Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, la société anonyme Aéroport Marseille Provence, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Aix-en-Provence sous le n° 790 043 954, a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de condamner solidairement la société anonyme Société des Eaux de Marseille (" SEM "), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Marseille sous le n° 057 806 150, la société anonyme DG Construction, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n° 433 963 055, et représentée par son liquidateur Me Marc Sénéchal, la société anonyme Axa France IARD, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le n° 722 057 460, la société anonyme Bureau Veritas, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le n° 755 690 621, la société anonyme Gan Eurocourtage IARD, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le n° 410 332 738 et la société anonyme Allianz IARD, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n° 542 110 291, à lui verser la somme de 2 135 697 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal, au titre de désordres affectant quatre séparateurs d'hydrocarbures réalisés dans le cadre d'un contrat de travaux publics, et, d'autre part, de condamner la société DG Construction, représentée par Me Sénéchal, à lui payer la somme de 1 922 787,96 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal au titre de ces désordres.
Par un jugement nos 2005561, 2106457 du 29 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a, en premier lieu, donné acte à la société Aéroport Marseille Provence du désistement de ses demandes dirigées contre les trois compagnies d'assurances, en deuxième lieu, condamné la SEM, la société DG Construction et la société Bureau Veritas à verser à la société Aéroport Marseille Provence la somme de 1 431 618,65 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2020, en troisième lieu, condamné la SEM et Me Sénéchal à relever et garantir la société Bureau Veritas à hauteur respectivement de 50 % et 45 % de cette condamnation in solidum, en quatrième lieu, mis les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 38 003,04 euros toutes taxes comprises, à la charge des trois sociétés condamnées, à hauteur respectivement de 50 %, 45 % et 5 % et, en cinquième lieu, rejeté le surplus des demandes de première instance.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 26 mai 2023 sous le n° 23MA01326, la SEM, représentée par Me Guillet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la société Saint Dizier Environnement, la société Bureau Veritas Construction et la société Aéroport Marseille Provence à la garantir des condamnations prononcées à hauteur respectivement de 85 %, 5 % et 5 % ;
3°) de limiter le montant de la condamnation à 194 350 euros hors taxes ;
4°) de répartir la charge définitive des frais d'expertise suivant les responsabilités respectives ;
5°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en tant qu'il partage les responsabilités ;
- la responsabilité de la société Saint Dizier Environnement doit être engagée ;
- la cause des désordres n'a pas été précisément établie par l'expert judiciaire, ce qui ne permettait pas de déterminer avec certitudes les imputabilités et la répartition des responsabilités ;
- compte tenu de leurs fautes respectives, la société Saint Dizier Environnement, la société Bureau Veritas Construction et la société Aéroport Marseille Provence doivent être tenues responsables du désordre à hauteur respectivement de 85 %, 5 % et 5 % ;
- le préjudice doit être limité à 194 350 euros hors taxes, somme correspondant au coût de la solution réparatoire préconisée par la société Saint Dizier Environnement.
Par deux mémoires en défense et en appel incident et provoqué, enregistrés le 31 juillet 2023 et le 11 juin 2024, la société Aéroport Marseille Provence, représentée par la SCP A. Vidal-Naquet Avocats Associés puis par la SELAS LPA-CGR, demande à la Cour :
1°) de confirmer le jugement en tant qu'il fait droit à ses demandes ;
2°) de l'infirmer en tant qu'il limite le montant de la condamnation à 1 454 823 euros hors taxes ;
3°) de l'infirmer en tant qu'il rejette ses demandes présentées à l'encontre de la société Saint Dizier Environnement ;
4°) de condamner in solidum, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la SEM, la société Bureau Veritas Construction et, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, la société Saint Dizier Environnement, à lui verser la somme de 2 135 697 euros, et de fixer et admettre au passif de la société DG Construction cette même somme ;
5°) subsidiairement, de condamner la société Saint Dizier Environnement à verser cette même somme sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil ;
6°) en tout état de cause, de rejeter l'appel de la société DG Construction, de joindre cette instance avec les autres instances liées, et de mettre à la charge in solidum des sociétés SEM, Saint Dizier Environnement, DG Construction et Bureau Veritas la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
7°) de mettre les dépens à la charge in solidum des sociétés défenderesses.
