Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2024, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du prononcé du jugement et de lui délivrer dans l'attente de la décision une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler.
Par un jugement n° 2400849 du 5 mars 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2024, et un mémoire enregistré le 20 septembre 2024, M. C..., représenté par Me Ant, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 8 janvier 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 200 euros à payer à Me Ant en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la préfecture ne justifie pas lui avoir délivré l'information prévue par l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il s'agit là d'une garantie procédurale substantielle ;
- il peut bénéficier de la protection instituée par l'article L. 611-3 de ce code ;
- en jugeant le contraire, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;
- il peut se prévaloir d'un droit au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une décision en date du 31 mai 2024, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant nigérian né le 14 septembre 1986, déclare être entré en France le 26 décembre 2022. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 juin 2023, rejet qui a été confirmé par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 13 novembre 2023. Par un arrêté du 8 janvier 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par le jugement attaqué, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'information prévue par l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de l'article 44 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, a pour seul objet, ainsi qu'en témoignent les travaux préparatoires de la loi, de limiter à compter de l'information ainsi délivrée le délai dans lequel il est loisible au demandeur d'asile de déposer une demande de titre de séjour sur un autre fondement, ce délai étant ainsi susceptible d'expirer avant même qu'il n'ait été statué sur sa demande d'asile. Le requérant, qui n'a pas déposé de demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture avant qu'aux termes de l'arrêté attaqué le préfet ne tire les conséquences sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du rejet de sa demande d'asile, ne peut donc utilement se prévaloir, contre l'obligation de quitter le territoire français, de son défaut d'information dans les conditions prévues par l'article L. 431-2 du même code.
3. En deuxième lieu, s'il invoque le bénéfice de la protection instituée par le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. C..., qui est entré en France le 26 décembre 2022, ne peut être regardé comme résidant habituellement en France à la date du 8 janvier 2024, à laquelle le préfet, tirant les conséquences du rejet définitif de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 13 novembre 2023, lui a fait obligation de quitter le territoire français. En outre, si M. C... souffre d'hypertension et d'hypertrophie ventriculaire gauche, il résulte de l'attestation établie par le Dr A... au Nigéria le 20 février 2024 que cette maladie nécessite la prise de médicaments tels que le Ramipral, la Provostatin et le Bisopropol " qui ne sont pas facilement disponibles [au Nigéria] ". Ainsi, ce certificat contredit les affirmations du requérant selon lesquelles les médicaments dont la substance active est le Ramipril et la Pravastatine sodique ne sont pas disponibles au Nigéria. Si le requérant soutient que, de manière générale, les médicaments sont difficiles d'accès et souvent contrefaits, ces indications imprécises ne suffisent pas à établir l'indisponibilité d'un traitement au Nigéria.
4. En troisième lieu, compte tenu de l'office du juge d'appel, M. C... ne peut utilement invoquer, pour solliciter l'annulation du jugement, l'erreur de droit commise à ce titre par les premiers juges.
5. En quatrième lieu, pour les raisons indiquées au point 3, M. C... ne peut se prévaloir d'un droit au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En cinquième lieu, compte tenu des circonstances de fait rappelées ci-dessus, le préfet n'a pas, en faisant obligation de quitter le territoire français à l'intéressé, entaché sa décision d'erreur manifeste.
7. En sixième lieu, il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement, sous le contrôle du juge, en application du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales fait obstacle au renvoi d'un étranger dans un pays s'il existe des motifs sérieux de croire que cette personne ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou du défaut d'accès à ceux-ci, à un risque imminent de mourir ou à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou une réduction significative de son espérance de vie.
9. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement dont bénéficie M. C... serait indisponible au Nigéria. La réalité des risques allégués n'est donc pas établie.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... C..., à Me Ant et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2025, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 janvier 2025.
N° 24MA01671 2