Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS New Tech Group a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge, en droits et majorations, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 30 juin 2017, et de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts qui lui a été infligée au titre de l'année 2016.
Par un jugement no 2100762 du 10 juillet 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 septembre 2023 et le 18 janvier 2024, la SAS New Tech Group, représentée par Me Ben Salem, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 juillet 2023 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des majorations en litige ;
3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa réclamation contentieuse a été présentée dans le délai prévu à l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales ;
- la procédure de taxation d'office appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée est irrégulière ;
- la proposition de rectification n'est pas motivée, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration fiscale ne lui a pas communiqué les documents sur lesquels elle s'est fondée pour établir les impositions en litige ;
- l'administration n'a pas répondu dans le délai d'un mois à la demande de motivation de la décision implicite de rejet de la réclamation, en méconnaissance de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'administration a édicté tardivement une décision d'admission partielle, en méconnaissance de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales ;
- elle ne se considérait pas comme assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et n'était donc pas tenue de déposer les déclarations correspondantes, d'autant plus qu'il n'y a pas autorité de la chose jugée ;
- l'évaluation de son chiffre d'affaires est injustifiée ;
- l'administration ne pouvait refuser toute taxe sur la valeur ajoutée déductible au seul motif qu'elle n'a produit aucune facture ;
- la majoration de 40 % n'est pas motivée.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 12 décembre 2023 et le 22 août 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS New Tech Group ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS New Tech Group, créée en 2013, exerce une activité de vente et d'installation de matériels électriques, électroniques et thermiques. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a reconstitué son chiffre d'affaires et l'a imposée d'office à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et en 2016 et à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2016 au 30 juin 2017, et lui a infligé deux amendes fiscales sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre des exercices clos en 2015 et en 2016. Par une décision du 22 janvier 2021, l'administration fiscale a partiellement fait droit à la réclamation de la société en dégrevant la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et l'amende relative à l'exercice clos en 2015 et a rejeté le surplus de sa réclamation. La SAS New Tech Group fait appel du jugement du 10 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions restant en litige et des majorations correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.
3. Contrairement à ce que soutient la SAS New Tech Group, l'administration fiscale, qui l'avait informée dans la proposition de rectification de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir les impositions en litige avec une précision suffisante pour la mettre à même d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, n'était pas tenue de lui transmettre spontanément les documents en question lors de la notification de la proposition de rectification. Si la société requérante fait valoir qu'elle en a demandé la communication par sa réclamation contentieuse du 6 janvier 2019 et un courrier du 15 avril 2019, ces échanges sont postérieurs à la mise en recouvrement des impositions contestées, le 16 octobre 2018. A la supposer invoqué, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit donc être écarté.
4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre, dans sa rédaction applicable : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ".
5. D'autre part, aux termes du premier alinéa du I de l'article 256 du code général des impôts dispose que : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes de l'article 287 du même code : " 1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que la société New Tech Group exerçait habituellement une activité de livraison de biens et de prestations de services à titre onéreux et était, de ce fait, assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée conformément à l'article 256 du code général des impôts. Elle était donc soumise aux obligations déclaratives correspondantes et ce, alors même qu'elle aurait à tort estimé le contraire et que ces obligations n'auraient pas été préalablement reconnues par une décision de justice. La SAS New Tech Group ne peut ainsi sérieusement soutenir que la procédure de taxation d'office serait irrégulière, au motif qu'elle se considérait comme non-assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée qui n'était pas tenue de déposer des déclarations correspondantes et que " les reprises en matière de TVA proposées par le service n'étaient pas encore passées en force de chose jugée ". Par ailleurs, le moyen tiré de ce que la société n'aurait pas été soumise à ces obligations déclaratives en raison de " limites du chiffre d'affaires qui n'ont pas été dépassées " n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Dans ces conditions, la SAS New Tech Group ayant déposé le 22 juin 2018 ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er janvier 2016 au 30 juin 2017, soit après l'expiration du délai légalement imparti pour ce faire par mise en demeure, l'administration fiscale a régulièrement pu la taxer d'office sur le fondement du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales.