Elle soutient que :
- les désordres en litige sont imputables aux sociétés DG Construction, Saint Dizier Environnement, SEM et Bureau Veritas Construction ;
- son action tendant à ce que soit constatée la créance qu'elle détient sur la société DG Construction est recevable ;
- les moyens présentés à l'appui des conclusions d'appel des constructeurs sont infondés ;
- l'intégralité de son préjudice, d'un montant de 2 135 697 euros toutes taxes comprises, doit être indemnisé ;
- aucune faute exonératoire ne peut être retenue ;
- la responsabilité de la société Saint Dizier Environnement doit être retenue.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2023, la société Saint Dizier Environnement, et la société Allianz IARD, représentées par Me de Angelis, demandent à la Cour :
1°) de confirmer le jugement en ce qu'il a donné acte à la société Aéroport Marseille Provence de son désistement de ses demandes à l'encontre de la société Allianz IARD, venant également aux droits de la société Gan Eurocourtage, et rejeté l'ensemble des demandes présentées à l'encontre de la société Saint Dizier Environnement ;
2°) de rejeter l'ensemble des conclusions dirigées contre elles ;
3°) subsidiairement, de condamner in solidum les succombants, et notamment la société SEM, la société Bureau Veritas Construction et la société DG Construction à les relever et garantir de toute condamnation ;
4°) de mettre à la charge de la société Aéroport Marseille Provence ou de tout succombant les dépens ainsi que la somme de 10 000 euros, chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la juridiction administrative est incompétente pour statuer à l'encontre de la société Allianz IARD ;
- les moyens présentés à l'appui des conclusions et demandes présentées à leur encontre sont infondés.
Par deux mémoires en défense et en appel incident et provoqué, enregistrés le 1er septembre 2023 et le 2 août 2024, la société Bureau Veritas Construction, représentée par la SELARL Jeannin Petit Puchol, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 mars 2023 en tant qu'il lui fait grief ;
2°) de rejeter les demandes et conclusions présentées à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, de limiter le montant de la condamnation au coût des travaux de réparation de l'ouvrage, en retenant une exonération de responsabilité de 10 %, de rejeter toute demande de condamnation in solidum présentée à son encontre et de condamner les sociétés DG Construction, SEM et Saint Dizier Environnement à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la société Aéroport Marseille Provence et de tout succombant les dépens ainsi que la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la réception de l'ouvrage a mis fin aux relations contractuelles avec le maître de l'ouvrage ;
- les causes du désordre lui sont étrangères ;
- elle n'a pas commis de faute ;
- aucune condamnation in solidum ne peut être prononcée à son encontre ;
- elle doit être relevée et garantie par les autres constructeurs ;
- la société Aéroport Marseille Provence a commis une faute exonératoire ;
- le préjudice doit être limité au montant hors taxes des travaux de réparation.
Par un mémoire, enregistré le 30 août 2024, la société Axa France IARD, représentée par Me Bergant, demande à la Cour :
1°) de mettre en cause la société anonyme SMA, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le n° 332 789 296, en sa qualité d'assureur de la société DG Construction ;
2°) à titre principal, de la mettre hors de cause en l'absence de conclusions dirigées contre elle ;
3°) si des conclusions devaient être présentées à son encontre, de les rejeter comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître ou comme infondées ;
4°) de condamner in solidum la société SEM, la société Bureau Veritas, la société Saint Dizier Environnement, ses assureurs Gan Eurocourtage et Allianz IARD, ainsi que la société SMA, à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge ;
5°) de rejeter toute demande au titre du montant de la taxe sur la valeur ajoutée et de limiter toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre à 3 000 000 euros, en déduisant de cette condamnation la somme de 15 000 euros ;
6°) de mettre à la charge de la société Aéroport de Marseille Provence la somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucune demande n'étant présentée contre elle, elle doit être mise hors de cause ;
- les juridictions administratives sont incompétentes pour connaître des conclusions dirigées contre elle ;
- ses demandes sont infondées ;
- en cas de condamnation, elle devrait être garantie.
