concernée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur. La personne concernée peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat qu'il délègue l'annulation de la décision dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification. Il est statué sur la légalité de la décision au plus tard dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine du tribunal. Dans ce cas, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande ". Aux termes de l'article L. 228-5 du même code : " Le ministre de l'intérieur peut (...) faire obligation à toute personne mentionnée à l'article L. 228-1, y compris lorsqu'il est fait application des articles L. 228-2 à L. 228-4, de ne pas se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité publique. Cette obligation tient compte de la vie familiale de la personne concernée. / L'obligation mentionnée au premier alinéa du présent article est prononcée pour une durée maximale de six mois à compter de la notification de la décision du ministre (...) ".

3. Il résulte de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que les mesures individuelles prévues par les articles L. 228-2 et L. 228-5 du même code doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.

4. Il résulte par ailleurs de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure que chaque renouvellement de ces mesures au-delà d'une durée cumulée de six mois est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires.

5. Il ressort des pièces du dossier que, le 8 décembre 2023, M. G... a reconnu avoir échangé, au sujet de documents liés à des explosifs de type C4, avec M. K... L..., lui-même mis en examen pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un attentat terroriste. Il a également admis être en contact avec diverses personnes en lien avec la mouvance djihadiste, notamment M. B... I..., M. A... J... et M. C... Q.... Par ailleurs, lors de la visite domiciliaire effectuée le 10 novembre 2023, a été découvert au domicile de M. G... l'ouvrage " Les jardins des vertueux ", de Ryad Assalihine, qui justifie le recours au djihad armé, et des supports numériques comportant des clichés de membres de l'organisation terroriste Daech. Enfin, lors d'un entretien mené le 8 décembre 2023, M. G... s'est déclaré favorable à Daech, critiquant Al Qaïda comme " trop démocrate ".

6. L'ensemble de ces éléments permettent d'établir que M. G... adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme, ce qui dispense le ministre d'avoir à établir le caractère habituel de la relation entretenue avec les personnes mentionnées au point précédent, et la persistance de leur engagement au soutien de la cause djihadiste. Ces mêmes éléments permettent également d'établir que le comportement de M. G... constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics.

7. Par ailleurs, il ressort de la note de renseignement produite que, postérieurement à l'arrêté 27 octobre 2024, M. G... a entretenu des liens avec des individus en lien avec la sphère prodjihadiste, dont M. O... H..., M. P... et M. F... M.... M. G..., qui se contente de faire valoir que " le gouvernement n'établit pas que les contacts que M. G... a pu avoir avec les personnes (...) seraient actuels au jour du prononcé de la mesure et relèveraient d'un caractère habituel ", n'apporte pas de contestation sérieuse des éléments ainsi exposés dans la note de renseignements. Le ministre a ainsi justifié d'éléments nouveaux de nature à justifier le renouvellement de la mesure. La circonstance que M. G... était déjà en contact avec ces personnes au moment de la première mesure prise à son encontre n'est pas de nature à ôter à ces faits le caractère d'élément nouveau.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a retenu l'absence d'éléments nouveaux justifiant une prolongation de la mesure au-delà de six mois.

9. Il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. G....

10. En premier lieu, M. G... ne peut utilement, pour solliciter l'annulation de l'arrêté du 29 janvier 2025, exciper de l'illégalité de l'arrêté du 27 octobre 2024 qui n'en constitue pas la base légale.

11. En deuxième lieu, à supposer même que, comme il le soutient, il ne connaisse pas M. N... E..., une telle erreur matérielle a été, dans les circonstances de l'espèce, sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 29 janvier 2025, dès lors que le ministre aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les autres éléments mentionnés dans l'arrêté.

12. En troisième lieu, compte tenu de la menace que représente le comportement de M. G... pour l'ordre public, l'arrêté ministériel contesté ne porte pas une atteinte excessive à sa liberté d'aller et venir, protégée notamment par l'article 2 du protocole n° 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de cette convention.

13. En quatrième lieu, compte tenu de la possibilité de solliciter des aménagements de l'obligation de pointage au commissariat, la circonstance que l'heure de pointage, soit dix-sept heures, soit peu conciliable avec une activité professionnelle, est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué. En outre, la circonstance que la durée d'instruction des demandes d'aménagement soit trop longue est également sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué, qui s'apprécie à la date de son édiction.

14. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 29 janvier 2025 et fait droit à la demande de M. G... tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2501050 du 3 février 2025 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille sont annulés.

Article 2 : Les demandes auxquelles ces dispositions font droit sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... G... et à Me Pascual.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, où siégeaient :

- X, présidente,

- X, président assesseur,

- X, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2025.

N° 25MA00847 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 25MA00847
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : PASCUAL

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-28;25ma00847 ?
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