7. En troisième lieu, le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales par des motifs appropriés, figurant aux points 6 et 7 du jugement attaqué, qui ne sont pas utilement contestés et qu'il convient d'adopter en appel.
8. En quatrième lieu, le tribunal administratif a écarté les moyens tirés des irrégularités entachant la procédure d'instruction de la réclamation contentieuse par des motifs appropriés, figurant aux points 10 et 11 du jugement attaqué, qui ne sont pas utilement contestés et qu'il convient d'adopter en appel.
Sur le bien-fondé des impositions :
9. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".
10. En premier lieu, en se bornant à rappeler les montants de chiffres d'affaires reconstitués par la vérificatrice et celui des rehaussements d'imposition et à soutenir que l'argumentation de l'administration fiscale est " lapidaire, non motivée et fallacieuse ", la SAS New Tech Group n'apporte pas la preuve du caractère exagéré des impositions.
11. En deuxième lieu, aux termes du II. de l'article 271 du code général des impôts : " 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est (...) a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 (...) / 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels ". Aux termes du II. de l'article 289 du code général des impôts : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la facture. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée ". En vertu du 8° de l'article 242 nonies A de l'annexe II du code général des impôts, les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures sont notamment, pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors taxes.
12. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative aux articles 168, 178, 219, 220 et 226 de la directive du 28 novembre 2006, dont les dispositions mentionnées au point précédent assurent la transposition, que l'obligation, faite à un assujetti souhaitant exercer son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée payée en amont, de disposer d'une facture faisant figurer les mentions obligatoires prévues par ces textes revêt une nature formelle, de sorte que sa méconnaissance n'a pas pour effet d'entraîner la déchéance de ce droit, à condition toutefois que l'assujetti établisse que les conditions de fond en sont remplies, ce qui implique de produire, devant l'administration ou devant le juge, une facture ou tout document en tenant lieu faisant figurer les informations permettant de déterminer l'étendue de son droit à déduction.
13. L'administration fiscale a examiné les factures produites au cours de la vérification de comptabilité et a indiqué ne tenir compte, pour la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, que des factures établies au nom de la SAS New Tech Group, dont l'objet est la fourniture de biens ou de services nécessaires au fonctionnement de l'entreprise et dont le paiement a pu être identifié par les relevés bancaires. La SAS New Tech Group n'est donc pas fondée à soutenir que l'administration aurait refusé toute taxe déductible au motif qu'elle n'aurait produit aucune facture. Par ailleurs, la société s'abstient de produire des factures ou tout autre document en tenant lieu et ne justifie donc pas d'un droit à déduction supérieur à celui retenu par l'administration.
14. En troisième lieu, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, l'administration fiscale a admis un pourcentage forfaitaire de charges en se référant à des entreprises de taille comparable du même secteur d'activité. La société requérante fait valoir que l'administration fiscale aurait omis de prendre en compte des charges déductibles sans préciser lesquelles ni apporter les justificatifs correspondants. Elle ne démontre donc pas davantage l'exagération de cette imposition.
15. En quatrième lieu, si la SAS New Tech Group, après l'engagement de la vérification de comptabilité, à son encontre, a mandaté, afin d'assurer le suivi et l'établissement de sa comptabilité, une société d'expertise comptable qui a été condamnée à payer les impositions en litige en ses lieu et place, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige, de même que les autres circonstances relatives à leur recouvrement.
Sur les pénalités :
16. Le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la majoration de 40 % prévue au b. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts par des motifs appropriés, figurant aux points 19 et 20 du jugement attaqué, qui ne sont pas utilement contestés et qu'il convient d'adopter en appel.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS New Tech Group n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS New Tech Group est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS New Tech Group et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2025, où siégeaient :
- M. Platillero, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A... et M. Mérenne, premiers conseillers.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
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No 23MA02307