Par une lettre en date du 19 juillet 2024, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu d'ici au 15 juillet 2025, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 1er octobre 2024.
Par ordonnance du 3 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
II. Par une requête, enregistrée le 26 mai 2023 sous le n° 23MA01343, et deux mémoires enregistrés le 1er septembre 2023 et le 2 août 2024, la société Bureau Veritas Construction, représentée par la SELARL Jeannin Petit Puchol, présente les mêmes conclusions et moyens que dans ses écritures enregistrées dans l'affaire précédente.
Par deux mémoires en défense et en appel incident et provoqué, enregistrés le 31 juillet 2023 et le 11 juin 2024, la société Aéroport Marseille Provence, représentée par la SCP A. Vidal-Naquet Avocats Associés puis par la SELAS LPA-CGR, présente les mêmes conclusions et moyens que dans l'affaire précédente.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2023, la société Saint Dizier Environnement, et la société Allianz IARD, représentées par Me de Angelis, présentent les mêmes conclusions et moyens que dans l'affaire précédente.
Par un mémoire, enregistré le 30 août 2024, la société Axa France IARD, représentée par Me Bergant, présente les mêmes conclusions et mêmes moyens que dans l'affaire précédente.
Par une lettre en date du 19 juillet 2024, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu d'ici au 15 juillet 2025, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 1er octobre 2024.
Par ordonnance du 3 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
III. Par une requête, enregistrée le 31 mai 2023 sous le n° 23MA01355, et un mémoire, enregistré le 28 septembre 2023, la société civile professionnelle B.T.S.G., mandataires judiciaires, prise en la personne de Me Marc Sénéchal, et immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n° 434 122 511, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société DG Construction, et représentée par Me Pechenard, demande à la Cour :
1°) d'infirmer le jugement en tant qu'il a prononcé des condamnations à l'encontre de Me Sénéchal ;
2°) de rejeter toute demande formée à l'encontre de Me Sénéchal et de la société B.T.S.G. prise en leur nom personnel ;
3°) de mettre à la charge de la société Aéroport de Marseille Provence une somme de 5 000 euros à verser à Me Sénéchal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges ne pouvaient condamner personnellement Me Sénéchal ;
- les demandes dirigées contre la société DG Construction sont irrecevables dès lors qu'elle a été placée en procédure collective.
Par deux mémoires en défense et en appel incident et provoqué, enregistrés le 31 juillet 2023 et le 11 juin 2024, la société Aéroport Marseille Provence, représentée par la SCP A. Vidal-Naquet Avocats Associés puis par la SELAS LPA-CGR, présente les mêmes conclusions et moyens que dans les affaires précédentes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2023, la société Saint Dizier Environnement, et la société Allianz IARD, représentées par Me de Angelis, présentent les mêmes conclusions et moyens que dans les affaires précédentes.
Par deux mémoires, enregistrés le 1er septembre 2023 et le 2 août 2024, la société Bureau Veritas Construction, représentée par la SELARL Jeannin Petit Puchol, présente les mêmes conclusions et moyens que dans ses écritures enregistrées dans les affaires précédentes.
Par un mémoire, enregistré le 30 août 2024, la société Axa France IARD, représentée par Me Bergant, présente les mêmes conclusions et mêmes moyens que dans les affaires précédentes.
Par une lettre en date du 19 juillet 2024, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu d'ici au 15 juillet 2024, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 1er octobre 2024.
Par ordonnance du 3 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Guillet pour la société SEM, celles de Me Vouilloux pour la société Axa France IARD, celles de Me Puchol pour la société Bureau Veritas Construction, celles de Me Desmure pour les sociétés Saint Dizier Environnement et Allianz IARD, et celles de Me Régade pour la société Aéroport Marseille Provence.
Considérant ce qui suit :
1. Par un contrat conclu le 23 mai 2011, la chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence a attribué à la société DG Construction la réalisation des travaux du lot n° 10T032 de ce projet, ayant pour objet l'installation de quatre séparateurs d'hydrocarbures, sous maîtrise d'œuvre de la SEM et sous contrôle technique de la société Bureau Veritas. La société DG Construction a sous-traité la fourniture des séparateurs à la société Saint Dizier Environnement. La réception des travaux a été prononcée le 31 janvier 2013. Dès 2015, des désordres ont été constatés sur ces séparateurs d'hydrocarbures. Par une ordonnance n° 1605849 du 29 août 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, saisi par la société Aéroport Marseille Provence, a prescrit une expertise et désigné M. A... B... en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 24 mars 2020. Par deux requêtes distinctes, la société Aéroport Marseille Provence, venant aux droits et obligations de la chambre de commerce et d'industrie après le transfert de la concession aéroportuaire, a saisi le tribunal administratif, d'une part, d'une demande tendant à la condamnation, in solidum, des sociétés SEM, Bureau Veritas, DG Construction prise en la personne de son liquidateur Me Sénéchal et Saint Dizier Environnement à lui verser la somme de 2 135 697 euros toutes taxes comprises au titre des désordres affectant les quatre séparateurs d'hydrocarbures et, d'autre part, d'une demande tendant à la seule condamnation de la société DG Construction, prise en la personne de Me Sénéchal, à lui payer la somme de 1 922 787,96 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal au titre de ces désordres. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a, en premier lieu, donné acte à la société Aéroport Marseille Provence du désistement de ses demandes dirigées contre les trois compagnies d'assurances, en deuxième lieu, condamné la SEM, la société DG Construction et la société Bureau Veritas à verser à la société Aéroport Marseille Provence la somme de 1 431 618,65 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2020, en troisième lieu, condamné la société SEM et Me Sénéchal à relever et garantir la société Bureau Veritas à hauteur respectivement de 50 % et 45 % de cette condamnation in solidum, en quatrième lieu, mis les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 38 003,04 euros toutes taxes comprises, à la charge des trois sociétés condamnées, à hauteur respectivement de 50 %, 45 % et 5 % et, en cinquième lieu, rejeté le surplus des demandes de première instance. Par trois requêtes distinctes, qui présentent à juger des questions semblables et qu'il y a donc lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt, la SEM, la société Bureau Veritas Construction et la société DG Construction, prise en la personne de son liquidateur, relèvent appel de ce jugement, en tant, chacune, qu'il lui fait grief.
Sur la mise hors de cause :
2. La société Axa France IARD, auquel le jugement attaqué ne porte pas préjudice et contre laquelle aucune conclusion n'est présentée en appel, doit être mise hors de cause.
Sur l'appel en cause de la société Axa France IARD :
3. Cette société devant être mise hors de cause, il ne peut en tout état de cause être fait droit à ses conclusions à fin de mise en cause de la société SMA.
Sur les appels principaux :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la société DG Construction :
4. Les dispositions des articles L. 621-40 à L. 621-47 du code de commerce, d'où résultent, d'une part, le principe de la suspension ou de l'interdiction de toute action en justice de la part de tous les créanciers à compter du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, d'autre part, l'obligation, qui s'impose aux collectivités publiques comme à tous autres créanciers, de déclarer leurs créances dans les conditions et délais fixés, ne comportent pas de dérogation aux dispositions régissant les compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires. Par suite, la circonstance que la collectivité publique dont l'action devant le juge administratif tend à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite des désordres constatés dans un ouvrage construit pour elle par une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement, puis de liquidation judiciaire, n'aurait pas déclaré sa créance éventuelle dans le délai fixé à l'article R. 622-24 du code de commerce et n'aurait pas demandé à être relevée de la forclusion dans les conditions prévues par l'article L. 621-46 du code de commerce est sans influence sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur ces conclusions dès lors qu'elles ne sont elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative, et ce, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur l'extinction de cette créance.
5. Il résulte de ce qui précède qu'il appartient au juge administratif de connaître de l'action tendant à l'engagement de la responsabilité de la société DG Construction, alors même que celle-ci a été placé en liquidation judiciaire, et qu'il peut donc, sans méconnaître son office, condamner cette dernière, prise en la personne du mandataire judiciaire qui la représente à l'instance, à verser certaines sommes.
6. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par Me Sénéchal et la société B.T.S.G., tirée de ce que l'engagement de la procédure collective s'opposait à ce que la société DG Construction fût condamnée, ne peut être accueillie.
En ce qui concerne le cadre juridique :
7. En application des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs, est susceptible de voir sa responsabilité engagée de plein droit, avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la réception des travaux, à raison des dommages qui compromettent la solidité d'un ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, toute personne appelée à participer à la construction de l'ouvrage, liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ou qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage, ainsi que toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire.
En ce qui concerne la qualité de débiteur de la garantie décennale du contrôleur technique :
8. L'obligation de garantie décennale s'impose non seulement aux architectes et aux entrepreneurs mais également aux autres personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage, et notamment aux contrôleurs techniques.
En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :
9. Il ressort du rapport d'expertise que les quatre séparateurs d'hydrocarbures sont affectés de déformations et de fissures qui les rendent impropres à leur destination. Les désordres revêtent donc un caractère décennal.
En ce qui concerne l'imputabilité :
10. La responsabilité décennale d'un constructeur est engagée du seul fait de sa participation à la réalisation des ouvrages affectés de désordres, et en l'absence même de faute établie, sauf dans l'hypothèse où les vices à l'origine des désordres, étant étrangers à la mission qui lui a été confiée, ne lui sont pas imputables.
11. Les sociétés SEM, DG Construction et Bureau Veritas Construction ont toutes trois participé, en leurs qualités respectives de maître d'œuvre, entreprise de travaux et contrôleur technique, à la réalisation des travaux affectés des désordres.
12. Par ailleurs, aucune des trois sociétés SEM, DG Construction et Bureau Veritas Construction n'établit l'existence d'une cause étrangère à leur mission. A ce titre, il ressort du rapport d'expertise que les désordres résultent de l'inadéquation entre, d'une part, les séparateurs installés et, d'autre part, les contraintes créées par leur environnement. L'expert a relevé, en page 37 de son rapport, qu'" en l'état de l'expertise, l'intervention de la société DG Construction ne peut être exclue du champ causal à l'origine des désordres ". Il ressort par ailleurs du rapport d'expertise que rien ne permet de supposer que les désordres procèderaient d'une cause étrangère aux missions de la société SEM, maître d'œuvre, ou de la société Bureau Veritas Construction, contrôleur technique investi d'une mission " LP " relative à la vérification de la solidité de l'ouvrage. Dans ces conditions, les travaux affectés des désordres doivent donc être regardés comme imputables à ces sociétés.
En ce qui concerne le montant du préjudice :
13. La SEM soutient que le préjudice doit être limité à 194 350 euros hors taxes, somme correspondant au coût de la solution réparatoire préconisée par la société Saint Dizier Environnement. Toutefois, elle ne fournit pas d'éléments permettant de s'assurer que cette solution permettrait de remédier aux désordres, alors que l'expert lui a préféré une solution de remplacement intégral des séparateurs. Dès lors, il y a lieu de retenir le montant des travaux de reprise préconisés par l'expert, et portant sur le remplacement des séparateurs d'hydrocarbures.
En ce qui concerne le caractère in solidum de la condamnation :
14. Les participants à une opération de travaux publics sont tenus in solidum, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, à la réparation des désordres décennaux qui sont imputables aux travaux dont ils avaient la charge.
15. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, selon lequel " le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage ", régissent seulement les rapports entre constructeurs et n'ont ni pour objet, ni pour effet de limiter la portée de l'obligation décennale due par le contrôleur technique vis-à-vis du maître de l'ouvrage.
En ce qui concerne les appels en garantie :
16. Si l'expert identifie, en page 48 de son rapport, les différentes " causes " des désordres en litige, il ressort de la lecture de ce rapport que les causes ainsi identifiées constituent seulement des causes possibles ou probables, et non des causes identifiées avec un degré de certitude suffisant. Ainsi, l'expert précise, s'agissant de l'absence de renfort de fonds de cuve, que " les différents documents produits [n'ont] pas permis de déterminer la raison et la justification de la nécessité de ces renforts de fond de cuve ", mais qu'il est seulement " légitime et raisonnable de penser que l'intégration de ceux-ci répondait à un impératif jugé nécessaire par Saint-Dizier ", et que " l'absence d'un élément initialement prévu lors de la réalisation d'un ouvrage est de nature à en dégrader l'adaptation à la fonction qui lui est dévolue et sa pérennité dans le temps ". S'il cite, par ailleurs, au titre de " cause numéro 2 ", l'absence de pose de sangles destinées à maintenir les séparateurs d'hydrocarbures en place, il constate lui-même qu'il n'a pas été en mesure de déterminer le nombre exact de sangles effectivement installées.
17. Compte tenu de ces incertitudes quant aux causes des désordres, aucune faute des différents intervenants à l'opération de construction ne peut être caractérisée. Sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement sur ce point, les sociétés appelantes sont fondées à soutenir que c'est donc à tort que les premiers juges ont fait partiellement droit aux appels en garantie croisés des constructeurs.
Sur l'appel incident :
18. Par la voie de l'appel incident, la société Aéroport Marseille Provence demande à la Cour de rehausser le montant de la condamnation prononcée, en la portant de 1 431 618,65 euros à 2 135 697 euros. En effet, le tribunal administratif de Marseille n'a retenu, au titre des préjudices indemnisables, que le montant des travaux de remplacement, chiffrés à 1 454 823 euros hors taxes, ainsi que les frais accessoires, chiffrés à 52 144 euros hors taxes (8 500 euros au titre de frais d'études, 21 822 euros au titre de frais de contrôle technique et 21 822 euros au titre de frais d'assurance). Il a, ainsi, refusé d'inclure dans le calcul du montant hors taxes du préjudice la révision des prix, chiffrée à 58 193 euros hors taxes, et le poste " imprévus et divers " chiffré à 218 223 euros hors taxes. Par ailleurs, il a appliqué au montant total du préjudice ainsi établi une décote de 5 % pour tenir compte de la faute exonératoire. La société AMP sollicite l'indemnisation de l'ensemble de ces chefs de réclamation, en contestant l'atténuation de responsabilité et en sollicitant en outre l'application de la taxe sur la valeur ajoutée.
En ce qui concerne la révision des prix :
19. Le coût des travaux de reprise doit être évalué à la date de remise du rapport d'expertise où, la cause des dégâts ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer.
20. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que la société Aéroport Marseille Provence ne justifiait pas du caractère indemnisable de la révision des prix.
21. Si la société Aéroport Marseille Provence soutient, en appel, qu'à la date du rapport d'expertise, " [le] quantum et [le] périmètre [des travaux réparatoires] n'étaient pas exhaustivement définis et arrêtés ", elle n'établit pas que cette circonstance la mettait dans l'incapacité de financer les travaux à cette date et compte tenu du rapport d'expertise, qui avait identifié la nature des travaux de reprise nécessaires.
En ce qui concerne le poste " Imprévus et divers " :
22. Comme l'a jugé le tribunal administratif, ce poste, évalué forfaitairement à 218 223 euros hors taxes, soit 15 % du montant des travaux, correspond, compte tenu de son intitulé, à un préjudice qui ne présente qu'un caractère éventuel et qui n'est, dès lors, pas indemnisable. Si la société Aéroport Marseille Provence soutient, en appel, que ce poste correspond aux aléas techniques que comporte nécessairement ce type d'opération, elle n'établit pas le caractère inéluctable, ni même prévisible de tels surcoûts.
23. Si elle sollicite, à tout le moins, l'indemnisation de cette somme à hauteur de 120 000 euros hors taxes, somme correspondant selon elle à des surcoûts précisément identifiés, liés à la mise en œuvre de micropieux, la nécessité d'un recours à cette technique, qui n'a pas été retenue par l'expert judiciaire, n'est pas suffisamment établie par l'avis insuffisamment circonstancié des experts privés mandatés par la société Aéroport Marseille Provence.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
24. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de reprise. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations.
25. En l'espèce, l'activité de l'exploitation de l'aéroport Marseille Provence est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Celle-ci pouvait donc déduire la taxe sur la valeur ajoutée grevant le coût des travaux de reprise des cotisations de taxe dues au titre de son activité commerciale. Il s'en déduit que l'indemnité devait correspondre au montant hors taxes des travaux de reprise.
En ce qui concerne la faute exonératoire :
26. Comme il a été indiqué ci-dessus aux points 16 et 17, le rapport d'expertise ne permet pas d'identifier avec un degré de certitude suffisant les causes du désordre. Si l'expert remarque en page 49 de son rapport que " la non-réalisation régulière [des opérations d'entretien annuelles] a pu jouer un rôle dans l'évolution de ces dégradations en ne permettant pas de déceler précocement toute trace de détérioration ", cette seule remarque ne suffit pas à établir l'existence d'une faute exonératoire du maître de l'ouvrage, que rien ne vient par ailleurs étayer.
27. C'est donc à tort que les premiers juges ont retenu la faute exonératoire de la société Aéroport Marseille Provence, au titre d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage.
En ce qui concerne les dépens :
28. Compte tenu de l'absence d'identification précise des causes des désordres, il y a lieu, comme le demande la société Aéroport Marseille Provence, de mettre les frais de l'expertise à la charge définitive in solidum des sociétés SEM, Bureau Veritas Construction et DG Construction, sans qu'il y ait lieu de répartir cette charge.
29. Il résulte de ce qui précède que la société Aéroport Marseille Provence est fondée, par la voie de l'appel incident, à solliciter, d'une part, le rehaussement du montant de la condamnation prononcée par le jugement attaqué de 1 431 618,65 euros à 1 506 967 euros et, d'autre part, la condamnation des sociétés SEM, Bureau Veritas Construction et DG Construction à supporter in solidum la charge de la totalité des dépens.
Sur l'appel provoqué :
30. La situation de la société Aéroport Marseille Provence n'est pas aggravée. Son appel provoqué, dirigé contre la société Saint Dizier Environnement, est donc irrecevable.
Sur les frais liés au procès :
31. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Aéroport Marseille Provence ou de la société Saint Dizier Environnement, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge des sociétés SEM, Bureau Veritas Construction et DG Construction.
D É C I D E :
Article 1er : La société Axa France IARD est mise hors de cause.
Article 2 : Le montant de la condamnation prononcée par l'article 2 du jugement nos 2005561, 2106457 du 29 mars 2023 du tribunal administratif de Marseille est porté de 1 431 618,65 euros à 1 506 967 euros. Cette somme portera intérêts dans conditions prévues par l'article 2 du jugement attaqué.
Article 3 : Les articles 2 et 6 du jugement attaqué sont réformés en conséquence.
Article 4 : L'article 3 du jugement du 29 mars 2023 est annulé.
Article 5 : Les appels en garantie auxquels cet article fait droit sont rejetés.
Article 6 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 38 003,04 euros toutes taxes comprises, sont mis in solidum à la charge de la SEM, de la société Bureau Veritas Construction et de la société DG Construction.
Article 7 : L'article 4 du jugement attaqué est réformé en conséquence.
Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la Société des eaux de Marseille (SEM), à la société Bureau Veritas Construction, à Me Marc Sénéchal, liquidateur judiciaire de la société DG Construction, à la société Saint Dizier Environnement, à la société Allianz IARD, à la société Aéroport Marseille Provence, à la société Axa France IARD et à la société Gan Eurocourtage IARD.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2025, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère,
- Mme Caroline Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2025.
Nos 23MA01326, 23MA01343, 23MA01355 2